Victor Burgin

Le Jeu de Paume consacre une exposition à Victor Burgin, artiste, écrivain, professeur d’université et théoricien de l’image, la première de cette importance à lui être consacrée en France.

Il s’est fait connaître à la fin des années 1960 par ses contributions aux premières expositions muséales à la naissance de l’art conceptuel comme l’illustre l’exposition « Quand les attitudes deviennent forme » organisée en 1969 à la Kunsthalle de Berne. Son travail s’attache à explorer les relations entre les images fixes, les images en mouvement et les mots, le plus souvent dans leurs fonctions narratives et sémiologiques.

L’exposition du Jeu de Paume présente une sélection d’œuvres de 1970 à aujourd’hui, depuis ses réalisations mêlant textes et images photographiques jusqu’à sa production actuelle de vidéos réalisées par la modélisation numérique 3D. Les œuvres sont présentées de manière à confronter les différentes périodes de son travail faisant ressortir toute la quintessence de ses préoccupations artistiques et l’évolution de son approche.

Né en Angleterre en 1941, Victor Burgin se forme à la peinture et aux arts plastiques au Royal College of Art de Londres entre 1962 et 1965. Il poursuit ses études à la Yale University où il suit notamment l’enseignement de Robert Morris et Donald Judd, et dont il sort diplômé en 1967.

Son œuvre, nourrie par la philosophie structuraliste et notamment Roland Barthes, s’est inscrite à la fin des années 1960 dans la naissance de l’art conceptuel. Elle est depuis lors exposée dans des galeries et des musées du monde entier. Burgin est professeur émérite d’histoire de la conscience à l’University of California, Santa Cruz ; titulaire émérite de la chaire des beaux-arts Millard au Goldsmiths College, University of London. Il est Doctorat Honoris Causa à l’Université de Liège et à Sheffield Hallam University. Il est également auteur de nombreux ouvrages théoriques dont l’influence reste aujourd’hui incontestable.

Le parcours de cette exposition s’ouvre sur Performative/Narrative (1971). En introduisant la photographie dans son travail, après une série de pièces composées purement d’énoncés écrits, cette œuvre met en évidence le rôle d’observateur actif que le spectateur incarne dans l’exposition. Avec US77 (1977), l’artiste superpose textes et images : ses textes évoquent des relations de pouvoir dans la société patriarcale, consumériste et font écho ou créent du sens par une association d’idées avec la représentation photographique des paysages urbains aux Etats-Unis. L’artiste invite ici le spectateur à s’interroger sur les significations qui traversent les images. L’exposition se poursuit avec trois œuvres photographiques Gradiva (1982), Olympia (1982) et Portia (1984), appartenant à un ensemble réunit sous le titre « Tales from Freud ». Références explicites à la psychanalyse freudienne, ces œuvres s’inscrivent dans une production propre à Burgin du début des années 1980 en réponse à deux sujets saillants de l’époque : le rapport du cinéma à la photographie et la représentation de la question du genre. Ponctuant le parcours au fil des salles, ses vidéos dévoilent son travail de l’image en mouvement. De nombreux projets ont été conçus pour des lieux ; il s’intéresse principalement aux structures urbaines que les individus habitent et à l’histoire des lieux, à l’instar de Solito Posto (2008). Faisant d’importantes recherches en amont des projets, son œuvre évoque différentes strates du temps : de la mémoire à l’effacement de l’histoire par la puissance hégémonique des systèmes politiques et économiques comme dans A Place to Read (2010), réalisée spécifiquement en relation avec la ville d’Istanbul et montrée pour la première fois dans son musée archéologique.

Le visiteur découvre aussi combien, tout comme la ville et l’architecture, les femmes occupent une place importante dans le travail de Burgin. Par exemple, la série Office at Night (1985-1986) est un détournement conscient, voire programmatique, du tableau éponyme d’Edward Hopper (1940) qui représente la femme non seulement comme l’objet de désir mais aussi comme le sujet du voyeurisme. Dans Solito Posto (2008), la figure solitaire d’une femme immobile hante l’espace central au premier plan de l’une des scènes. Ce motif de la figure solitaire apparaît dans plusieurs de ses œuvres, telle Island Flight (2022), qui montre la figure isolée d’un homme face à la mer, que l’œuvre texte-image Cythera (2022) accompagne. Ces œuvres les plus récentes seront complétées par une vidéo réalisée spécifiquement pour cette exposition, montrée tout au début de l’exposition dessinant ainsi une boucle dans le parcours de l’exposition. Commissaire : • Pia Viewing

Victor Burgin Island Flight, 2022 Video loop, 11min. 05 sec. © Victor Burgin