Novembre, 2019

Black and Lights

mar05novdim01décBlack and LightsVéronique DurrutyVOZ'Galerie, 41 rue de l'Est 92100 Boulogne-Billancourt

Détail de l'événement

Dans cette exposition de photographies, encres et aquarelles sensibles, Véronique Durruty nous embarque dans un voyage onirique qui remonte jusqu’à la création de l’univers, et interroge sur la valeur de l’art , le rôle de la galerie et des relations entre l’acheteur et l’œuvre d’art.

« Black and light, une exposition-interrogation autour de « la valeur de l’art ».
L’artiste y déploie son travail, dans deux espaces distincts.
Sous la surface, dans les entrailles de la galerie, on laisse derrière soi la lumière crue de notre réalité. La scénographie est pure, muséale, on plonge dans l’univers BLACK de l’artiste. Le visiteur remonte aux origines de toute création, obscures, aquatiques. Ni échelle, ni lieu, ni matière, aucun repère. Parfois les eaux ne sont plus des eaux, se font lumière pure, partent en fumée. Ce sont « les eaux noires ».

En haut, exposé en pleine lumière, LIGHT, un ensemble volontairement éclectique de photographies, encres de Chine, aquarelles ou techniques mixtes. Images venues d’ailleurs avec ces ambiances « entre-deux » et ces flous qui disent si précisément quelque chose et sont la signature de Véronique Durruty.
Ici, à l’heure où tant d’artistes peinent à vivre de leur art et où par ailleurs, certaines œuvres atteignent des prix vertigineux, Véronique Durruty nous propose également de s’interroger avec elle autour de l’économie de l’artiste, à travers le rôle de la galerie et du visiteur, et la concrétisation de la valeur des œuvres : leur prix.
Elle propose, avec humour, des œuvres à des prix variables ou simplement « inconcevables », par exemple une photo argentique à un euro. Le prix fait même partie de l’œuvre, comme cette photo intitulée BLACK, prix à débattre, en liquide , la photo pour faire fuir le démon à 666 euros, celle du casino de Las Vegas dont le prix de vente se joue à la roue de la fortune, ou encore un long discours à l’encre de Chine dont le prix est calculé pour que le blablabla revienne à un euro. Et l’on s’interroge sur l’effet du prix sur la valeur perçue de l’œuvre : est-ce qu’une pièce plus chère acquiert de la valeur de par sa cherté même ? Quelle est la valeur d’une signature ? d’une mise en scène de l’œuvre ?

En parallèle, Véronique Durruty pointe le rôle de la galerie, lieu d’une possible rencontre esthétique mais aussi et surtout, lieu d’une transaction marchande attendue avec le visiteur.
Elle nous rappelle que la galerie est un anti-musée. Dans un musée, le visiteur, contre un droit d’entrée, vient voir des œuvres faites pour être partagées par la communauté et rester là de façon pérenne. Lorsqu’une œuvre disparaît, elle a été soit volée, soit répudiée – revendue par le musée parce que jugée moins fondamentale pour ses collections.
En galerie, c’est l’inverse. L’œuvre n’est pas destinée à être partagée. Son destin est lié à une rencontre-coup-de-foudre occasionnant un enlèvement comme les Sabines peintes par Poussin. C’est de ce kidnapping encouragé que vivent artistes et galeristes.

En mettant en scène ce processus, l’exposition elle-même devient une performance où les aspects artistiques et commerciaux s’entrelacent, tout comme dans la réalité d’une œuvre.
Dans LIGHT, l’artiste met l’acte d’achat en lumière, elle décroche immédiatement l’œuvre achetée, la substitue par un petit visage souriant, au nez de clown-point rouge.
L’exposition se transforme visuellement au mesure que la performance commerciale, le chiffre d’affaires, se forme. Cette performance commerciale et artistique, ces termes étant inséparables, constitue une co-création de l’artiste (l’œuvre, le prix qu’il ou elle a fixé en trouvant la martingale pas assez cher/ trop cher/ « juste », fou, cassé, etc…), de la galerie qui l’inscrit dans une histoire artistique et économique, du lieu et du public qui traduit en emportant l’œuvre chez lui l’adéquation miraculeuse entre une présomption de valeur minimale, le prix, et la valeur que le client perçoit.
L’exposition devient une performance artistique par son rapetissement permanent apparent, par son caractère progressivement invisible. Elle illustre le principe du devenir Héraclitéen : « On ne se baigne pas deux fois dans un même fleuve. ». La consommation des œuvres, leur disparition est réelle.
L’œuvre devient privée du regard des autres mais la carte des œuvres manquantes, le dialogue interrompu avec les œuvres encore en vente constitue une œuvre nouvelle, éphémère et intrigante. L’exposition initiale n’est pas statique comme un musée. Chaque mutilation la transforme.
Les œuvres disparues ne sont pas une consommation irréversible et appauvrissante. L’énergie contenue dans l’œuvre, c’est-à-dire les matières prosaïques, le temps invisible que lui a consacré l’artiste, autrement dit sa vie entière, se transforment en de nouvelles énergies :
D’abord, l’œuvre va rejoindre un lieu privé auquel seul son propriétaire et ses proches ont accès. Elle entretiendra des dialogues inédits avec tous les objets qui l’entourent, dialogue partiellement imaginé par son nouveau propriétaire, mais qui lui échappe aussi.
Ensuite, ces disparitions appellent de nouvelles œuvres de l’artiste : échos, prolongement, ou rupture avec les œuvres vendues.
Enfin, l’argent collecté, auquel chaque intervenant soustrait les frais de l’exposition, représente un stock d’énergie versatile qui se transforme en énergie de vie autant prosaïque qu’artistique, si tant est que cette distinction ait un sens car la vie ne tranche pas.

