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La 22ème édition de Paris Photo met à l’honneur les femmes photographes
Rencontre avec Florence Bourgeois

Temps de lecture estimé : 9mins

La 22ème édition de Paris Photo va ouvrir ses portes au public jeudi prochain. Sous la verrière du Grand Palais, ce sont 167 galeries et 31 éditeurs qui se réunissent lors du plus grand événement de photographie, qui voit passer les galeristes, libraires et collectionneurs du monde entier. À cette occasion, nous avons rencontré Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo pour nous présenter ce nouveau cru 2018.

« Le marché de la photographie se porte bien, il représente en valeur absolue une part non négligeable de l’industrie artistique. On voit à quel point le médium est reconnu et établi. Cela se traduit par la multiplication des foires dédiées à la photographie, et aussi parce que dans les musées internationaux se développent de plus en plus des départements consacrés au médium photographique.
Lors de la semaine de Paris Photo, il est étonnant de voir toute l’effervescence autour de la photographie, avec de nombreuses postpropositions périphériques !« 

9 Lives : Paris Photo est l’une des plus importantes foires internationales dédiées à la photographie. Comment se positionne le marché de la photographie aujourd’hui ?

Florence Bourgeois : Je crois que l’on peut dire sans arrogance, que Paris Photo est la plus importante foire de photographie, de par sa taille avec presque 200 exposants (167 galeries et 31 éditeurs), de par sa programmation très riche qui rassemble expositions, signatures, et cycles de conversations, mais aussi par sa fréquentation, puisque l’an passé nous avons accueilli 65000 visiteurs.
Le marché de la photographie se porte bien, il représente en valeur absolue une part non négligeable de l’industrie artistique. Une étude d’artnet qui remonte à quelques années, montrait que la photographie représentait 1% du volume total des transactions dans les maisons de vente. Néanmoins on voit à quel point le médium est reconnu et établi. Cela se traduit par la multiplication des foires dédiées à la photographie, et aussi parce que dans les musées internationaux, se développent de plus en plus des départements consacrés au médium photographique.
Lors de la semaine de Paris Photo, il est étonnant de voir toute l’effervescence autour de la photographie, avec de nombreuses postpropositions périphériques !

Last VIII, Agnès Geoffray 2009 / Courtesy of Galerie Maubert

9 Lives : En 2015, la foire avait fermé ses portes prématurément suite aux terribles attentats qui avaient frappés la capitale. Quel(s) impact(s) cela a t-il eu sur la foire et sur son évolution ?

F. B. : Cet événement a été un choc. Cela a eu un retentissement mondial, ce qui s’est passé sur la foire était presque un épiphénomène par rapport au dramatique des événements. Après cela, il y a eu des implications pour la ville de Paris qui ont été terribles durant les mois qui ont suivi. Aujourd’hui, c’est une situation qui s’est heureusement rétablie, les étrangers reviennent à Paris. Il faut sortir du cadre de Paris Photo pur, il y a eu un attentisme, et les touristes ne sont plus venus durant plusieurs mois. En deux ans nous avons vu la situation se rétablir et nous notons, malgré la jauge du Grand Palais qui n’est pas illimitée, une forte croissance de nos visiteurs d’année en année.
L’intérêt pour la foire ne faiblit pas, nous recevons plus de 300 candidatures de galeries pour environ la moitié de stands disponibles. Paris Photo est un rendez-vous incontournable dans le calendrier pour tous les collectionneurs, directeurs de département et amateurs de photographie… ils savent qu’ils vont trouver à Paris et à Paris Photo une émulation et une effervescence autour du médium. C’est une foire où il y a beaucoup de découvertes et beaucoup d’échanges.

9 Lives : Lors de la sélection des galeries exposantes, quels sont vos critères pour établir vos choix ?

F. B. : Tout tient au projet qui est proposé par la galerie dans le cadre de la foire. Nous avons à cœur de présenter un panorama de deux siècles de photographie, pour que la représentation du médium soit la plus large possible : de la photographie historique en passant par la photographie moderne et contemporaine… On souhaite également présenter l’émergence, c’est pourquoi nous avons des nouvelles galeries présentes chaque année, nous accueillons des jeunes galeries pour montrer ce vers quoi évolue la photographie. Il est aussi important d’avoir une représentation géographique la plus large possible, sans passer par des quotas bien évidemment. On travaille avec un comité de sélection composé de 7 galeries internationales. Ils ont tous une très grande expertise dans ce domaine. On s’appuie beaucoup sur eux, car ils sont aussi dénicheurs de talent, de galeries, et ils nous aident dans notre travail de prospection que l’on attaque dès la fin de la foire.

