Janvier, 2023

Jean-Philippe Charbonnier

sam28jansam01avrJean-Philippe CharbonnierOn the edgeLa Galerie Rouge, 3 Rue Du Pont Louis-Philippe 75004 Paris

Détail de l'événement

Jean-Philippe Charbonnier est souvent décrit comme un baroudeur, un reporter intrépide tourné vers l’ailleurs, parcourant le monde entier pour le mensuel Réalités dont il était salarié depuis 1950. Or il a passé beaucoup de temps à photographier son pays, de Roubaix à Arles, en passant par la Creuse et Paris, sa ville natale. Fasciné par ses contemporains, qu’ils lui soient proches ou inconnus, il avait l’habitude de dire : « L’exotisme est à un demi-ticket de métro de chez moi. »

On the Edge propose ainsi une traversée de la France à travers le regard de Jean-Philippe Charbonnier des années 1940 au début des années 1980 à un moment où le pays traversait de profondes transformations sociales, économiques, politiques et culturelles. Parce qu’il est en terrain connu, sa pratique photographique y est souvent plus contrastée, plus personnelle, plus pessimiste aussi. On the Edge fait ainsi référence à son approche photographique intime et critique, porteuse d’une solide dimension sociale qui a fait de Charbonnier un des photographes français les plus talentueux et atypiques de sa génération.

Cette pratique parfois contradictoire qui associe proximité de l’individu et distance critique se retrouve formellement dans sa manière de photographier ses sujets, en lutte contre des forces extérieures et intérieures, comme s’ils cherchaient à échapper à notre regard de spectateur ou à sortir du cadre. C’est aussi une manière de voir le monde qui l’a souvent éloigné de la scène photographique humaniste française : plutôt que de photographier le bonheur, il préférait une vision du monde plus sombre et féroce, dépourvue de nostalgie. Pour autant, son travail ne manque jamais d’humour et de tendresse et on perçoit dans ses photographies une connivence avec ses sujets et le monde qui l’entoure. En témoignent les légendes facétieuses qu’il choisissait consciencieusement pour chaque image. Adepte des reportages longs et immersifs, il aimait rappeler que « La photographie est le plus court chemin d’un homme à un autre.»

L’exposition, qui fait la part belle à des images inédites et des tirages vintages, s’articule autour de quelques moments forts du travail de Jean-Philippe Charbonnier en France. On retrouve ainsi son regard sur la Libération de Paris et l’immédiat après-guerre, ces reportages sur le quotidien des habitants de l’Île de Sein, de Roubaix et du Nord de la France dans les années 1950, son investigation sans concession sur les hôpitaux psychiatriques en 1954 qui provoqua une véritable prise de conscience, et ses déambulations dans son quartier du quatrième arrondissement de Paris à partir de 1975.

L’Île de Sein (1956)

La rencontre de Jean-Philippe Charbonnier avec les habitants de l’île de Sein sur leurs bouts de rochers battus par les tempêtes au large de la pointe du Raz a donné lieu à un reportage saisissant. En 1956, la revue Réalités l’envoie témoigner de la vie quotidienne rude des Sénans. Le sujet sera publié sur 8 pages dans le numéro 134, en mars 1957.

Le Nord (Années 1950)

Avec cette disponibilité de l’esprit et cette curiosité permanente pour l’homme, Jean-Philippe Charbonnier photographie la vie quotidienne des famille de mineurs de Roubaix et de Lens et des habitants de Marcq-en-Baroeul.

L’hôpital psychiatrique (1955)

Pour Réalités, Jean-Philippe Charbonnier réalise une série choc en 1955 sur les conditions inhumaines des hôpitaux psychiatriques français, dans lesquels les patients sont parfois ligotés ou enfermés nus dans des cellules remplies de paille. Il dira plus tard en 1983 : « Les photos de folie, c’est comme les photos de guerre, c’est trop facile. Les fous sont toujours photogéniques. »

Jean-Philippe Charbonnier, Chroniques de la vie parisienne (1945 – Années 1980)

