Actu Art ContemporainOtherSide

Peindre la nuit et Lee Ufan au Centre Pompidou Metz

Temps de lecture estimé : 4mins

Voilà une exposition totalement inédite et à vivre sans plus attendre. Dès la façade du paquebot messin, l’œuvre de Harold Ancart à la fenêtre comme une invitation à embarquer sur les rives de l’errance et du vertige nocturne. Les yeux doivent s’acclimater et l’œuvre que l’on découvre en premier, en galerie 2 du Centre Pompidou, les lucioles de Jennifer Douzenel (en hommage à G. Didi Huberman) demande un temps de pause. Son ciel étoilé de Malaisie en constant mouvement est un signal pour ce qui va suivre. N’oublions pas que le ciel étoilé a été déclaré au patrimoine mondial de l’humanité.

Un seul rêveur parmi la centaine d’œuvres réunies, Rodney Graham qui se soumet à une substance sédative forte, le Halcion réputé créer des dépendances jusqu’à entrainer de possibles amnésies.

« La nouvelle nuit moderne offre un potentiel plastique inexploré » jusqu’alors grâce à l’invention de l’électricité en 1879, comme le résume le commissaire Jean-Marie Gallais. Ces enseignes et nouvelle écriture visuelle sont saisies par la photographie (Brassaï) et le cinéma encore expérimental (Eugène Deslaw, « Nuits électriques »). Sortent alors du bois un certain nombre de personnages interlopes aux activités plus ou moins licites comme chez George Grosz « la prostituée », « l’ivrogne »..avant que les surréalistes n’en fassent leur terrain de jeu. Le noctambulisme devient un acte revendiqué chez Max Ernst, André Mason « Piège à soleils », Henri Michaux et son drôle de « petit prince de la nuit ». La quête peut virer au cauchemar et à l’insomnie comme avec Philip Guston ou Lee Krasner qui à la mort de son époux Jackson Pollock, se met à créer des nouvelles formes quasi animales, les « Night Creatures ».

La conquête spatiale va ouvrir la voie à de nouvelles explorations comme chez Fontana dont est reconstituée l’une des « Ambiance spatiale » monumentale de 1967. Un temps fort qui rejoint les utopies du russe Francisco Infante-Arana ou les nuits capturées dans le marbre de Charbel-joseph H.Boutros. Des gestes d’une grande poésie. L’artiste aime jouer les Deux Ex Machina dans ce vaste cosmos qu’il semble vain de vouloir circonscrire.

Il faudrait citer aussi le film italien de Paolo Sorrentino »la grande bellezza » de 2013 d’une extravagance sans limite ou le flamboyant rideau de scène de Jean-Luc Verna « Past Knight » 1996-2016, pour rappeler que le milieu de la nuit fascine encore et toujours.

Une seule question demeure résumée par Louise Bourgeois «  »Le jour a-t-il envahi la nuit, ou la nuit a-t-elle envahi le jour ? »

Immanquables :
-Le New York d’Amédée Ozenfant
-La Voie lactée de Peter Doig (affiche)
-Mysteries d’Ed Ruscha
-L’installation de Raphaël Dellaporta, (tester quel est votre œil fort ?)
-L’atelier de nuit de Spencer Finch

Catalogue, 240 pages, 39 € sous la direction de Jean-Marie Gallais.
Diplômé de l’EHESS, Ecole des hautes études en sciences sociales, de l’Ecole du Louvre et de l’Université de Lille 3, Jean-Marie Gallais a dirigé la Galerie Max Hetzler à Berlin et Paris de 2012 à 2014. Il est responsable du pôle Programmation du Centre Pompidou Metz depuis 2016.

Lee Ufan, avec « Habiter le temps » et le spectaculaire Relatum dans le Forum d’entrée nous livre 40 œuvres des années 1968 à aujourd’hui, un panorama particulièrement complet et ambitieux. S’il nous avait séduit à Versailles avec cette arche extérieure qui encadrait le château et au CCC OD de Tours avec l’obscurité de « pressentiment », le parcours du Centre Pompidou Metz est inégal. L’on retrouve la magie de certaines ambiances, comme le bruit de nos pas qui crisse sur le gravier blanc, ce ressenti physique immédiat renforcé par la création sonore du compositeur Ryuichi Sakamoto, une bande son en écho au minimalisme brut de la philosophie Mono-ha.

Et même si l’épaisseur des cloisons, les ouvertures ont été spécialement pensées, l’expérience n’est pas complètement au rendez-vous. Sans doute que la nature sied mieux à de tels sensations.

INFOS PRATIQUES :
• Peindre la nuit
Jusqu’au 15 avril 2019
• Lee Ufan
Jusqu’au 30 septembre 2019
http://www.centrepompidou-metz.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

You may also like

En voir plus dans Actu Art Contemporain