Juin, 2025

Patrick Tourneboeuf

mer25jui(jui 25)14 h 00 minsam27sep(sep 27)19 h 00 minPatrick TourneboeufEntretempsHôtel Fontfreyde - Centre photographique, 34, rue des Gras 63000 Clermont-Ferrand

Détail de l'événement

Photo : © Patrick Tourneboeuf

Patrick Tourneboeuf, né à Paris en 1966, est photographe et membre co-fondateur du collectif de Photographes Tendance Floue. Invité en 2020 par l’Hôtel Fontfreyde – centre photographique de Clermont-Ferrand, il reçoit pour mission de photographier les mutations urbaines en cours dans la capitale auvergnate. Il commence alors ses repérages et s’imprègne de ce nouvel environnement, rencontrant différents acteurs impliqués dans ce projet. Bien que la pandémie de 2020 ait freiné son travail, l’engouement et le désir de concrétiser ce projet se sont amplifiés. Il a ainsi construit une véritable histoire en interaction avec les lieux, les structures et les personnes rencontrées.

Patrick Tourneboeuf photographie des espaces pour parler des hommes, avec une prédilection pour les lieux patrimoniaux, qui révèlent l’empreinte du temps. Le sujet photographié est le produit de l’action des hommes, vestige souvent ignoré parce que non-visible de tout un chacun. Ruine de l’empire contemporain où les pierres mutilées sont les balafres de notre histoire.

On trouve dans les images de Patrick Tourneboeuf un regard sans amé-nagement, ni effet. Une photographie plastique à la lisière du documentaire, qui donne à voir ce qui est, d’une observation identifiable par la distance et la rigueur des cadrages. Il collabore avec de prestigieuses institutions, architectes, maitrises d’ouvrages tels que l’OPPIC (ministère de la Culture), la RMN Grand Palais, Le Centre des Monuments Nationaux, Pinault Collection.

Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions : Rencontres d’Arles, MIT Museum, Archives Nationales, Petit Palais, Mois de la Photo à Paris, Collection Regard à Berlin; et figure parmi de multiples collections publiques et privées. Patrick Tourneboeuf est l’auteur de plusieurs livres, notamment Monumental (Librairie de la Galerie), La cicatrice : Berlin Est-Ouest, 1988-2004 (Huitième Jour), Huis Clos (Images en Manoeuvre). Il est lauréat du Prix Eurazeo 2021 avec sa série Blow Up. Son dernier ouvrage, Entres-temps, qui vient de paraitre aux Éditions de Juillet est une invitation à la découverte d’une poétique visuelle au coeur de lieux abandonnés. Il y capte l’empreinte du temps, fige la mémoire des bâtisses oubliées et révèle une trace indélébile ou passé et présent dialoguent.
Nos remerciements au pôle photographique DIAPHANE en hauts-de-France pour la mise à disposition de la série STÈLES

Le colporteur des images
Le jour se lève sur la ville, une vague lumière traverse la “brume de beau temps” qui enveloppe les immeubles. L’air est lourd, à peine troublé par le murmure du vent. Là, dans cette désolation figée, une silhouette émerge lentement du brouillard. C’est un homme. Le dos courbé sous le fardeau de son sac, il progresse d’un pas régulier, comme animé d’une solide détermination.

Dissimulé sous la capuche d’un manteau râpé, son visage est sculpté par les ombres et lumières du soleil levant. Ses pas ponctuent le bitume humide, meublent le silence. Il ajuste les lanières sur ses épaules, son regard glisse brièvement vers un graffiti sur la muraille. Chaque pas résonne dans la ville endormie. Il est une énigme, et derrière lui, dans les méandres du brouillard, quelque chose ou quelqu’un semble l’épier.
Sur l’écran d’ordinateur défile le lent travelling de Street View. Avant de partir, en photographe prudent sachant ménager sa monture, Patrick Tourneboeuf fait un minutieux travail de recherches. Il avance à pas de loup dans les archives, accumule la documentation comme un collectionneur : plans, cartes postales anciennes et modernes, vues aériennes IGN, cartographies diverses…
Je me souviens que c’est en discutant avec lui que j’ai découvert l’existence de la fonction “historique” de Google Street View que je ne connaissais pas. Cet outil, véritable machine à remonter le temps offre la possibilité d’utiliser la mémoire infinie d’Internet pour explorer les évolutions des paysages, les modifications de chaque parcelle de terrain. Patrick prépare ainsi ses prises de vues, planifie les parcours à venir. En 2020, la Ville de Clermont-Ferrand et l’Hôtel Fontfreyde – centre photographique invitaient Patrick à réaliser un travail sur les mutations urbaines en cours dans la capitale auvergnate. Le travail a été ralenti par la crise sanitaire et ses interdits ; le temps des repérages s’est prolongé. Pour un photographe, la différence entre une résidence et une commande, c’est celle entre un vaste horizon et la zone de libre circulation d’un confinement. En résidence, l’artiste s’imprègne des lieux, sans autres limites que celles de sa vision et de sa créativité. C’est un espace de liberté où l’inspiration se déploie, où les rencontres et les hasards fabriquent des images plus expérimentales.
Régulièrement, Patrick est missionné pour réaliser le suivi de grands chantiers emblématiques – comme ceux des Archives nationales, du Grand Palais, ou du Musée de la Marine à Paris. Agissant pour le compte de grandes institutions culturelles publiques et privées, il répond à chaque fois, avec brio à l’injonction des commanditaires – valorisant les espaces et les volumes, magnifiant aussi le travail des architectes et des entreprises à la manoeuvre sur ces chantiers colossaux.
J’aime écouter Patrick parler des architectes, citant avec gourmandise leurs noms comme s’il s’agissait de grands cuisiniers, parlant de tel ou tel projet comme d’une bonne bouteille de vin ou évoquant tel grand chantier comme une table étoilée référencée au Michelin. Patrick est un des rares photographes à avoir réussi à créer une passerelle évidente entre ses travaux de commandes et ses recherches personnelles, car pour lui, les deux se complètent et se nourrissent, pour le meilleur.
Une fois sur le terrain, il suit les pistes de sa documentation initiale dans les archives numériques. Et dans un arpentage méticuleux, il adopte une approche dynamique, concentrée et productive, n’hésitant jamais à questionner les passants, s’intéressant à la vie, au travail, à l’histoire des habitants, et des personnes croisées – mettant s’il le faut le pied dans la porte de quelque entrepôt. Derrière cet oeil total qui parcourt inlassablement le monde sans se détourner de sa mission primordiale – enregistrer les lieux, capturer les métamorphoses silencieuses de l’urbain – il n’y a pas une machine mais le corps solide de Patrick, prêt à l’épreuve des longues randonnées urbaines, rituels où l’endurance physique est cruciale.

