Octobre, 2025

En plein coeur

mer22oct(oct 22)11 h 00 mindim16nov(nov 16)20 h 00 minEn plein coeurExposition collectiveMaison Guerlain, 68, avenue des Champs-Élysées 75008 Paris

Détail de l'événement

Photo : RongRong & inri / Three Shadows Photography Art Centre / Collection privée

Voici la grande affaire de nos vies. À l’occasion des cent ans de la fragrance Shalimar, Guerlain, partenaire hôte d’Art Basel Paris, convoque une exposition d’art moderne et contemporain qui interroge notre rapport au sentiment amoureux et son évolution au fil du siècle passé. Déployé sur les trois niveaux de l’espace, le parcours réunit plus de trente artistes, émergents et reconnus, dans un dialogue intergénérationnel porté par la diversité des médiums — peinture, photographie, vidéo, sculpture et installation artistique. Reflets de leurs époques et de leurs auteurs, les oeuvres proposent une traversée sensible et nuancée de cette thématique universelle.

Créé en 1925 par Jacques Guerlain, ce parfum puise son inspiration dans l’histoire d’amour de Mumtaz et de l’empereur Shâh Jahân, au coeur des jardins de Shalimar à Agra. À la mort de sa femme, Shâh Jahân, dévasté par son chagrin, lui fit construire une tombe, qui devint le Taj Mahal. Shalimar — signifiant littéralement « demeure de l’amour » en sanscrit — incarne ainsi depuis un siècle une idée du sentiment amoureux à la fois absolue et insaisissable.

Louise Bourgeois, dont l’oeuvre figure dans cette exposition, affectionnait particulièrement ce sillage, son favori. Elle confiait : « Les parfums, comme les souvenirs, ils apparaissent et puis ils disparaissent, et ils réapparaissent… C’est la preuve que c’est la durée du temps. J’utilise Shalimar depuis des décennies. Je lui suis fidèle. » 1 Ce geste quotidien dit quelque chose de l’amour : son lien à la mémoire, à la persistance du désir, à ce qui revient — toujours — sous une forme nouvelle. Mais alors, comment le définir ? La question reste ouverte, tant cette expérience intime résiste aux récits linéaires.

En plein coeur, nous invite à un voyage intérieur qui nous confronte à notre vision de l’amour. Mais plus que cela, c’est la manière dont la société a élargi sa conception de l’amour en un siècle qui reconfigure notre regard à travers les visions entrecroisées des artistes exposés. Le sentiment s’y révèle sans filtre — cru parfois, tendre souvent, multiple toujours.

Ce que l’art révèle ici, ce sont nos imaginaires affectifs à travers le temps : leurs mythologies, leurs métamorphoses. L’amoureux est un être de langage, écrivait Roland Barthes — un être qui parle, imagine, fantasme, interprète.

L’exposition transpose ce motif dans une grammaire plastique où chacun peut projeter ses souvenirs, reconnaître une histoire ancienne ou une émotion neuve. Le parcours s’ouvre sur une plongée dans les langages organiques du désir. L’amour commence ici, dans la chair : Pablo Picasso représente une scène de maison close. Quelques décennies plus tard, l’artiste ukrainienne contemporaine Sofiya Loriashvili, elle-même travailleuse du sexe, affirme son corps comme outil de création et d’émancipation : deux visions éloignées du désir, entre regard posé et regard repris. David Hockney capture avec tendresse son compagnon dans une scène intime et quotidienne, tandis qu’Aristide Maillol sculpte une sensualité plus archétypale et classique. Chez Alex Gardner, les corps et silhouettes noires fusionnent dans des étreintes silencieuses, à la fois universelles et politiques. Le sentiment amoureux s’exprime aussi par ses zones les plus secrètes : François Rouan tresse, dans ses oeuvres photographiques, les empreintes intimes de son modèle ; Hui Choi en explore les textures ; Charlotte Abramow interroge la censure et célèbre le clitoris dans un geste à la fois poétique et radical. Enfin, Camille Henrot et Valentin Ranger sondent les habitudes contemporaines du corps et du désir, entre pulsions, étrangeté du quotidien et affect digitalisé.

