Georges Rousse

Photo : Sélestat 1999 © Georges Rousse

Deux créations originales et une exposition rétrospective

La réflexion artistique menée depuis plusieurs années au sein de l’Abbaye de La Celle a incité le directeur artistique de l’Abbaye et de l’Hôtel des Expositions du Var, Ricardo Vazquez, conservateur en chef du patrimoine, à inviter Georges Rousse à proposer une création originale, dans un espace réhabilité et classé au titre des monuments historiques.
Ce lieu patrimonial accueille, en effet, des expositions de photographie dont la relation avec le lieu est étroite. Barbara Luisi, Raphaël Dallaporta et aujourd’hui Georges Rousse ont proposé des créations et installations qui dialoguent étroitement avec les différentes dimensions de l’Abbaye. Matière, lumière, architecture, féminité, temps ou enfermement sont quelques unes des approches que le site propose à la réflexion des artistes invités.
Laura Serani, la commissaire de l’exposition et les équipes du Département du Var ont pensé cette exposition comme une plongée dans le travail de Georges Rousse. L’idée est de retracer le parcours de l’artiste pour mieux faire comprendre au public son processus de création et l’évolution de son travail dans le temps. Les deux créations originales installées dans l’Abbaye de La Celle permettent aux visiteurs de comprendre la démarche technique de l’artiste et peuvent être contextualisées grâce à la rétrospective de son travail qui prend place dans le réfectoire et le dortoir.
Cette exposition a pu voir le jour grâce à une étroite collaboration avec les équipes de la Direction de la Culture du Département du Var et de l’Abbaye de La Celle notamment en termes d’accompagnement logistique et technique. plus d’une année de préparation et de concertation a été requise pour la concrétisation de ce projet.

Le mot de la commissaire de l’exposition

Habitué de lieux à l’abandon et désertés, rares et précieuses sont les interventions de Georges Rousse dans des espaces patrimoniaux. Un événement encore plus rare est que ses interventions soient accessibles au public .
Ces deux facteurs sont réunis dans Utopia à l’Abbaye de La Celle, avec la réalisation au printemps de deux créations in situ, visibles dans les galeries du cloître et accompagnées d’une exposition de tirages originaux présentée dans le dortoir et dans le réfectoire de l’Abbaye.
Cette rétrospective retrace le parcours de Georges Rousse, depuis les années quatre-vingt à aujourd’hui, à travers des oeuvres significatives et représentatives de l’évolution de son rapport à l’espace et à la matière.
Malgré le fait que les créations sur place elles-mêmes, apparaissent comme des oeuvres d’art, les véritables oeuvres de Rousse sont les photographies, ou mieux la photographie, qui restitue son intervention sur les lieux. Ces interventions, dont pourtant on ne se lasse pas de contempler la complexité et d’essayer de comprendre les arcanes quand on a la possibilité d’y avoir accès – comme ici aujourd’hui et, en 2022 à Deauville, lors de la réalisation d’une oeuvre pour le festival Planches Contact, restée visible toute l’année – ne sont qu’une étape vers la réalisation d’une oeuvre.
Dans les oeuvres réalisées pour et à L’Abbaye de La Celle, nouvelles expressions d’un dialogue permanent entre peinture, architecture et photographie, l’on retrouve le cercle et le jaune, références à la forme parfaite et à la lumière, allégories de la spiritualité du lieu. Mais aussi le noir, en hommage au Carré noir sur fond blanc de Malevitch, source d’inspiration récurrente pour Georges Rousse.
Son positionnement en équilibre entre plusieurs disciplines offre plusieurs clés de lecture et d’entrée dans son univers. La curiosité qui le pousse vers le voyage et la découverte d’autres cultures inspire et enrichit chaque réalisation si intimement habitée par le genius loci.
La rencontre avec Georges Rousse à la Celle se fait d’abord par la découverte de ses créations dans le cloître.
À l’extrémité de deux des galeries, la perception habituelle de l’espace est troublée d’abord par une sorte de déstructuration des éléments, voûtes, murs, escaliers, où la couleur s’est comme posée sur la pierre telle une matière vivante qui change de semblance selon nos mouvements. Elle nous suit, comme le regard dans certaines peintures, jusqu’au moment et au lieu précis où cela se fige dans une forme parfaite, une apparition flottante, comme le temps, la lumière, l’esprit.
Le dialogue avec les lieux où il intervient est au centre de la démarche de Georges Rousse. Ici au respect de l’esprit du monastère bénédictin s’est accompagné le respect du patrimoine architectural. Les interventions de Georges Rousse ont été précédées de recherches importantes sur leur faisabilité et sur la recherche des matériaux adatés à un monument historique classé.
Cette irruption de l’art contemporain dans l’enceinte d’un monument de l’art roman provençal du XIIIe siècle, propose une visite renouvelée de ce lieu, où le sacré libère une sorte de spiritualité intemporelle et les frontières temporelles s’effacent dans l’art et la création.
Laura Serani
Commissaire de l’exposition