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Résultats de la Résidence des Rencontres de la jeune photographie internationale – Niort

Temps de lecture estimé : 12mins

Les jeunes photographes sélectionnés cette année sont entrés en résidence à la fin du mois de mars. Accompagnés par la conseillère artistique, Corinne Mercadier, les artistes ont travaillé sur un projet artistique personnel 15 jours durant… Depuis le 7 mars, les visiteurs ont pu découvrir les travaux qui avaient été présentés au jury et depuis le week-end dernier, ce sont les nouvelles images réalisées à Niort, lors de la résidence, qui sont visibles par le public.

Une vraie course contre la montre pour ces jeunes auteurs. Réaliser en 15 jours, une série, ou l’ébauche d’une série photographique, en faire un editing cohérent, réaliser les tirages avec l’équipe technique et mettre en place une scénographie pour l’exposition qui se tient à l’hôtel de ville de Niort relève presque de l’exploit !

Aujourd’hui, nous vous dévoilons deux images réalisées par les photographes résidants de cette édition 2018 et les vues des espaces d’exposition accompagnées de leur projet.

Manon Lanjouère – L’attrait de la lumière

Exposition In Situ de Manon Lanjouère, Niort 2018 © Didier Goudal

Aujourd’hui en résidence artistique à la Villa Pérochon, je décide lors de ces deux semaines de travailler sur la lumière, notion immatérielle, quasi impossible à représenter. Celle qui est à l’origine de notre pratique artistique, l’agent permettant la réalisation de photographies, sera alors le sujet même de mon projet.
Après plusieurs jours de recherches et conseillée par Jean-Luc, j’approfondis ma démarche en allant voir les objets scientifiques de la collection du musée d’Agesci. J’y découvre des microscopes composés, des prismes de Newton et autres objets hybrides. La suite de ma visite me conduit à la bibliothèque scientifique du musée. Après une prise de rendez-vous avec la conservatrice, j’ai pu accéder à la collection d’écrits et y découvre que cinquante années plus tôt, un jeune physicien s’installa à Niort pour étudier la lumière. Je mène l’enquête et pars à la recherche de ce savant dans l’espoir de pouvoir le rencontrer.
Déçue d’apprendre le décès du professeur Mesuras, je fus néanmoins capable de trouver son fils, toujours établi à Niort et qui accepta de me raconter l’histoire de son père.
Avec cette série appelée L’Attrait de la lumière, je vous invite à découvrir ce personnage inconnu à travers des documents que sa famille m’a autorisé à utiliser.
Mort prématurément, il n’a jamais pu terminer son ouvrage dont j’ai repris le titre ici, mais son laboratoire ne fut jamais détruit et peut toujours être visible à la périphérie de Niort.

Lisa Gervassi : Atopie

Exposition In Situ de Lisa Gervassi, Niort 2018 © Didier Goudal

Du grec, a- privatif (sans) et topos- (lieu) : sans lieu, ou déplacé, mal placé.
À la fois complice et traîtresse, la peau nous protège autant qu’elle nous révèle.
Surface de possibilités et de mémoire, elle est le système de protection de notre individualité et le principal lieu d’échange avec le monde extérieur.
Cet entre-deux, espace soumis aux influences de forces opposées, voire contradictoires, nous circonscrit et nous permet de répondre à une nécessité vitale : celle de la croyance en l’identité et en la continuité de soi.
Confrontés à la dualité de cette interface (vulnérabilité / protection, plénitude / vide, fusion / séparation, plaisir / souffrance, constance / changement…), nous vivons pourtant à la recherche d’un équilibre, d’un idéal, d’une place à soi.
En suivant la route de la peau à Niort, la rencontre avec une femme, qui a été mon modèle pour cette recherche photographique, et la découverte du vocabulaire propre à l’industrie gantière m’ont amenée à aborder les notions de limites dedans / dehors, mais aussi à explorer la peau comme matériau plastique, comme interface entre le monde intérieur et extérieur, et comme manifestation de leur confrontation.