L’amour est façonné par la société autant qu’il la traverse. Ce chapitre explore la structuration sociale du lien, depuis ses émois jusqu’à ses rituels les plus persistants. L’exposition s’ouvre sur un entassement organique de coeurs, ceux de Damien Moulierac, lacés, noués, suspendus, chacun porteur d’une mémoire affective, comme une sève sentimentale, nourricière et collective. Viennent ensuite les premiers émois amoureux captés par Françoise Pétrovitch. Puis, l’intimité prend d’autres visages : Omar Ba évoque le lien conjugal profond, tandis que Louis Verret, dans une oeuvre dédiée à sa femme, superpose récit personnel et lecture des Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. Avec Pierre et Gilles, l’amour devient mythe populaire. Leur portrait de Sylvie Vartan et Johnny Hallyday célèbre une passion collective autant qu’il en marque la fin : une fresque d’icônes et de reliques traversée par le deuil. De la figure mythifiée aux objets du quotidien, l’amour traverse les formes les plus diverses. Chez Marion Flament, les chapelets recomposés cristallisent les rites amoureux, entre superstition et ornement. Genesis Belanger, quant à elle, détourne les archétypes du romantisme à travers des objets figés, ambivalents, en apparence décoratifs, mais traversés d’ironie. Philippe Favier met en scène le mariage comme une cérémonie symbolique. Deux artistes convoquent plus explicitement l’univers de Shalimar : Vasantha Yogananthan, qui s’inspire du Taj Mahal pour évoquer l’amour dans sa dimension mémorielle, et Liu Bolin, qui explore le pouvoir évocateur du parfum, en clin d’oeil direct à la fragrance. Enfin, Niki de Saint Phalle, avec L’Oiseau amoureux et ses sérigraphies, affronte les déceptions, les incertitudes et les deuils de l’amour, mais les inscrit aussi dans un geste d’émancipation. L’oiseau devient un symbole de liberté, une ressource de puissance politique.

L’amour est aussi un champ de lutte, terrain d’émancipation et de résistance. Il se révèle politique dans ce qu’il dit du corps, de la norme et du désir. La photographie de Robert Mapplethorpe représente Louise Bourgeois, un sourire malicieux aux lèvres, tenant Fillette, sa sculpture phallique. Entre provocation, tendresse et ironie, cette image condense l’esprit de transgression que les deux artistes partageaient. Une aquarelle sur papier de Louise Bourgeois, plus intérieure, évoque symboliquement la relation entre deux êtres, traversée par l’espoir d’une connexion et la peur de l’abandon. De façon plus frontale, Ren Hang aborde la sexualité dans toute sa poésie brute. Ses oeuvres, souvent censurées, confrontent la répression des désirs et des identités queer dans la Chine contemporaine. Chez Iván Argote, l’élan amoureux devient geste public. Lengua con Lengua, un baiser sculpté à grande échelle, affirme la puissance d’un contact affectif dans l’espace social. John Giorno, enfin, explore l’amour par le rythme et la langue. Ses poèmes sérigraphiés, issus de la scène beat et queer new-yorkaise, font du mot un acte sensuel, direct, presque charnel, une déclaration en boucle, répétée comme un mantra. Chez Susan Hefuna, le politique affleure dans des mots lacunaires brodés sur le papier, comme autant de silences chargés. Dans la performance Imponderabilia, Marina Abramović et Ulay font du corps amoureux une frontière à franchir. Le visiteur devient sujet de l’oeuvre, engagé dans un rituel de regard, de gêne et de choix : l’amour comme seuil symbolique et acte de liberté.

Au fil du parcours, les oeuvres d’artistes majeurs et contemporains s’entrelacent pour dessiner une cartographie sensible de l’amour contemporain. Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs été créées spécialement pour l’exposition : Damien Moulierac, Françoise Pétrovitch, Omar Ba, Marion Flament et Louis Verret livrent ici des pièces inédites, pensées en résonance avec le lieu, le thème ou leur propre histoire.

Un parcours olfactif, créé par Delphine Jelk, Parfumeure de la Maison Guerlain et le studio de design olfactif et sensoriel Magique Studio, vient renforcer ces schismes et convergences. Il a été conçu en collaboration avec les artistes Omar Ba, Françoise Pétrovitch, Damien Moulierac, Marion Flament, Pierre et Gilles, Valentin Ranger, RongRong & inri, Iván Argote et Liu Bolin.

En plein coeur joue sur nos croyances et nos convictions pour interroger notre propre rapport à l’amour et la place que nous lui accordons dans nos vies.

Hervé Mikaeloff
et Benoît Baume
Commissaires de l’exposition

Avec les œuvres de
Charlotte Abramow
Iván Argote
Omar Ba
Genesis Belanger
Liu Bolin
Louise Bourgeois
Hui Choi
Philippe Favier
Marion Flament
Alex Gardner
John Giorno
Ren Hang
Susan Hefuna
Camille Henrot
David Hockney
Sofiya Loriashvili
Aristide Maillol
Robert Mapplethorpe
Damien Moulierac
Morgane Ortin
Françoise Pétrovitch
Pablo Picasso
Pierre et Gilles
Valentin Ranger
RongRong & inri
François Rouan
Niki de Saint Phalle
Ulay et Marina Abramović
Louis Verret
Vasantha Yogananthan

Dates

22 Octobre 2025 11 h 00 min - 16 Novembre 2025 20 h 00 min(GMT-11:00)

Lieu

Maison Guerlain

68, avenue des Champs-Élysées 75008 Paris

Other Events

Get Directions