Massilia, Warum Nicht ?

Ce « Marseille, pourquoi pas ? » est une juxtaposition d’un latin emprunt d’histoire et d’une langue allemande, faisant référence aux origines de l’artiste photographe Alfons Alt.
Dans ce titre apparaît l’opposition de deux cultures, métaphore du parcours d’Alfons Alt qui a choisi, il y a près de trente ans, de s’installer à Marseille.
Sa production n’a réellement jamais été rattachée à la ville mais il s’en est servi pour des projets, il y a butiné des images comme un collectionneur d’indices de ce qui fait sens, pour lui : l’histoire, l’architecture, la littérature, la cuisine, les rencontres.
Le corpus ainsi assemblé à l’occasion de cette exposition fleuve à Fermé Le Lundi dresse un portrait singulier et bicéphale de la cité grâce à une relecture de ses archives et à la production d’oeuvres nouvelles en vue de cette exposition.
Cette réécriture a posteriori nous présente finalement des figures emblématiques et identitaires d’une ville en pleine mutation. En troquant les paysages bavarois pour les lumières crues et arides du sud de la France, ce peintre photographe nous donne à voir pêle-mêle les poissons du marché, les paysages caractéristiques des Goudes mais aussi les architectures presque obsolètes du port de commerce ainsi que des personnes au gré de ses rencontres dont les histoires racontent la ville.
L’oeuvre finale est le résultat d’une grande culture picturale et d’une technique très particulière issue d’un procédé photographique ancien : la résinotypie. Cette technique de tirage modifiée et simplifiée volontairement, qu’il appelle Altotypie, lui permet de déposer très librement des pigments de couleur sur une photographie en noir et blanc avec un délai d’action relativement restreint. Ce procédé dit « propriétaire » ne s’explique que par une prise de liberté au service d’une esthétique propre. De cette manière, le geste et l’intention se combinent comme pour un peintre et chaque oeuvre, unique, nous présente deux temps : l’instant de la photographie puis celui de la mise en couleur.
Il nous immerge dans les lumières recréées de ses deux maîtres romantiques : Caspar David Friedrich et William Turner.
Néo-pictorialiste, assurément, Alfons Alt nous amène dans son univers fait d’instants et de pigments dont les noms évoquent d’exotiques voyages : Irgazin, Wismuth, Andalou, Héliogen, Milori…
C’est bien ce qu’il nous propose dans cette exposition : un exotique et romantique voyage dans son univers, si proche et si loin de lui.

Olivier Monge