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L’équipe de la Maison de la photographie a trouvé refuge dans la galerie des Tanneurs, en plein centre-ville de Lille, pour une nouvelle édition du festival Transphotographiques, qui est en même temps son 20e anniversaire. Dans un lieu qui fut il y a peu celui de la FNAC et qui offre ses 3 000 m², l’exposition EN HAUTS ! s’inscrit dans la suite des éditions antérieures qui depuis 2001 ont présenté les plus grands photographes contemporains : Willy Ronis, Sabine Weiss, Peter Lindbergh, William Klein et bien d’autres.

La photo malgré tout

Wolves, Swallows and Ewes © Nadège Mazars

L’équipe des Trans photos témoigne ainsi de son incroyable résilience, même si Olivier Spillebout son fondateur affiche parfois ses doutes. Le travail fait en dehors des institutions culturelles et d’une certaine manière rejetées par elles est pourtant réel. La disparition totale des subventions publiques sur fond d’opposition politique entre le couple Spillebout et la mairie de Lille pèse sur l’affirmation de la place de la photo dans le paysage culturel lillois. La rivalité frontale avec le projet toujours en perspective de l’institut pour la photographie près de 5 ans après avoir été annoncé par Xavier Bertrand, le président de la Région des hauts de France laisse un goût amer après l’annonce faite lors de la dernière Commission permanente du Conseil Régional d’y affecter une augmentation de 14,5 millions d’euros.
Le Festival, quant à lui repose sur les faibles ressources de l’association, sans aucune subvention publique et doit à l’engagement de quelques mécènes de pouvoir continuer à exister. L’absence de moyens ne pèse pas sur la qualité artistique de la présentation mais on doit bien remarquer que l’absence totale de budget de communication rend de fait la fréquentation du Festival assez confidentielle et ne permet pas la rencontre complète entre les photographes et leur public.

Une belle édition anniversaire

© Samir Belkaïd – Transphotographiques 2021

Malgré ces « contrariétés », la visite aux Tanneurs laisse une très belle impression. L’exposition EN HAUTS ! est la résultante d’un large appel à projets, lancé en début de l’année 2021, auquel ont répondu plus de 250 photographes liés aux Hauts-de-France soit par leur origine soit par leur travail. Cette démarche originale, dresse au final un panorama des paysages, de la société et de l’histoire de la Région. A ce titre elle relève d’une véritable mission de service public. Elle témoigne de la grande vitalité de la production photographique dans la région. De sa grande diversité aussi et de son professionnalisme.

Mon Amerique. Habarcq © Laurent Mayeux – Transphotographiques 2021

Tangier, l’île perdue. Des enfants jouent au bord de la route, alors que la marée redescent et les jardins des maisons alentours sont innondés. Les marécages gorgés d’eau offrent un terrain de jeu idéal pour les enfants, faisant presque oublier l’urgence absolue et le caractère catastrophique de la situation. © Sébastien Leban

Un jury exigeant.

Jean-Luc Monterosso, le fondateur et ancien directeur de la Maison Européenne de la Photographie, a présidé le jury de sélection, accompagné de la photographe française Françoise Huguier, amie de toujours du festival, et déjà exposée en 2 002 à l’Espace Matisse, puis en 2 007 au Tri postal de Lille. D’autres personnalités culturelles reconnues dans le milieu de la photographie, déjà intervenues dans des éditions antérieures du festival les ont rejoints : Françoise Paviot, Gabriel Bauret, Sophie Doutriaux, Jérôme Bartosik, Diane-Laure Souci et Luc Hossepied. Ils ont décerné de nombreux prix et notamment le prix Jean-Luc Monterosso, qui assure un parrainage d’une année permettant d’exposer dans les galeries et de bénéficier du réseau de cette grande personnalité culturelle. Une première sélection des travaux d’une cinquantaine de photographes est présentée de façon muséale sur les cimaises, d’un espace agréable à parcourir. Le travail de scénographie et d’exposition sublime l’absence de moyens.