« Au sein de Paris Photo, les femmes photographes ne représentent que 20%… Ce qu’il faut c’est qu’il y ait une sensibilisation pour une prise de conscience collective y compris de la part des galeristes. Charge à nous également d’y contribuer. Nous sommes très fiers de mettre en avant le travail de ces femmes à travers le projet – Elles X Paris Photo – !« 

9 Lives : Depuis ces dernières années, les galeries organisent de plus en plus de solo show, duo show, lors de la foire, pourquoi ce choix nouveau de mettre en avant un artiste plutôt qu’un ensemble de photographies ?

F. B. : C’est un sujet que l’on aborde avec les galeries lorsque l’on reçoit les projets. Cette année, nous aurons 27 solo show et 11 duo show, c’est important car, grace à cela, l’artiste obtient une belle visibilité. Et pour les visiteurs, qui vont voir plus de 150 stands d’une grande diversité avec un panorama de la photographie étendu sur 200 ans, ces expositions créent une « respiration » qui permet de rentrer plus en détail dans le travail d’un photographe. Pour nous c’est important. Même si diversité fait beauté. Là encore c’est cette hétérogénéité des présentations qui fait l’attrait de la foire : des grosses galeries d’art contemporain aux plus petites galeries spécialisées en photographie. Des group show au solo show, des petits aux gros stands… sans oublier nos nouveaux secteurs : Prismes – créé il y a 4 ans – qui cette année fait un focus sur les grands formats et séries aux installations d’envergure et Curiosa – nouveauté 2018 – qui a une scénographie particulière et qui va présenter des expositions sur la thématique de l’érotisme et de la représentation du corps.

9 Lives : Ces derniers temps, on parle beaucoup du manque de visibilité des femmes photographes, et justement cette année Paris Photo, a souhaité mettre en l’honneur les femmes en organisant un parcours au sein de la foire (mais aussi aux alentours). En quoi consiste ce parcours ?

F. B. : Nous avons rencontré Marion Hislen, lorsqu’elle a pris son poste au ministère de la Culture, en cohérence avec la politique et la volonté du gouvernement et en particulier de Françoise Nyssen, ancienne misnitre de la culture, d’évoluer vers une parité plus importante des artistes et des directeurs de musées. Nous avons donc réfléchi ensemble à la manière dont nous pouvions promouvoir les artistes féminines qui souffrent d’un manque de visibilité. Nous avons nommé Fanny Escoulen en tant que commissaire du projet « Elles X Paris Photo« . C’est un parcours au sein de la foire mais aussi hors les murs qui met en exergue le travail des femmes photographes. Une fois que la sélection des galeries était faite, on a demandé à chacune de nous communiquer la liste des femmes photographes. Fanny Escoulen a donc fait un choix de 100 photographies pour établir un parcours de visite. Il y a également une publication qui sera offerte aux visiteurs et en résonance à cela, nous avons dédié une journée de conversation prévue jeudi sur la thématique « La femme, cette exception : une sous-representation du genre dans la photographie ? « .

Untitled from Early Color portfolio 1976. Jo Ann Callis courtesy ROSEGALLERY

9 Lives : Quelle place occupe la femme photographe au sein de la foire depuis plusieurs années ? Trouvez-vous qu’elles manquent de visibilité ? Et quelles seraient les solutions pour leur donner la place qu’elles méritent ?

F. B. : Sur la foire il n’ y a pas vraiment de distinction par rapport à ce qu’il se passe au niveau national. Je me suis amusée à faire un exercice de compte pour voir combien d’artistes féminines étaient représentées, et malheureusement nous arrivons au même constat. Elles ne représentent que 20%…
Ce qu’il faut c’est qu’il y ait une sensibilisation pour une prise de conscience collective y compris de la part des galeristes. Si on regarde le travail considérable que Marta Gili a fait au Jeu de Paume pour promouvoir le travail des femmes, ce travail doit être fait par tous ! Charge à nous également d’y contribuer. Nous sommes très fiers de mettre cette programmation en avant, de pouvoir offrir gratuitement ce livre qui va sensibiliser le public au travail de ses femmes !

9 Lives : Le visuel choisi pour cette édition est signée Mickalene Thomas. Une artiste issue des minorités puisqu’il s’agit d’une femme afro-américaine en provenance de Camden. Vous pouvez-nous expliquer ce choix ?

F. B. : Il y a plusieurs raisons à ce choix. Déjà, nous avions vraiment envie de choisir une femme pour qu »il y ait une raisonnance avec une partie de la programmation 2018. C’est toujours un grand dilemme de choisir le visuel de la foire, on doit choisir le bon parmi des centaines d’images… Cette photographie est très tonique, très colorée, il y a une note d’humour avec le positionnement du logo qui cherche à cacher quelque chose… On se demande ce qui se cache derrière…
Et puis Mickalene Thomas est une artiste contemporaine, afro américaine avec un environnement scénographiée qui est imprégné de l’esprit des années 60/70 donc c’est aussi et surtout une photographie qui raconte des choses et une artiste qui a beaucoup à dire. Donc ce visuel réunissait de nombreuses qualités. Parfait pour cette 22ème édition !

INFORMATIONS PRATIQUES

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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