Septembre, 2020

Flux, une société en mouvement

sam19sep(sep 19)13 h 00 mindim22nov(nov 22)17 h 00 minFlux, une société en mouvementExposition CollectiveCRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-France, Place des Nations 59282 Douchy-les-Mines

Détail de l'événement

Panta Rhei (Toutes les choses coulent) – Héraclite d’Ephèse Le CRP/ présente en avant-première les productions de cinq des quinze lauréats de la commande photographique nationale « Flux, une société en mouvement » lancée en 2018 par le Centre national des arts plastiques (Cnap), en partenariat avec le ministère de la Culture. Aux côtés de Diaphane, pôle photographique en Hauts-de-France, le CRP/ a accompagné ce projet de commande nationale qui sera présenté dans son ensemble aux Photaumnales à l’automne 2020 à Beauvais.

En écho aux différentes occurrences du mot « flux » entre écoulement, fusion, flot, transmission d’informations, mouvement d’ensemble ou fluctuations, les artistes lauréats se sont saisis de cette commande pour développer une recherche artistique singulière autour de la matérialité de l’image, réinvestiguant pour certains, des techniques photographiques anté-numériques, ici entre prise de vue à la chambre et tirage platine et carbone, ou encore héliogravure traduisant concrètement le sujet des flux qui traversent les paysages.

Au CRP/, les oeuvres des cinq artistes et duo d’artistes présentés – Nicolas Floc’h, Éric Guglielmi, Ilanit Illouz, Florence Paradeis et Mathieu Farcy & Perrine Le Querrec – témoignent des préoccupations environnementales et sociétales que les flux économiques ont durablement bouleversées à l’échelle mondiale.
Leurs productions proposant différentes approches autour de l’image, invitent les visiteurs à circuler dans des paysages forestiers, souterrains, sous-marins et mentaux, et à prendre conscience de l’influence des flux dans nos vies quotidiennes.

Les environnements naturels sont le résultat de multiples processus écologiques et socio-économiques. L’érosion, les politiques d’appropriation et d’utilisation des sols, les systèmes de production et d’échanges les façonnent en profondeur. L’homme ne craint plus les forces de la Nature mais les effets de sa propre action. Le rôle des scientifiques est d’analyser ces processus pour les comprendre et alerter les consciences, mais il faut souvent des médiations pour que nous saisissions réellement la portée de leur message. Les artistes ont joué et continuent de jouer aujourd’hui ce rôle de médiateur des phénomènes sociaux qui agitent nos sociétés au travers de leurs oeuvres et de leurs recherches formelles. Notre perception et notre vision des paysages naturels ont ainsi été influencées de tout temps par les représentations artistiques contribuant à former « une anthropologie de la nature ». Le photographe participe aussi à une écologie du paysage en montrant des paysages transformés et en adaptant de manière originale ses techniques à l’objet de sa quête.

Surgissant frontalement, d’énormes troncs jonchent le sol luxuriant de la forêt tropicale du bassin du Congo et dressent leurs racines vers les frondaisons proches. Éric Guglielmi dans sa série Paradis perdu enregistre les dérèglements qui mettent en péril l’équilibre de la deuxième plus vaste forêt tropicale de la planète. Cette masse verdoyante de fougères, de lianes et d’arbres géants est gravement menacée par une industrie du bois incontrôlée, notamment la surexploitation des essences précieuses et par des grands projets agro-industriels dévastateurs comme les plantations massives de palmiers à huile à quoi s’ajoute périodiquement le fléau des incendies. Eric Guglielmi saisit les entailles qui ravagent la forêt : arbres tronçonnés, trouées des pistes. Les conséquences environnementales et sociétales sont dramatiques : forêts pillées, faune décimée, populations locales exposées à la disparition d’un mode de vie et d’une culture fondée sur l’adaptation ancestrale aux subtilités d’un biotope complexe. La surface sensible de la plaque fixe les mutations des paysages photographiés à la chambre. Les tirages au platine palladium restituent l’identité profonde de paradis végétaux en sursis. Les noirs mats et denses, les dégradés de gris soulignent la beauté mystérieuse d’un environnement mis en péril par une logique économique brutale.

Les séries de Nicolas Floc’h Structures productives, la Couleur de l’eau, et Paysages productifs – bulles, produites dans le cadre de la commande « Flux », relient la photographie à l’histoire de l’art et des formes. Son travail général s’inscrit dans une démarche plastique associant différents mediums artistiques (installations, films, sculptures). A travers ces trois séries engagées pour certaines depuis plus de dix ans, l’artiste réinvente le genre trop souvent stéréotypé de la photographie sous-marine et contribue à l’histoire des territoires en documentant différentes façades maritimes à l’instar des photographes engagés dans les missions photographiques célèbres de l’histoire de la photographie.

