Novembre, 2025

L’épreuve du Réel - Chapître 2

jeu06nov(nov 6)12 h 30 min2026sam03jan(jan 3)18 h 30 minL’épreuve du Réel - Chapître 2La photographie à l’épreuve de la fictionGalerie VU', 60 Av. de Saxe, 75015 Paris

Détail de l'événement

Photo : © Gabrielle Duplantier / VU’

Très tôt dans l’histoire de la photographie, les photographes se sont saisis du médium pour construire des fictions. Le premier usage de construction fictionnelle de l’image est le célèbre Autoportrait en noyé d’Hippolyte Bayard, pris en 1840. Déçu après que sa découverte de positif direct ait été délaissée par le gouvernement français au profit du procédé de Daguerre, il avait réalisé un autoportrait mettant en scène son suicide. Aussi, dès ses prémices, la photographie s’est engagée dans l’évocation et la narration fictive et a conquis un autre mode d’expression que celui de miroir du réel qui lui était assigné.

Les photographes ont depuis exploré de nombreuses voies de fictionnalisation du réel. Certains ont créé des liens forts avec la littérature, comme peuvent d’ailleurs en attester nombre d’écrivains-photographes qui jalonnent l’histoire, d’Emile Zola à Nicolas Bouvier, d’Hervé Guibert à Denis Roche. La photographie offre un champ des possibles immense à la fiction, par sa capacité d’évocation, sa force de poétisation, sa dimension subjective, comme les infinies possibilités de mises en scène qu’elle permet aux auteurs.

Nous rassemblons ici les oeuvres de plusieurs photographes mettant en jeu la fiction sous différentes modalités. Ainsi, Sophie Caretta s’empare de procédés anciens pour figurer un univers onirique et des dialogues intérieurs. Juan Manuel Castro Prieto réanime et s’approprie par sa photographie puissante le drame de Federico Garcia Lorca, Noces de sang. Gabrielle Duplantier crée une poétique visuelle personnelle et hors du temps, où chacun peut investir ses propres récits, tant elle est une forme de seuil infini pour la subjectivité. Camille Brasselet se joue des décors et des personnages, créant d’étranges scènes qui ramènent à une forme de théâtralité de l’image.

Ici, la photographie, loin de retranscrire la simple coïncidence du photographe au monde réel, est le vecteur et le langage même de la fiction, laissant libre cours à la poésie, au récit comme à l’imaginaire.

Camille Brasselet

Dans le travail de Camille Brasselet, la photographie et le monde sont un théâtre et ses photographies sont autant de représentations. En effet, la jeune photographe compose des scènes, et plus que des êtres, elle photographie des personnages qui semblent intervenir comme des acteurs dans les fictions qu’elle construit. Les décors, intérieurs ou extérieurs, semblent presque factices et les personnages, désindivisualisés, n’ont la plupart du temps pas de visage, ils sont de dos, et se refusent à nous. Les images rappellent parfois des formes de dioramas revisités.
Ainsi, chacune de ses images vient composer un récit et souvent le hors champs tient une place importante dans le mystère de ce qui se joue. Cette figuration laisse suggérer un hors champ, un mystère qui devient la chair de l’imaginaire. Comme une porte entrouverte menant à un autre, c’est un fragment de temps qui devient l’expression d’un tout toujours en retrait. C’est au fond tout ce qui nous échappe, cette faille qu’on ne peut définir et qui dépasse notre entendement qui attire ma curiosité.

Juan Manuel Castro Prieto

Juan Manuel Castro Prieto s’est emparé de Noces de sang, le chef d’oeuvre de Federico García Lorca, pour en livrer une interprétation photographique personnelle, parcourant les scènes lorquiennes avec sa puissante rhétorique visuelle. Dans cet ensemble, Castro Prieto traduit avec justesse l’atmosphère oppressante, sacrificielle et fantasmagorique du destin qui frappe les personnages de ce drame de la littérature espagnole, pris par une passion aussi impossible qu’irrépressible.
Ici, le travail du photographe n’est pas une simple illustration ou une simple lecture du récit de Garcia Lorca. En effet s’il s’en empare, c’est que son oeuvre, tout autant que celle du dramaturge andalous, est traversée à la fois de sensualité et de spiritualité, de symboles, d’étrangeté et de tensions constantes entre mort et force vitale.
Il s’agit alors plutôt d’un dialogue, à près d’un siècle de distance, entre deux artistes avec leur langage et leur vocabulaire propres, qui traduit la persistance des mythes récurrents entourant les amants maudit à travers l’histoire des arts et la mémoire collective. Comme celles de Paris et Hélène, Roméo et Juliette ou Pelléas et Mélisande, les amours impossibles de el Novio et la Novia nous habitent encore.

Sophie Caretta
Conversation intime

Sophie Caretta explore la présence et la mémoire, notamment à travers la pratique de procédés anciens, en particulier le collodion humide*. Elle fait le choix de cette technique, car sa lenteur demande une attention particulière au souffle, au temps et lui permet de tisser un dialogue intime avec ses modèles. Quand une forme de conversation muette entre leurs voix intérieures se noue, la photographe tend à déceler les émotions et l’intimité spirituelle de ses sujets et cherche comment elles font écho aux siennes.
Sophie Caretta affectionne particulièrement le travail avec les enfants et les adolescents, très imprégnés par leur imaginaire. Aussi, ses photographies semblent faire le récit de visions empreintes d’étrangeté issues de ses rêveries comme de celles de ses modèles et l’usage du collodion , procédé mouvant laissant une place à l’imprévu (rayures, tâches, érosions..), en renforce la magie.

Gabrielle Duplantier

Les images frissonnantes et troublées de Gabrielle Duplantier sont un territoire qui donne matière au rêve et à la fiction. Ses portraits puissants et fragiles de femmes ou d’enfants peuvent se lire comme d’infinis paysages. Alors qu’elle photographie dans un périmètre proche de son Pays Basque natal ou du Portugal dont elle est originaire, dans son univers affleure souvent le sentiment du merveilleux, du fantastique. Comme si ses paysages aux lumières fabuleuses, ses personnages/apparitions étranges et fantomatiques, ses animaux mystérieux étaient échappés d’un livre de contes ou de quelque fable. Ici, la photographie, par le truchement du regard et de l’écriture de l’autrice, ouvre le champs du récit plutôt que de l’adhérence au réel.
Sa photographie résonne parfois, sans qu’elle soit jamais désuète ni lourde de références, de l’influence de la peinture comme de celle de la photographie et de la littérature victoriennes. Ses photographies sont autant de dévoilements – pourtant dénués d’impudeur – : Gabrielle Duplantier est de ces photographes qui pénètrent ce qui se cache sous la surface, sous les apparences, comme si elle pouvait voir au-delà de la peau des êtres et des choses à travers les failles, les fêlures et les secrets.

Dates

6 Novembre 2025 12 h 30 min - 3 Janvier 2026 18 h 30 min(GMT+00:00)

Galerie VU'

60 Av. de Saxe, 75015 ParisOuverte au public du mercredi au vendredi de 12h30 à 18h30. Sur rendez-vous les autres jours.

Galerie VU'

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