Bernard Cantié

Photographe du silence et de la mémoire, Bernard Cantié arpente depuis plus de trente ans les sentiers escarpés de son village de Pruno, au cœur de la Castagniccia. De ce territoire, il ne fait pas un décor mais un monde, un corps vivant, habité par les voix des ancêtres et les ombres de ceux qui nous ont précédés. Son appareil photo, qu’il porte tel un Sisyphe ou un pénitent, n’est pas l’instrument d’une capture mais celui d’une fidélité : celle à une terre, à une culture, à une filiation.

Cette exposition invite à parcourir les chemins de croix d’un homme qui photographie la Corse non comme un spectacle, mais comme un lien charnel et spirituel. Chaque image est empreinte d’un karma insulaire, d’une tension verticale entre le passé et le présent, entre ce qui s’efface et ce qui résiste, entre la disparition et la transmission.

Dans une époque saturée d’images, où l’instantané domine, Cantié prend le parti de la durée, du sédiment, du silence. Il creuse sans relâche au lieu de survoler, cueille au lieu d’arracher. Son œuvre, profondément enracinée dans l’âme corse, parle pourtant à chacun : elle dit l’amour d’une terre, le poids des héritages, la peur de la perte, le devoir de mémoire.

Comme il le dit lui-même, ses photographies sont nées d’un élan émotif, d’un « combat pacifique mais déterminé pour ne pas disparaître trop vite ». Elles sont les traces laissées par un homme en quête de paix intérieure, fidèle à ses morts, à l’enfant qu’il a été et au peuple dont il est issu. Elles sont aussi une invitation à interroger nos propres attaches, nos racines, nos lieux de vérité.

Dans la lignée des grandes collaborations entre photographie et littérature — de Sergio Larrain et Pablo Neruda à Chris Marker et Marie Susini — le livre qui accompagne cette exposition de Bernard Cantié contient une nouvelle inédite de l’écrivaine saint-florentine Marie Ferranti. Ensemble, l’image et l’écriture tissent un récit sensible et universel, où la Corse devient le miroir de toutes les terres aimées, blessées et espérées. Et de tous les peuples en voie de disparition.