Dans la continuité de ses recherches menées avec des scientifiques sur l’acidification des mers et la réduction de leur biodiversité, Nicolas Floc’h visualise pour la série des Paysages productifs – bulles ces processus en photographiant en lumière naturelle des sites sous-marins acides en méditerranée, ici Vulcano en Sicile. Ces zones très impactées par la présence de CO2 préfigurent l’état futur des océans marqué par la disparition progressive des algues et des coraux. Son projet photographique Bulles alerte sur la fragilité de cet écosystème et renouvelle par ce sujet inédit, l’approche du paysage dans la photographie contemporaine montrant malgré tout la beauté plastique des flux d’énergie tourbillonnant dans les colonnes d’eau qui s’élèvent des fonds sous-marins.

L’approche géologique et paysagère des sols, les conséquences sociales et géopolitiques de leur exploitation, traduisent l’axe de recherche privilégié d’Ilanit Illouz. Elle arpente les territoires en quête d’indices des flux migratoires et économiques qui les ont marqués. Les débris organiques et minéraux collectés lors de marches – photographiés et mis en récits – décryptent l’histoire de ces paysages palimpsestes.

Pour « Flux » et la série Petra, elle a réuni un corpus d’images de minerais photographiés au Musée de Minéralogie de l’école des Mines à Paris.
L’exploitation des ressources naturelles est une source d’instabilité et de conflits. Certains minerais (germanium, titane, graphite, coltan, …) ont une importance stratégique du fait de leurs utilisations dans la haute technologie.
Les diptyques produits en héliogravure mettent en relation ces métaux précieux avec les gestes pratiqués pour leur maniement dans des applications industrielles civiles (smartphones, GPS) et militaires (grenades, missiles, boussole). Ainsi se trouve souligné le lien entre nos comportements de consommateurs et l’épuisement prévisible des richesses des sous-sols.

Le flux massif des images qui traversent nos existences constitue le répertoire dans lequel puise Florence Paradeis pour construire ses images décalées, à distance d’un réel déplacé, « réinjecté », protéiforme dont elle restitue la vibration, les tensions et les contradictions. Dans la série Des jours et des nuits, elle questionne le mouvement dans une composition en séquence alternant natures mortes en studio, mises en scène en intérieur et extérieur, invitant le regardeur à suivre de façon instinctive son « flow » mental pour lire et relier les images entre elles. Elle déroule ainsi un petit théâtre d’images symbolisant comme des « vanités » pour certaines, l’écoulement du temps et mettant en scène pour d’autres les interrogations, les résistances ou non de personnages de la vie courante face au flux général des échanges et des circulations auquel ils sont soumis en permanence.

Comment l’artiste peut-il se situer par rapport au flot d’images et d’informations qui se succèdent à une cadence accélérée ? Mathieu Farcy photographe et Perrine Le Querrec écrivaine proposent ensemble un temps d’arrêt et de réflexion à travers une création à quatre mains de triptyques, prolongeant ainsi leurs travaux documentaires respectifs. L’Augure par référence à l’art du devin dans la Rome antique, est une chronique poético-documentaire associant photographie, archive sonore ou visuelle, texte littéraire selon trois temps distincts : une origine, un trajet, une destination. Leurs triptyques sont les miroirs de la multiplicité et de l’interpénétration des flux et mutations (climatiques, démographiques) qui marquent notre contemporanéité.

Au CRP/, ils présentent un triptyque sur le thème du climat mettant en exergue l’interdépendance de toute forme de vie sur terre et leur devenir commun, nous exhortant à ne plus nous contenter d’assister impuissants au spectacle du recul et de la disparition.

« Ce qu’il reste une fois les dates passées le présent couvert de mousse feuillage lichens chloridées les journaux froissés roulés en boule brûlés dans les décharges leurs fumées empoisonnent elles aussi les poissons le corail les océans.1 »

Muriel Enjalran, commissaire de l’exposition

1. Extrait de Marine Skalova, Exploration du flux, p.64, Fiction et Cie Seuil, 2018

Avec : NICOLAS FLOC’H, ÉRIC GUGLIELMI, ILANIT ILLOUZ, FLORENCE PARADEIS, MATHIEU FARCY & PERRINE LE QUERREC

Dates

Septembre 19 (Samedi) 13 h 00 min - Novembre 22 (Dimanche) 17 h 00 min(GMT+00:00)

CRP/ Centre régional de la photographie Hauts-de-FrancePlace des Nations 59282 Douchy-les-MinesEntrée libre Ouverture de la Galerie Mardi … vendredi / 13:00 … 17:00 Samedi, dimanche, jours fériés / 14:00 … 18:00 (galerie fermée le lundi)