Septembre, 2025

Merry Alpern & Jo Ann Callis

mer03sepsam01novMerry Alpern & Jo Ann CallisHuis closGalerie Miranda, 21 rue du Château d’Eau 75010 Paris

Détail de l'événement

À l’automne 2025, la Galerie Miranda proposera un nouveau dialogue entre deux huis clos photographiques précédemment exposés à la galerie sous forme d’expositions personnelles: Dirty Windows, la série documentaire en noir et blanc réalisée en 1994-95 par Merry Alpern; et Early Color, des photographies mises en scène de Jo Ann Callis, réalisées en 1974-75. L’oeuvre de chacune ces deux artistes femmes explore les zones grises de la sexualité et du pouvoir; de la fiction et de la réalité; de la liberté, du désir et de la contrainte.

En 1975 Jo Ann Callis a réalisé ses premières photographies à l’apogée du mouvement artistique féministe, à une époque où des artistes telles que Cindy Sherman, Judy Chicago, Hannah Wilke ou Ana Mendieta exploraient les questions de genre, de pouvoir et de politique à travers des représentations du corps féminin. Sa première exposition eut lieu au Women’s Building, un centre d’art féministe du centre-ville de Los Angeles. Pourtant, Callis n’a jamais revendiqué pleinement cette étiquette, déclarant: «J’étais bloquée à la maison. Je ne participais pas aux manifestations ni aux bûchers des soutiens-gorge, mais je regardais ces choses à la télévision et je ressentais tout cela. C’est là que mon travail s’est situé.» Cinquante ans plus tard, son œuvre résonne toujours, et Callis continue d’influencer les photographes contemporains ainsi que des réalisateurs — notamment Sofia Coppola, qui cite dans son livre Archive l’image Blue Bow de Jo Ann Callis comme une référence centrale lors de la création de son film Les Proies (2017): «(Blue Bow) reflète ce sentiment, dans Les Proies, de frustration et d’emprisonnement dans une ultra-féminité.»

En 1995, la controverse autour de Dirty Windows de Merry Alpern s’est focalisée sur le caractère «illicite» des photographies et la manière dont elles avaient été prises, mais aucun débat sérieux n’a eu lieu sur le contenu même des images. Un article du New York Times paru cette année-là considérait l’œuvre comme un simple phénomène de culture pop, au même titre que la publicité, contribuant à la marchandisation de la sexualité. Aucun regard critique n’a été porté sur ce que signifiait le fait que ces images rares et taboues de pouvoir masculin et d’objectification féminine aient été prises par une artiste femme, formée en sociologie. Dans un entretien, Merry Alpern a été interrogée sur ce qu’elle avait ressenti en photographiant ces scènes, en tant que femme photographe. Elle a répondu : «Bien que la notion de “regard féminin” ne m’ait jamais vraiment intéressée, en tant que femme, je pouvais projeter certaines de mes propres expériences sur cette pantomime derrière la fenêtre… En contrepartie, il y avait une expérience anthropologique : observer des scènes tout à fait ordinaires dans le monde des hommes. Observer les habitudes de salle de bain du sexe opposé fut une révélation.»

En inversant le regard de cette manière, Merry Alpern rejoint d’autres artistes féministes ayant documenté les mécanismes de domination masculine, telles que Laurie Anderson avec sa série de 1973 Fully Automated Nikon (Object/Objection/Objectivity) ou Annette Messager avec Les Approches (1972). Rappelons également le contexte politique de l’époque: Dirty Windows fut exposée par une galerie new yorkaise en 1995, six mois après l’élection à la mairie de New York du conservateur Rudy Giuliani, avec sa promesse de « nettoyer » la ville — de la criminalité, de la drogue et de la déchéance urbaine. Sous cet angle, on peut relire la réaction violente aux photographies de Merry Alpern comme la tentative d’un establishment masculin de punir l’artiste qui ose exposer son hypocrisie.

La Galerie Miranda nous invite ainsi à reconsidérer ces deux séries sous un angle contemporain. Marquée par l’hypersexualisation des corps – féminins surtout – sur les réseaux sociaux, notre époque voit également le retour dans de nombreux pays d’une vision conservatrice des politiques sexuelles, incarnée par la remise en cause de droits des femmes jusque-là garantis, comme ceux issus de la jurisprudence américaine avec le procès Roe vs Wade. Or ces deux huis clos photographiques, réalisées respectivement en 1975 et en 1995, demeurent profondément contemporains tant par la manière dont les artistes ont créé leurs images que par les sujets fondamentaux qu’elles abordent. Travaillant à partir de positions très différentes, ces deux artistes développent leur sujet avec une construction visuelle similaire : une mise en scène cinématographique, des corps fragmentés, contraints, sans visage, qui sollicitent notre imagination et continuent d’interroger les paradigmes visuels du pouvoir et de la sexualité. Comme l’a récemment déclaré Jo Ann Callis : le fait que ses images soient toujours aussi pertinentes « montre que les choses n’ont pas assez changé. »

Dates

3 Septembre 2025 12 h 00 min - 1 Novembre 2025 19 h 00 min(GMT-11:00)

Galerie Miranda

21 rue du Château d’Eau 75010 ParisOuvert du mardi au samedi de 12h à 19h ou sur rendez-vous

Galerie Miranda

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