« BLACK
Black, c’est sous-terre, comme un caisson d’isolation sensorielle, une grotte, un terrier, une cabane, on peut s’y lover en fœtus et on flotte hors du temps.
Black, c’est la grande soupe initiale, celle d’avant le premier jour, d’avant que la lumière soit, d’avant que les terres fermes surgissent de dessous les océans, qu’on puisse tenir debout, avoir la sensation de maîtriser son corps.
Black, c’est le lieu clos et protecteur du ventre de nos mères où l’on se tient blotti, pelotonné, replié sur nous-mêmes et pleinement satisfait de ce repliement-là, abrité de tout, des regards, des menaces, du Temps même.
Black ce n’est pas seulement l’absence encore de la lumière, c’est ce lieu exempt de toute aspérité, lisse et poli comme un miroir, poli jusqu’à la liquéfaction, le lieu amniotique de notre accomplissement primordial.
Black, c’est avant que que l’on s’arrache à soi-même, avant que la mère nous lâche. Avant qu’elle nous crache à l’air et à la lumière qui nous brûlent, d’un coup.

LIGHT
En haut, à la lumière, le monde est incertain, mais il se met à exister. On reconnaît parfois des lieux, parfois des êtres, même ébauchés : les lumières d’une ville et sa beauté la nuit, la moiteur de l’air qu’on y respire, le mouvement d’un corps qui passe. La réalité pointe le bout de son nez, elle me rattrape, je tente de l’adoucir.
Et mes tripes se demandent combien elles valent. Quelle est la valeur de l’art ? Quelle est la valeur de mon art ? Quelle est ma valeur ?
Des « coachings pour artistes » me répondent. Il m’apprennent à calculer, à me calculer : frais techniques + temps passé + amortissement du matériel + marge + quoi encore ? Et égale quoi maintenant ? Je n’ai jamais aimé les chiffres.
Combien de steaks pour une œuvre ?
Et puis, plus avant : quelle est la valeur d’une signature ? D’un numéro ? Du discours que je vais tenir à côté de mon œuvre ?
En haut, en l’air, à la lumière, le supermarché ne triche pas. Tout doit disparaître.Vous achetez, vous m’achetez, vous partez avec un petit bout de moi. Et seul restera à la place de l’œuvre, à ma place, un point rouge. Peu à peu l’expo s’efface, les nez de ces petits clowns tapissent le mur de la galerie. Je me vide de moi-même, emplie de l’acte d’amour de votre achat. Et vous créez avec moi une autre œuvre, souriante, éphémère, évolutive. Une cartographie de nos valeurs respectives.
Ouf ! On peut jouer même avec les sous !

GRIS
Mais peut être est-ce l’inverse, le chaos de  » light  » qui dit la vie sans fard qui reste dans l’ombre, alors que la présentation structurée de « Black » est celui qu’on met dans la lumière.
Je ne sais pas. Moi, j’aime que mes bébés quittent le cocon de l’atelier pour partir vers leur nouveau chez-soi. Les cimaises de la galerie, c’est le lieu de la fête du mariage.
Ce qui compte, c’est qu’ils y soient bien.
Tous comptes faits, le montant de la dot est dérisoire dans l’affaire. »
Véronique Durruty

Vernissage le mardi 12 novembre de 18h à 22h
Exposition du 5 novembre au 1er décembre 2019
Du mercredi au dimanche de 15h à 19h30 et sur RV.
Performance le 20 novembre à 20h
Catalogue « Black, les eaux noires » numéroté et signé, 20 €

Dates

Novembre 5 (Mardi) 15 h 00 min - Décembre 1 (Dimanche) 19 h 30 min(GMT+00:00)

VOZ'Galerie41 rue de l'Est 92100 Boulogne-BillancourtDu mercredi au dimanche de 12h à 19h30 et sûr rendez-vous