Une visite qui mérite qu’on y consacre un peu de temps

France-Calais 01/12/2020 Centre de soins palliatifs de l’hôpital de Calais.
Peyo lèche les mains de Roger 64 ans qui vient de revenir pour la journée dans le service de soins palliatif pour une transfusion sanguine. 
Roger est heureux de revoir son « Docteur préféré ». © Jeremy Lempin

Djordan dreams of playing the role of sheriff in an American western.
His favorite line from Walker Texas Ranger: « I put my feet where I want and it’s often in the mouth. » Calais, France, 13/03/2020. Photograph by Natalya Saprunova.
Djordan reve de jouer le role de sherif dans un western americain. Sa phrase preferee issue de Walker Texas Ranger : « Je mets les pieds ou je veux et c’est souvent dans la gueule ». Calais, France, 13/03/2020. Photographie par Natalya Saprunova.

Au gré de la visite, on s’arrête forcément, frappé par l’émotion, sur les clichés de Jeremy Lempin qui a été lauréat 2 021 du Visa d’or au festival de l’image de Perpignan qui relate le travail thérapeutique effectué au centre de soins palliatifs de Calais par Mister Hassen et le cheval Peyo. On remarque aussi les photos en noir et blanc de Bruno Delannoy qui a arpenté les routes du Nord et photographié, les places et les plages, les cours et les courées délivrant des clichés photographiques qui ont tout pour devenir iconiques. Saisissants, aussi les travaux de Nicolas Portnoi, consacrés au très fameux carnaval de Dunkerque : Au-delà des images habituelles des carnavaleux le photographe accomplit une immersion plus discrète dans le hors-champs des bandes de Malo, de Petite Synthe de Dunkerque et de la Citadelle. Emouvantes encore, les images de Natalya Saprunova, qui présente un travail sociodocumentaire consacré aux histoires personnelles des jeunes décrocheurs scolaires de la ville de Calais. Le grand projet de Arnaud Calais & Christophe Meireis prend forme ici dans une sélection d’images du littoral français illustrant les rêves d’habitants constamment partagés entre Terre et Mer. L’expression de Anna Solé, photographe locale, trouve aussi toute sa place en illustrant un dialogue artistique avec la friche Roubaisienne de l’usine Vanoutryve. On n’en finit plus de laisser les yeux parcourir les longs murs de cet espace décalé, chaque projet étant unique, sensible, et sollicitant réflexion ou interaction.

© Arnaud Calais | Christophe Meireis – Transphotographiques 2021

A suivre : d’autres présentations et des débats

Denain (59), Juillet 2017. Tanguy et son frère Rodrigue ne partent jamais en vacances. Alors l’été, on profite des environs comme la base de loisirs du Rieulay, une plage artificielle aménagée en contrebas du terril des Argales. © Vincent Jarousseau / Transphotographiques 2021

© Vincent Jarousseau / Transphotographiques 2021

D’autres travaux seront présentés en dehors de la Galerie des Tanneurs. Ceux de Vincent Jarousseau, déjà célébré pour son travail sur l’émergence du mouvement des gilets jaunes qui s’est vu décerner le prix spécial du jury des Transphotos. Il présentera le résultat de son immersion à Denain Les racines de la colère, à la Maison de la Photographie, rue Frémy à partir du 20 octobre. Y trouveront aussi place le résultat d’une commande confiée à Pierre Faure sur la pauvreté à Lille, et une exposition de l’artiste italien Flavio Tarquinio. Olivier Spillebout annonce aussi sur les réseaux sociaux l’organisation de débats traitant du rôle de la photographie pour sensibiliser aux sujets qui traversent notre société: l’accueil des réfugiés, le harcèlement, l’homophobie, la misère et la désocialisation, le handicap, l’insertion professionnelle, l’accompagnement des malades. Des soirées-projections permettront à tous les projets du Off d’être aussi présentés au public, sous une forme plus éphémère mais accessible.

© Pierre Faure

© Pierre Faure

Croire en la Maison de la Photographie

Avant de retrouver le chemin de la rue Frémy où est implantée la Maison de la Photographie, Il faut aller visiter l’exposition « en hauts » visible jusqu’à la fin du mois d’octobre. On y trouve la touche des grandes années de ce festival. On se dit qu’avec des moyens financiers normaux la photographie y aurait eu son écrin.

Texte : Jean-Michel Stievenard

INFORMATIONS PRATIQUES

sam25sep(sep 25)10 h 00 minven31déc(déc 31)18 h 00 minTransphotographiques 2021En Hauts !Les Tanneurs, 80 Rue Pierre Mauroy, 59800 Lille OrganisateurTransphotographiques

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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