Septembre, 2025

Thomas Klotz

jeu04sep(sep 4)11 h 00 minsam18oct(oct 18)19 h 00 minThomas KlotzPeriferiaGalerie Clémentine de la Féronnière, 51 Rue Saint-Louis en l'Île, 75004 Paris

Détail de l'événement

Photo : Résidence du Parc, Lésigny, France, 2024. C-Print 50 x 60 cm, Ed. 4/5 © Thomas Klotz

La galerie Clémentine de la Féronnière a le plaisir de présenter Periferia, une exposition dédiée au travail du photographe Thomas Klotz. À travers seize oeuvres exposées, l’artiste explore les zones liminaires des villes, ces périphéries souvent invisibles où se jouent pourtant des récits essentiels de notre époque.

Avec une approche à la fois poétique et rigoureuse, Thomas Klotz capte l’âme de ces territoires – de l’Île-de-France à l’Argentine, en passant par la Pologne et les banlieues américaines. Ses portraits, réalisés à la chambre photographique, révèlent une humanité pudique et forte, tandis que ses paysages urbains, aux couleurs sourdes et aux lumières tamisées, interrogent notre rapport à l’espace et à la modernité. Periferia n’est pas un documentaire, mais une invitation à regarder autrement ces lieux intermédiaires, où se mêlent désirs d’évasion et ancrages intimes.

« Il y a cette photo superbe d’une rue éclairée, dans un quartier pavillonnaire. Les très hauts arbres, l’atmosphère à la Stephen King, les maisons : j’étais persuadé que c’était une banlieue américaine, et tu me dis que c’est Lésigny ! »
— Abel Quentin

En parallèle de l’exposition, Maison CF publie Periferia, quatrième ouvrage de l’artiste après son travail remarqué sur la justice. Ce livre d’art, compagnon de l’exposition, permet d’approfondir la démarche de l’artiste à travers près de 56 images inédites, un entretien avec l’écrivain Abel Quentin et une préface de Damarice Amao, attachée de conservation au Cabinet de la photographie du Centre Pompidou.

Damarice Amao
Attachée de conservation au Cabinet de la photographie du Centre Pompidou
Préface de l’ouvrage Periferia, ed. Maison CF, septembre 2025.

Six ans après son premier ouvrage, Northscape1, dédié à sa région natale du Nord, Thomas Klotz renoue avec ses premières obsessions : la photographie de rue et des paysages suburbains caractéristiques de notre époque contemporaine. Avec Periferia, il étend le champ de sa recherche pour nous conduire dans diverses parties de la France et même du monde. De Dunkerque à Thiais en passant par Rotterdam, Dallas ou encore Mendoza, le photographe nous offre une déambulation en images à travers des territoires dont les dénominateurs communs sont leur statut de périphérie, leur anonymat et leur apparente interchangeabilité. À dessein, Thomas Klotz n’utilise pas les termes habituels pour désigner ces espaces en marge des centres – banlieue, zone, faubourg, quartier pavillonnaire – pour privilégier celui de periferia / périphérie dont la connotation paraît plus neutre. Il lui permet d’échapper aux interprétations sociologiques ou politiques par trop restrictives.

« Je préfère de toute façon la notion de périphérie, – ce qui se trouve à côté de – plutôt que le sujet central »2, confesse-t-il dans un entretien en 2018. Cette inclination personnelle est devenue un protocole à part entière. Les images produites pour Periferia sont le fruit d’arpentages méthodiques de territoires longuement étudiés avant même la prise de vue. Le déplacement à pied ou en véhicule, le travail à la chambre ou au trépied, l’approche conceptuelle, le temps long de la saisie sont autant d’aspects qui inscrivent la démarche de Thomas Klotz dans l’histoire de la photographie documentaire du paysage moderne, d’Atget aux figures américaines du courant de la « New Topographics »3 dont les travaux lui sont particulièrement chers.

