Antinomia Terra

Ya-t-il des territoires plus inconnus que ceux qui se dissimulent dans la banalité ?
Le vertige qui se niche dans la petitesse, ce que le proche contient de spectaculaire, le moche de splendeur, l’anodin de magie, ce qui tremble dans l’immobilité, ce qui crisse dans le silence.
Terra Incognita.
Espaces sauvages que ce voyage onirique à travers la matière cherche à approcher.
Antinomia nous suggère une plongée dans ces ailleurs des tout petits riens en renversant la table sur notre mépris de ces morceaux d’insignifiance. Le duo se fait enchanteur pour libérer la puissance contenue dans les rebus de nos existences.
Débris, brisure, restes, ces matériaux pauvres, ces déchets entre leurs mains deviennent des royaumes. Et nous sommes conviés à venir nous y perdre. Ici une galerie de plans qui sont autant de coups d’œil, de lueurs fugitives sur ce que notre regard tente d’attraper. Il y aurait tant à voir.
À peine le temps de nous situer au bord des vasques claires d’une lune inquiétante, nous clignons des yeux et nous sommes au fond des eaux parmi les échos sourds qui traversent des coraux figés pour toute l’éternité; a peine le temps d’érafler nos cils sur une plage veloutée, en un instant nous sommes suspendus dans l’infini de l’espace à une goutte innocente qui pépie au bord du gouffre. Tout est si grand, si bref. Si dévorant, et si fugace.
Ou sommes nous ?
Nous flottons, nous dérivons, nous plongeons. Tout est sons, textures. Aucune autre explication. Ici on rencontre l’inconnu grandeur nature.
On le scrute un temps, on exige de savoir, on le presse de décliner ses identités.
Lui nous fait face, imperturbable. Il distille son charme. Puis nous happe.
Et l’on s’y oublie.

Claire Guérin

Antinomia est un duo créatif imaginé par Céline Andreassen et Hélène Blanc, deux directrices artistiques, qui depuis 2013 pratiquent la photographie et la vidéo pour interroger l’étrangeté de la matière, en mettant l’accent sur un équilibre entre jeux de lumière et richesse des textures. Le travail d’Antinomia repose souvent sur l’opposition: les matières et les textures forment un dialogue riche en contrastes. Les combinaisons visuelles sont infinies et déploient un vocabulaire nourri de couleur et d’émotion.