Septembre, 2025

Nyo Jinyong Lian

jeu11sep(sep 11)14 h 00 minven26(sep 26)19 h 00 minNyo Jinyong LianTrust MeGalerie Madé, 30 rue Mazarine 75006 Paris

Détail de l'événement

Lauréate du prix Jeunes Talents 2025 des Agents Associés

Chez Nyo Jinyong Lian, tout commence dans une fissure. Une faille entre réel et fiction, entre douceur et tension, entre proximité et étrangeté. Ses images ne cherchent pas à illustrer le monde. Elles le mettent en doute. Le langage photographique qu’elle développe n’est pas une narration, mais une proposition critique : une manière de regarder le monde autrement, à travers des dispositifs de mise en scène aussi lucides que troublants. Voir, ici, c’est comprendre qu’entre confiance et soupçon, il n’y a parfois qu’un frémissement.

Sa pratique naît d’un état de déplacement permanent – géographique, culturel, intime. Ce sentiment de non-appartenance n’est pas un décor, c’est le moteur émotionnel et formel de son œuvre. Une tension intérieure traverse ses compositions : lumière ciselée, regards figés, corps suspendus. Tout évoque une aliénation latente, une présence absente. Ce n’est pas le moment qu’elle fige, mais le déséquilibre psychique, l’instant où l’individu semble faire face à une force invisible, ou à l’autre, en silence.

Dans cette série, la confiance se fait sournoise. Elle interroge les structures affectives où le pouvoir se dissimule derrière la tendresse. Ses images s’apparentent à des scènes de théâtre intérieur : dispositifs calculés, rapports de proximité tendus, silence saturé. Elle expose le privé comme un terrain de fiction, où l’intimité devient décor, où le geste tendre peut trahir un rapport d’autorité. En cela, son approche emprunte au théâtre de l’absurde et à la critique institutionnelle : déconstruire ce que l’on croit naturel.

“L’humour n’est pas une fuite, mais une forme de lucidité.” Ce principe est central. Car ses œuvres, sous leur esthétique précise, révèlent les logiques absurdes que nous avons intégrées sans y penser. Elle utilise le comique noir non comme parure, mais comme stratégie de dévoilement. Dans Two Dinners, deux jeunes filles sont en train de manger. Leurs yeux sont recouverts par des pliages de papier, presque grotesques, comme des accessoires de théâtre. Le geste intime de se nourrir semble prêt à se briser, interrompu par une cécité imposée. Ce qui semblait être un rituel quotidien devient une fable sur l’aveuglement et le doute.

Dans Binoculars, le regard frontal du sujet principal transperce l’objectif — mais ce regard est aussitôt happé par une multitude de mains qui l’entourent et le transforment littéralement en dispositif optique. Le corps devient instrument, l’œil devient cible. Cette mise en scène trouble retourne le pouvoir de voir contre lui-même : c’est le spectateur qui devient l’observé, pris dans une tension où la confiance vire au contrôle.

Sa sensibilité queer n’est jamais suraffirmée, mais partout sensible : ce glissement permanent, ce refus de la fixité identitaire, devient lui-même un acte politique. Par l’absurde, elle démantèle les gestes du quotidien. Par la mise en scène, elle invente une subjectivité féminine ambivalente et puissante. Elle affirme :“Les femmes et les personnes queer ont longtemps été exclues des récits légitimes.”

Son œuvre, sans slogans, vient combler ce vide – non par une revendication directe, mais par un langage visuel fluide, porteur d’émotions inclassables. Sa grammaire visuelle est hautement construite. Les tensions surgissent du regard, du geste suspendu, de la composition stratifiée entre ombre et reflet. Les corps deviennent symboles instables, objets et sujets à la fois. Le double, l’empreinte, le mirage forment une fable intérieure.

Dans Intrusion, une silhouette se cache derrière un mur rouge : conte pour enfant ou prélude à la catastrophe ? Cette ambiguïté construit un espace liminal, entre désir et panique, où l’image devient zone de trouble. Elle ne photographie pas pour affirmer, mais pour défaire. Ses images sont des interrogations, des laboratoires du doute. L’objet n’est plus stable, le regard devient soupçon, l’identité se liquéfie. C’est dans cette incertitude qu’elle révèle ce que le discours dominant ne peut pas nommer.

Son art n’est pas de documenter la réalité, mais d’en recomposer les contours depuis l’intérieur — depuis la faille. Et c’est peut-être là que son travail résonne le plus fortement avec notre époque. Alors que les structures sociales vacillent, que les récits d’autorité se désagrègent, que les rôles de genre implosent, elle propose une autre manière de voir : suspendre, dérégler, reconstruire. Ses œuvres ne nous demandent pas de croire, mais d’accepter le vertige. Car c’est dans ce vertige que l’individu retrouve la possibilité d’un lien, avec soi, avec les autres, avec le monde.

Nyo Jinyong Lian (née à Shenzhen, Chine) est une artiste-photographe et éditrice indépendante, dont la pratique hybride mêle performance, mise en scène et fable visuelle.

Issue d’une double marginalité — femme asiatique et queer, son œuvre conjugue lucidité et poésie, questionnant les normes avec humour et étrangeté. Ses images, véritables micro-fictions, transforment l’intime en champ de lutte et l’absurde en langage d’alerte. Inspirée par Les Habits neufs de l’Empereur, elle adopte un regard d’enfant pour dévoiler les règles invisibles que les adultes feignent d’ignorer : « C’est un jeu, certes, mais un jeu qui dévoile les règles invisibles qui nous gouvernent. »

Son travail a été présenté internationalement : à PhotoSaintGermain en 2024, aux Beaux-Arts de Paris en 2024, ainsi qu’à l’Espace 1905 en Chine. Nyo a été distinguée Editor’s Pick par LensCulture et shortlistée pour le PhMuseum 2025 Photobook Award, elle s’affirme sur la scène artistique contemporaine. Son travail est actuellement visible à Arles au sein de l’exposition collective «Sous les paupières closes» avec la Fisheye Gallery jusqu’au 5 octobre 2025.

Son premier livre d’artiste Trust Me (2025), autoédité à Paris, Shanghai et New York, cristallise une écriture visuelle introspective et incisive, saluée par la critique — notamment Booooooom Magazine — et diffusée dans plusieurs foires internationales.

Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2024, Lian nourrit un dialogue dynamique et évolutif entre son œuvre et les enjeux contemporains. Par son langage visuel innovant et son ancrage multiculturel, elle ouvre de nouvelles voies dans le débat international sur l’identité, le pouvoir et la représentation, incarnant une démarche engagée et en constante évolution.

Dates

11 Septembre 2025 14 h 00 min - 26 Septembre 2025 19 h 00 min(GMT+00:00)

Galerie Madé

30 rue Mazarine 75006 ParisDu mardi au vendredi de 14h à 19h

Galerie Madé

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