Membre émérite du collectif Tendance Floue, mais se démarquant de ses condisciples, flamboyants poètes, lui s’inscrirait davantage dans la lignée d’une photographie documentaire, naturellement rigoureuse. Ses compositions peuvent être frontales et dotées d’une précision qui pourrait rappeler l’objective analyse de l’Inventaire général du patrimoine culturel. Loin du sensationnel, elles captent le réel des lieux avec une évidence saisissante, évoquant un monde où l’humain est à peine suggéré, invisible, mais omniprésent dans les traces laissées par son ancienne présence ou son activité passée. Les couleurs et les détails – peintures craquelées, fissures, lumière oblique, ombres étranges – sont là pour orienter les regards qui se posent sur ces décors ahurissants.

Au cours des années 1990, Patrick s’intéresse aux aspects les plus ordinaires de l’urbain. Son projet emblématique « Périphérique » offre une vision contemplative et nocturne du boulevard automobile parisien, début d’une exploration de la suspension du temps. Cette quête se poursuit en précurseur averti de l’urbex avec la série « Nulle part », où il documente les stations balnéaires, construisant un discours critique implicite sur la société de loisirs – dont les prolongements photographiques sont nombreux. À partir des années 2000, une nouvelle facette de son travail se dessine, dans laquelle il immortalise les stigmates de la grande Histoire. Trois séries émergent : « Cicatrice » qui explore les traces laissées par le mur de Berlin, tandis que « La mémoire du jour J » se concentre sur les plages du débarquement en Normandie. Enfin, la remarquable série « Stèles » documente les monuments aux morts de la Première Guerre mondiale. Patrick Tourneboeuf développe également un large corpus sous le titre

« Monumental », à mi-chemin entre le documentaire et la réflexion sur la notion de patrimoine. Dans le film « Stalker » d’Andreï Tarkovski les protagonistes entrent dans la Zone, territoire mystérieux et interdit dont le centre est une chambre secrète prétendument miraculeuse où les désirs pourraient se réaliser. Au coeur de la zone constituée par l’oeuvre complète de Patrick se détachent ces longues séries sur les cellules de prisons désaffectées (la prison de Pontaniou à Brest, l’ancienne prison de Clermont-Ferrand et tant d’autres…), les cheminées de salon des logements ouvriers ou les chambres d’hôtels abandonnées qui témoignent de cette fascination pour les lieux en suspens, où chaque détail a priori insignifiant devient le déclencheur d’une narration.
Patrick est un photographe de la friche, ce « no man’s land » entre abandon, destruction et renaissance, en disciple de Walter Benjamin, qui se passionnait en son temps pour les « ruines du progrès », vestiges du présent. Il utilise son appareil pour documenter les lieux de la transformation urbaine formant une archive de la ville et de ses interstices.

Si Patrick documente le contemporain, il ne cesse d’en remonter le fil, retrace les évolutions, enregistre ce qui est, tout en se rappelant ce qui fut. Il nous invite à emprunter le tunnel étroit de la mémoire, le chemin n’est pas simplement physique, il est aussi spirituel. À l’angle des deux rues, l’homme est accroupi et s’affaire en silence. Ses mains, sûres et robustes, rangent dans sa besace ce remarquable “caillou” à décentrement d’une luminosité exceptionnelle, si brillant que ses reflets dansent sur les murs en pierre de Volvic avant de disparaître. Le crépuscule teinte l’horizon de la chaîne des Puys, estompé par le voile brumeux qui recouvre la ville.
François-Nicolas L’Hardy,
directeur de l’Hôtel Fontfreyde – centre photographique.

Dates

25 Juin 2025 14 h 00 min - 27 Septembre 2025 19 h 00 min(GMT-11:00)

Lieu

Hôtel Fontfreyde - Centre photographique

34, rue des Gras 63000 Clermont-Ferrand

Other Events

Hôtel Fontfreyde - Centre photographique

Get Directions