« Regarder sans cesse ce que l’on pense pouvoir photographier, ce qui, si banal et anonyme soit-il, dira au final quelque chose »4; ces propos de Thomas Klotz font en effet singulièrement écho à cette photographie documentaire américaine en plein tournant dans les années 1970. Incarnée par Lewis Baltz et Stephen Shore entre autres, celle-ci inaugure un nouveau paradigme pour la photographie de rue en s’affranchissant des codes de la street photography américaine pratiquée par exemple par Lisette Model, Helen Levitt ou Henri Cartier-Bresson à savoir : la spontanéité, l’approche instinctive, la rapidité et enfin, selon les cas, la recherche de la petite scène ou de l’anecdote au sein du chaos des métropoles. A contrario, l’éloignement des centres urbains, l’intérêt pour le vernaculaire, le banal et la décélération de la prise de vue sont constitutifs de ce nouveau modèle documentaire. Derrière la description méticuleuse des formes, des matières et des couleurs des objets les plus anodins ou des structures architecturales, affleurent du sens, des espaces potentiels de significations critiques, plus ou moins explicites, qui constituent la démarche de Thomas Klotz.

Cependant, à la différence du courant de la « New Topographics », le photographe met de côté tout souci de rectitude documentaire pour privilégier une vision personnelle du réel, fidèle avant tout à l’instant de la prise de vue et à son expérience du sujet. Il en résulte alors une absence de systématisme formel. Dans Periferia, le recours à la couleur – ici encore nourri par sa fascination pour quelques virtuoses de la photographie américaine – permet d’homogénéiser une variété de prises de vues : des cadrages en extérieur et en intérieur, des paysages à longue profondeur de champ, des vues frontales de façades, des plans rapprochés sur des détails et enfin de nombreux portraits. Sans fil narratif explicite, cet ensemble visuellement hétérogène mais non moins rigoureusement construit offre une expérience kaléidoscopique, abstraite et plutôt mentale de la périphérie vue par Thomas Klotz.

Contrairement à Northscape marqué par l’impression d’errance solitaire, Periferia se distingue par une réhumanisation de son approche du territoire. Tout en admettant le rôle significatif joué par la photographie humaniste dans sa formation, Thomas Klotz a pendant longtemps voulu marquer sa rupture avec cette esthétique. Plus précisément, il s’est efforcé d’élaborer une approche de la figure humaine dénuée de tout lyrisme et de pathos à travers une certaine forme de portrait documenté trouvant ses sources dans son étude attentive de l’oeuvre du coloriste américain Joel Sternfeld5, entre autres. Ainsi, dans Periferia, les portraits comptent à part égale dans cette exploration géographique. En fait, les zones urbaines photographiées par Klotz semblent prendre tout leur sens, toute leur épaisseur avec la présence des individus revenus au centre du jeu.

Attentif à leurs expressions et à leurs physionomies capturées avec une redoutable précision, Klotz instaure avec chacun d’eux un face-à-face silencieux. Inconnus, membres de sa famille, amis ? La spéculation est inutile. Nous ne saurons rien de ce qui lie chacune de ces personnes au photographe, les circonstances de leur rencontre, le pacte derrière l’assentiment au portrait. Le photographe s’est par ailleurs efforcé de les libérer de toute assignation psychologique, géographique ou sociale, pour ne laisser place qu’à leur pleine individualité de surface, exprimée par leur carnation, leur posture, le volume et les motifs de leurs vêtements. Ainsi l’anonymat des lieux traversés fait écho à celui des individus qui dans leur vie et dans leur allure ordinaire peuplent les périphéries. Ces portraits invitent le regardeur moins au jugement qu’à une réflexion sur la tension indicible qui unit chacun de ces personnages à ces lieux qui façonnent leur existence.

1 Thomas Klotz, Northscape, Paris, EYD, DL 2019 (texte de Sonia Voss).
2 « Entretien avec Thomas Klotz », Photo, n° 539, novembre-décembre 2018, p. 77.
3 Tournant de la photographie documentaire, l’exposition « New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape
» est organisée en 1975 à Rochester à la George Eastman House. Elle rassemble les photographes suivants : Robert Adams,
Lewis Baltz, Joe Deal, Frank Gohlke, Nicholas Nixon, John Schott, Stephen Shore, et Henry Wessel Jr ainsi que le couple allemand
Bernd et Hilla Becher.
4 « Entretien avec Thomas Klotz », op. cit

Dates

4 Septembre 2025 11 h 00 min - 18 Octobre 2025 19 h 00 min(GMT+00:00)

Galerie Clémentine de la Féronnière

51 Rue Saint-Louis en l'Île, 75004 ParisOuvert du mardi au samedi de 11h à 19h

Galerie Clémentine de la Féronnière

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