Negar Yaghmaian : Home from elsewhere

Exposition In Situ de Negar Yaghmaian, Niort 2018 © Didier Goudal

Je suis là. Loin de chez moi. De mon pays. Un endroit partageant peu avec la ville dans laquelle je vis, ma ville natale, Téhéran.
Je commence ma journée en lisant des messages, de courtes conversations avec ma famille et amis, ce qui est toujours très encourageant pour ensuite lire les actualités et avoir une idée sur ce qu’il se passe dans mon pays. Très vite, je me trouve accablée par ce flot de nouvelles inquiétantes.
Déroutée et confuse par tous ces sentiments doux-amers, je vais dehors, explorer cette nouvelle ville, marchant dans les allées, traversant des ponts.
Mes sentiments et pensées se dirigent vers mon pays. Je ne peux pas me détacher entièrement d’où je viens, et de manière inattendue ce qui traverse mon esprit vient se présenter sous mes
yeux.
Maintenant, même de tous petits détails donnent naissance à de nouvelles significations.
L’odeur des morceaux de bois brûlés m’évoque les incendies qui se sont récemment produits dans la forêt au nord de l’Iran. Une miche de pain fait le lien avec une grève de la faim.
Et je pense à ma grand-mère lorsque je rencontre cette vieille femme lors de mes promenades nocturnes, qui me raconte les histoires de sa famille.
Comme si tout ce que j’ai pu voir durant ce séjour était une allusion à ce qui se passe dans mon pays.
Je suis là, regardant ce qui se passe ailleurs et j’alimente mon imagination de ce qui se passe là-bas.

Laura Bonnefous – Les choses

Exposition In Situ de Laura Bonnefous, Niort 2018 © Didier Goudal

Marcher sur la morale. Boire du thé noir enveloppé de rouge et d’or. Transformer son prince en grenouille. Lire Colette. Poursuivre son plan. Et respecter la vérité. Lacer le jaune. Mesurer les choses. Emmêler les pétales. Et enfiler le carreau. Sculpter les légumes. Lancer les souvenirs. Et dénicher à la recyclerie. Et puis lire Proust. Flâner en amoureux. Et s’embarquer. S’équilibrer d’une rose. Dans le sable. S’arrondir d’une confiture. Agrandir la boucle. Prendre un café Plein Sud. Enlacer sa peau. Déclarer sur le papier. D’une fille à sa mère. Et encore lire Perec. Sur les toits orangés. Aligner les livres rouges. Faire voler les violets. Et briller le cristal. Sous l’équilibre végétal. Et l’ombre du blanc. Puis trancher le motif. Et piquer l’iris. Faire scintiller l’anneau. D’un bleu maternel. Sur les genoux. Porté par le bleu. Et passer par la cheminée. En examinant la feuille. Et le jeu d’un enfant. Sans jamais oublier son péché. Des plus chocolatés. En suspens de dentelle. Un amour en cage envolé. D’un flacon échappé. Faire mouche. Et toujours déconstruire. Puis réécrire son histoire. A travers un regard.

Isabelle Ha-Eav : In Extremis

Exposition In Situ d’Isabelle Ha-Eav, Niort 2018 © Didier Goudal

In extremis, du latin : « à la toute fin, à la dernière extrémité ».
Ici In extremis est l’exploration d’un geste sans usages, surgissant, les contours possibles.
Des mains tentent de saisir. D’autres se dressent, s’élèvent,
retombent.
La végétation pousse sous la surface du marais.
Parfois, la glace se fige, à la recherche de l’intensité.

Nia Diedla : Párpados

Exposition In Situ de Nia Diedla, Niort 2018 © Didier Goudal

J’ai lu dans un ancien traité d’astronomie qu’il y a 50.000 ans, les sept étoiles de la Grande Ourse s’alignaient pour former une véritable croix, plus exacte et plus belle encore que la Croix du Sud. Le chapitre de La dislocation des cieux m’a fait penser à une image que j’avais dans mes archives : une image de cimetière, où une croix avait changé de place, mais elle avait laissé une empreinte blanche, un miroir qui n’était pas un miroir. La croix était toujours là et en même temps ce n’était qu’un souvenir.
Sous les paupières nous avons tous des cieux qui se disloquent, il y a en eux ce que nous étions et ce que nous sommes, le mouvement de nos propres astres dans un temps qui est intimement à nous.
J’ai voulu aller regarder sous les paupières des autres, voir ces images qui brillaient et s’éteignaient dans la constellation de nos chimères, cachées juste de l’autre côté de cette écorce faite de peau.
En me clignant de l’oeil depuis l’album photo, Léontine a été la première qui m’a offert ses paupières. J’ai dessiné sa constellation.

