Michael von Graffenried

Photo : Georgy Litichevsky, Moscou, 1988 © Michael von Graffenried, ESPACE MVG

L’exposition « Back in the USSR – les artistes de la Pérestroika » réunit une série de photographies réalisées par Michael von Graffenried à Moscou au printemps 1988, au seuil d’un basculement encore incertain. Près de quarante ans plus tard, l’exposition à l’ESPACE MVG à Paris dévoile une sélection de ces tirages, qui continue d’interroger la place de l’artiste face à l’autoritarisme, hier comme aujourd’hui.

Quelques mois avant la chute du mur de Berlin, alors que la Pérestroïka (« restructuration ») et la Glasnost (« transparence ») insufflaient un vent de réformes dans une Union soviétique vacillante, Graffenried s’immerge dans les marges de la scène artistique moscovite. Dans des ateliers, plus rarement dans l’espace public, il rencontre et photographie des artistes dont la liberté d’expression restait fragile malgré l’assouplissement annoncé par Gorbatchev. La série témoigne de la résistance d’artistes tels qu’Erik Bulatov, Eduard Gorokhovsky, ou Georgy Litichevsky, et de leur rôle dans l’invention d’un avenir post-soviétique. Certains détournent les codes du réalisme socialiste pour en révéler les failles, d’autres, comme Dmitri Prigov, explorent des formes inédites telles que performances, installations éphémères, œuvres dissimulées, parfois au péril de leur liberté. L’art s’exerçait en silence, en marge, dans l’attente d’un espace public à reconquérir. Présentée pour la première fois à Berlin en 1988-89 à la nGbK (neue Gesellschaft für bildende Kunst), et récompensée par un World Press Photo en 1989, cette série documente une génération en germination, qui inventait déjà d’autres récits possibles, plus ouverts, affranchis d’une esthétique d’État.

En écho, elle présente aussi des portraits d’artistes réalisés par Alex Kayser (1949-2015), ami et contemporain de Graffenried. Les deux se côtoyaient à New York entre les années 1980 et 2010, partageant un intérêt commun pour la figure de l’artiste. Dans ses tirages intimistes en noir et blanc, rehaussés de couleurs à la main, Kayser immortalise des personnalités de l’art occidental comme Andy Warhol, David Hockney, ou Niki de Saint Phalle. Là où Graffenried saisit des artistes soviétiques dans un environnement contraint, Kayser magnifie l’individu, transformant chaque visage en icône. Ensemble, leurs œuvres esquissent une cartographie contrastée de la condition de l’artiste à la fin du XXe siècle – entre Est et Ouest, résistance collective et affirmation singulière.