Octobre, 2025

Francesca Piquera

jeu30oct10 h 30 mindim30nov19 h 00 minFrancesca PiqueraInner MovementsGalerie Cyril Guernieri, 11 rue Visconti, 75006 Paris

Détail de l'événement

C’est avec force que Francesca Piqueras revient sur la scène qui oppose l’homme et la nature. En retournant sur les carrières de marbre de Carrare, en Toscane, l’artiste poursuit une trilogie entamée avec Movimento et Marbre. Cette fois, elle a posé son regard à fleur de roche, serrant au plus près les fractures et les balafres d’un conflit inextinguible entre la citadelle de marbre et les âpres machines qui l’assiègent. Au gigantisme de cet ouvrage titanesque, qui consiste à extraire à ciel ouvert des blocs colossaux de pierre immaculée, Francesca Piqueras oppose un minimalisme proche de l’abstraction pure, une calligraphie énigmatique où se lit la mémoire d’une montagne assaillie depuis des millénaires.

Chaque ligne, chaque fragment relatent à livre ouvert un incessant travail de sape, qui perce et aplanit les cimes depuis si longtemps que la mémoire des générations qui se succèdent en oublie les formes précises de ce relief de montagne. En consignant avec son objectif le graphisme symbolique de ce passé tellurique, Francesca Piqueras écrit en images sobres et puissantes une histoire singulière et universelle, celle de l’humanité constamment vouée à modifier le monde qui l’entoure.

Fidèle à son éthique, l’artiste ne se positionne pas sur les motivations profondes de cette destruction perpétuelle. Son constat, aussi épuré et élégant qu’un idéogramme tracé à l’encre de Chine, livre une approche esthétique parfaitement maîtrisée, qui transcende tout manichéisme opposant l’humanité à la nature. Ce qui est affirmé ici, c’est la perception de l’artiste, qui explore avec pertinence et acuité le théâtre des débordements industriels, et qui en offre une lecture où la beauté s’exprime malgré une violence permanente jamais montrée, mais dont les traces sont évidentes.

Francesca Piqueras sait poser les yeux sur les splendeurs du monde. En jouant avec la lumière et les formes, les angles et les volumes d’une roche tour à tour rêche ou soyeuse, elle évoque avec grâce les tourments et la résilience de la montagne. Son écriture insolite, proche de la poésie visuelle d’Henri Michaux ou des abstractions lyriques de Vassily Kandinsky, de Jackson Pollock ou du Groupe Cobra, révèle au grand jour, avec pudeur et sans ostentation, ce qu’il persiste de beau dans un univers livré au chaos.

À propos de l’artiste

Francesca Piqueras a, une décennie durant, photographié d’étranges fossiles technologiques échoués sur les rivages des mers et des océans du globe. Elle est entrée, avec nous, dans l’Anthropocène. Une ère façonnée par l’homme, une époque au sens géologique où les traces d’une activité industrielle en perpétuel renouvellement se lisent à l’oeil nu, à même la surface du globe, sans qu’il soit nécessaire d’explorer les strates d’un âge disparu. Elles appartiennent à un présent qui transforme, engloutit et régurgite en un même élan les obscurs outils d’un âge de fer et de béton. Sa vision sensible continue d’interroger sans le juger ce conflit incessant entre construction et déliquescence, création et effondrement, où nature et humanité s’affrontent en un combat sans vainqueur. Francesca Piqueras sait capter le jeu subtil entre équilibre et déséquilibre, entre ordre et entropie. Ses cadrages animent et mettent en tension les flux antagonistes qui s’ignorent et se combattent, coexistent et se répondent: : d’un côté, l’inventivité prodigieuse de l’homme, de l’autre, la puissance irrépressible de la nature. En créant ainsi une dimension à la fois objective et émotionnelle, elle définit un espace hors du temps mais profondément ancré dans notre époque, qui préfigure l’accélération vers le chaos des origines, en un cycle immuable. Une vision qui prend littéralement un sens métaphysique, à la limite de la prophétie. Si la matière se désagrège et se dilue, si elle porte les traces du passage éphémère de l’humanité, c’est pour mieux accentuer sa possible métamorphose, en une re-création indépendante à la fois des lois de la nature et de la main de l’homme. Ses photographies marquent ainsi l’émergence d’une architecture arbitraire qui s’anime d’une vie propre, formes abstraites et anachroniques réinventées par la fantaisie des éléments. Dans cette géométrie spontanée, les éléments, fluides ou solides, délimitent un univers à la fois onirique et réel, indifférent à notre existence. Les structures qui en résultent appartiennent à un processus créatif hors de notre compréhension de l’ordre du monde, naturel ou humain. C’est cette existence parallèle que Francesca Piqueras a choisi d’explorer. Ce constat d’une extrême acuité invite à une relecture de notre époque, une mise en lumière de la contraction du temps lui-même, qui s’emballe et s’enraye dans une même mécanique, accélère le passé et comprime le futur. Un temps de progrès qui broie et jugule indifféremment le feu, la roche, l’eau et les hommes. Entre les cicatrices à vif d’une transmutation brutale et la fragilité de notre condition humaine, les monuments improbables de Francesca Piqueras règnent en silence sur une scène absurde, et expriment avec force l’esthétique insolite, intemporelle, mais fondamentalement inventive d’une archéologie contemporaine. Chacune de ses photographies vibre d’une sourde énergie empreinte de douceur, où les turbulences de l’homme et des éléments se télescopent et se répondent. Mais la violence symbolique de ces architectures conquérantes contraste avec une lumière subtile, toujours changeante, presque rebelle. Et cette lecture si particulière de la relation ambiguë entre l’humain et les paysages confère à cette narration visuelle un équilibre délicat entre abstraction et figuration, où le temps n’est jamais figé mais seulement suspendu, encore indécis sur ce que réserve l’avenir.

Dates

30 Octobre 2025 10 h 30 min - 30 Novembre 2025 19 h 00 min(GMT-11:00)

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