Dorian Teti : La Visite

Exposition In Situ de Dorian Teti, Niort 2018 © Didier Goudal

Si ma propre place me semble confuse, je me suis demandé si je pouvais la vivre ailleurs, la transposer : peut-être qu’en éprouvant la place d’un autre, en m’inscrivant dans une autre famille que la mienne, je pourrais mettre à distance certains liens, qui se dérobent à moi. Occuper la place d’un fils dans ma propre famille m’apparaît souvent compliqué. Comme si certains codes et attitudes m’échappaient, et me restaient inaccessibles.
J’ai profité du temps de la résidence pour mener une expérience : m’immerger quelques jours et quelques nuits dans une famille en m’adaptant à la quotidienneté de son rythme.
Anne et Olivier m’ont accueilli comme leur fils, et leurs trois enfants se sont prêtés au jeu que j’ai mis en place au fil des jours.
Pour expérimenter ce dispositif, j’ai commencé à me mettre en scène, en imaginant et en me confrontant à ce que j’avais en tête de ce qui fait famille : prendre un repas, partager un moment au jardin, faire des courses. Passer du temps, en somme.
Je pensais venir incarner une absence, pouvoir occuper une place qu’on m’accorderait, et m’accaparer un lien. En essayant de donner corps à cet attachement fabriqué, illusoire, c’est mon propre corps et ma propre place dans cette intimité étrangère que j’ai interrogé.

Dina Oganiva : Be Me

Exposition In Situ de Dina Oganova, Niort 2018 © Didier Goudal

When I was a little girl, I used to travel a lot.
In my dreams I was everywhere in the planet, but most of all I loved to be in my imaginary world, which was created by my mom.
It was war outside from our window, but inside our home, we were sitting in a big ship and traveling somewhere in the middle of the Pacific ocean.
It was magical.
When I grew up I stop to dream.
I start to travel in my reality, as everyone around, but I was always missing my past, my imaginary world and I was asking myself, where did I loose keys of my fairy tale?
When I came here in this beautiful and calm city, Niort, city with a lot of water around, magical trees with a lot of faces, fresh air, birds, bicycles with flowers and windows with hearts, smells of the Spring and sounds of Love, the answer immediately came to my mind and I found my keys of happiness, here.
It was real me, full of life, but suddenly I feel myself so lonely, so far away.I was missing something, something very important in my life and it was him, person who I met last year and who changed all my life, who could read my soul, who feel me real. We were living in a castle with all these beauties around but it was not him. Something was wrong with us, we were standing next to each other without words, without emotions, without dreams and without love.
We were in two different worlds, far away from each other and I was so scared to lost him for ever.
I wanted to stop the time, to came back when we created our own world, just for two of us and start to live there with morning sun and suddenly I found him again, in between all these trees and small roads, he was standing as a little boy in the river with flowers in his eyes and crying.
It was him living in me and we start to live in our new fairy tale with plus 26 minutes of his / my life.
U can’t find me in the photos, but Im living in his hands, in every his look, in every his breath, because he is me.

A LIRE :
> Rencontre avec Patrick Delat, Directeur artistique des Rencontres de la Jeune Photographie à Niort
> Rencontre avec Corinne Mercadier, Conseillère artistique de la Résidence des Rencontres de la Jeune Photographie à Niort
La Jeune Photographie Internationale s’expose à Niort

INFORMATIONS PRATIQUES
Les Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort 2018
Exposition des oeuvres réalisées durant la résidence
Du 14 avril au 26 mai 2018
Hôtel de Ville de Niort
1 Place Martin Bastard
79000 Niort
Du mercredi au samedi de 13h30 à 18h30 (Ouverture exceptionnelle les dimanches 1er et 15 avril)
Corinne Mercadier
Satellites
Du 7 mars au 26 mai 2018
Villa Pérochon-CACP
64 Rue Paul François Proust
79000 Niort
Du mercredi au samedi de 13h30 à 18h30
http://www.cacp-villaperochon.com
http://www.corinnemercadier.com/

Autour de la Résidence

Sept expositions seront inaugurées tout au long du mois de mars dans divers lieux de Niort, dont voici le programme détaillé :
• Maitetxu Etcheverria / Voyages insulaires
Pavillon Stéphane Grappelli du 28 mars au 19 mai 2018
Du mercredi au samedi au samedi de 13h30 à 18h30
• Emmanuelle Brisson / Les profondeurs du coeur
Espace d’arts visuels Le Pilori Du 28 mars au 5 mai 2018
Du mercredi au vendredi 10h00 à 12h00 et 14h à 19h00 et le samedi de 14h00 à 19h00
• Françoise Beauguion / Exils
Belvédère du Moulin du Roc du 7 mars au 19 mai 2018
Du mercredi au samedi de 13h30 à 18h30
• Filigranes Éditions / Les anciens résidents de Niort et leurs publications
Librairie des Halles du 28 mars au 28 avril 2018
• Margherita Muriti / God, how shall I pray
Atelier du cadre du 28 mars au 28 avril 2018
Du mercredi au samedi de 14h00 à 18h30
• Paul Muse / Walking the Dog
Galerie nomade du 6 mars au 26 mai 2018
• Emanuela Meloni / Station Niortaise-Prémices
Allée centrale du parking de la Brèche du 6 mars au 26 mai 2018

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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