Didier de Radiguès & Philippe Graton

Deux personnalités du monde de la course quittent la piste pour l’objectif

Du 8 décembre 2022 au 15 janvier 2023, un majestueux hôtel de maître inoccupé de l’avenue Louise sera la scène d’une exposition temporaire inattendue. Deux photographes aux parcours atypiques, Didier de Radiguès et Philippe Graton, croisent leurs chemins artistiques durant six semaines.

Bien connus pour leurs performances respectives dans le monde des sports moteurs, Didier de Radiguès et Philippe Graton ont tous les deux délaissés les pistes au profit de l’objectif photographique. Un médium commun avec toutefois un style propre à chacun d’eux.

Philippe Graton capte la réalité quotidienne tel un reporter, sur un mode documentaire, en argentique et en noir et blanc ; Didier de Radiguès crée des œuvres photographiques en couleurs, des compositions réalisées à partir de ses photographies numériques.

Intitulée « Hors course » – non sans humour –, l’exposition réunit sur plus de 250m2 une cinquantaine d’œuvres issues de plusieurs séries des deux photographes. Une juxtaposition de styles qui invite le public à une déambulation réflexive sur la variété des univers que recouvre le vocable de « photographie ».

DIDIER DE RADIGUÈS

Issu d’une famille de navigateurs, Didier de Radiguès a un sens aigu de l’observation qui lui donnera l’envie et la curiosité de s’intéresser à de nombreux domaines, toujours avec une vision singulière. Après une enfance passée sur l’eau et déjà impliqué dans de nombreuses compétitions, c’est dans le sport mécanique qu’il construit sa carrière sportive.

A travers sa passion pour la mer, Didier de Radiguès s’intéresse ensuite à la photographie artistique. Il démarre sa carrière photographique à New-York pour très rapidement conquérir Singapore, Hong Kong, Paris et Bruxelles.

Sa manière de photographier est ultra précise, élégante et lumineuse. Un peu comme s’il voulait conduire son spectateur non pas vers la ligne d’arrivée mais vers de nouveaux rivages, de ceux qui fascinent son imaginaire. Au fil des années, Didier de Radiguès a fait évoluer sa pratique et a développé une technique inédite qui offre une vision à multiples interprétations et aux nombreuses lectures.

Au premier regard, la photo semble proposer une mise en scène de centaines de personnages positionnés dans un lieu donné. Mais la réalité est en fait bien plus complexe. En effet, pour chacune de ses photos, Didier de Radiguès réalise un travail de composition long et obsessionnel.

Aux quatre coins du monde, après avoir photographié en vues aériennes les plages et mers qui constitueront son décor et son inspiration, Didier de Radiguès capte avec son objectif les personnages qui constitueront ses sujets. Hommes, femmes, enfants, sportifs, promeneurs ou personnalités, chaque personnage ou groupe est photographié individuellement, avec une seule et même exigence, celle de l’angle de vue parfait. Le travail de composition peut alors commencer et l’artiste entre en studio pour positionner, mettre à dimension, recréer chaque ombre et constituer petit à petit un corps, un visage, un texte ou un objet.

Plus qu’une composition, la finalité du travail de l’artiste nous offre un art figuratif ou tout semble être à sa place de manière si naturelle.

PHILIPPE GRATON

Français né à Bruxelles en 1961, Philippe Graton grandit parmi des raconteurs d’histoires en images : Goscinny, Uderzo, Charlier ou encore son père Jean Graton, monstres sacrés de la bande dessinée. Pas étonnant que sa pratique de la photographie, dès ses treize ans, soit tournée vers l’écriture et la narration. Simultanément reporter, éditeur et scénariste, Philippe Graton n’aura de cesse de photographier.

À quinze ans, il remporte le concours de photographie du Lycée français de Belgique ; son appareil ne le quittera plus jamais. À seize ans, son premier article est publié dans la presse française. Il effectuera ensuite des reportages pour l’agence Sygma au Vietnam, Cambodge, Bosnie, etc. Parallèlement à son travail de photojournaliste, il parcourt circuits et rallyes pour fournir à son père la documentation nécessaire à la réalisation des aventures de Michel Vaillant. En marge de ces activités, Philippe Graton ne cesse de photographier son quotidien à l’argentique.

Ce « document personnel » relève de la photographie documentaire, un genre spécifique du photoreportage obéissant aux règles du documentaire ; la particularité étant que le sujet choisi est l’environnement du photographe.

Comme celles de Sally Mann, Arthur Freed, Emmet Gowin ou Nobuyoshi Araki, ces images ne doivent rien à l’art photographique tel qu’on le définit traditionnellement. Elles reflètent un état d’esprit, une façon d’aborder l’existence. Ces artistes découvrent parfois dans leur travail des aspects peu flatteurs d’eux-mêmes. Cela les éclaire sur leur vie, sur la vie. Philippe Graton reprend à son compte ce vers de Ghérasim Luca, C’est ainsi que je vis ce que je vois. Ses images explorent le lien entre vie et photographie, comment celles-ci s’augmentent réciproquement et nous portent à penser que, si la photographie est un art, elle pourrait bien être un art de vivre.

Son blog, The Wednesday Shot, associe photographie et écriture et est suivi par plusieurs milliers d’abonnés. De 2014 à 2019, Philippe Graton photographie au moyen-format argentique la ZAD de Notre-Dame des Landes et la vie quotidienne de cette société alternative. Ces photographies et notes de terrain sont regroupées dans un livre, « Carnets de la ZAD », publié en 2019 aux éditions Filigranes à Paris.
Les photographies de Philippe Graton ont été projetées en ouverture des Rencontres d’Arles, exposées au musée de la Photographie à Charleroi ainsi qu’en France et au Japon, où elles obtinrent en 2020 le prix du Président à l’International Exhibition of Contemporary Art du National Art Center de Tokyo.