Tout au long de sa carrière de photographe, Charbonnier a déambulé dans les rues de sa ville natale et réalisé une remarquable chronique de la vie parisienne. L’exposition présente ainsi une sélection de portraits pris dans la capitale et sa banlieue de 1945 aux années 1980. Par ailleurs dès les années 1970, Jean-Philippe Charbonnier arrête ses grands voyages et commence à photographier dans un rayon d’un kilomètre son environnement le plus proche, le quatrième arrondissement de Paris. Ce nouvel exotisme qu’il découvre est à « un demi-ticket de métro » de chez lui. Il dira à propos de ces images : « J’ai photographié toutes ces personnes, pas toujours sans cruauté, certes, mais avec un intérêt passionné, avec une tendresse lucide, puisque étant un des leurs, et vivant leur vie, mais à ma façon. A part les déserts que je regretterai toujours, la seule chose qui m’intéresse encore dans les pays dits exotiques ou en voie de développement, c’est tout ce dont le touriste et ses brochures n’ont cure, c’est tout ce où je suis, à l’égal de l’autochtone, une personne urbaine, contemporaine, pas une visite guidée, c’est à dire une vraie personne, ce qui n’intéresse que moi. C’est exactement ce que j’ai fait, ici, pendant ces trois dernières années, dans ma ville natale, longtemps négligée, qui est, elle aussi, terriblement exotique mais dure pour ceux qui ne peuvent que la visiter et dont elle ne vaut pas davantage. »

Jean-Philippe Charbonnier, grand reporter et auteur d’une œuvre personnelle d’envergure, est sans doute le plus méconnu de la génération des photographes humanistes français. La Galerie Rouge propose de re-découvrir son œuvre sur son stand à Paris Photo et lors d’une rétrospective qui se tiendra à la galerie en janvier 2023. Né à Paris en 1921, Jean-Philippe Charbonnier est issu d’une famille d’intellectuels et d’artistes – son père, Pierre Charbonnier, était peintre et sa mère, Annette Vaillant, écrivain, son grand-père maternel, Alfred Natanson, l’un des quatre frères fondateurs de la Revue Blanche, écrivait des pièces de théâtre. À dix-sept ans, le jeune homme reçoit de son père un appareil à soufflet 9 × 12 cm et entre en 1939 chez le portraitiste et photographe de plateau Sam Levin. Au studio des Buttes-Chaumont, il découvre l’envers du décor et les vedettes-monuments de l’époque : Gaby Morlay, Françoise Rosay, et la très jeune Micheline Presle. La guerre interrompt cette carrière débutante et il se retrouve à Lyon dans les laboratoires de Blanc et Demilly dont il dit avoir apprécié l’extrême professionnalisme. Fin 1944, il devient metteur en page à Libération et à France-Dimanche. En 1945, il rejoint Albert Plécy à Point de Vue assurant textes et photographies, pour ce magazine fondateur du photojournalisme français. De 1950 à 1974, Jean-Philippe Charbonnier est photographe au mensuel Réalités, auquel collabore aussi Édouard Boubat. Il effectue des reportages sur la vie quotidienne des années 1950 en France : Le médecin de campagne, Creuse 1950, L’étude du notaire, Amboise 1951, Le pharmacien d’Aubusson 1953, La famille du mineur, Lens 1954, etc. Parallèlement, il voyage dans le monde entier : Afrique, Turquie, Canada, Japon, Moyen-Orient, Thaïlande, Ex-URSS, Chine, Mongolie Extérieure, États-Unis. De ces voyages sortiront trois numéros spéciaux de Réalités : La Chine, La France, Le monde. Il réalise par la suite des reportages institutionnels pour l’Organisation Mondiale de la Santé, la Bourse de Paris, Renault, Carrefour, Royal Air Maroc, entre autres. En 1976, il inaugure avec Denis Brihat et JeanPierre Sudre le premier Festival d’Arles qu’animent Lucien Clergue et Michel Tournier. La rencontre avec Agathe Gaillard marque un tournant dans sa vie : il dit s’être dès lors davantage investi dans une photographie personnelle, libéré de l’angoisse inhérente au travail des commandes, et collabore activement à la réalisation du projet d’Agathe Gaillard : créer une galerie de photographie (aujourd’hui La Galerie Rouge), qui ouvrira en juin 1975. Il obtient le Grand Prix de la Ville de Paris pour la photographie en 1996 et décède à Grasse le 28 mai 2004, âgé de 82 ans.

Photo : Jean-Philippe Charbonnier, L’enfant et le gazomètre, Roubaix, 1958-1959

Dates

Janvier 28 (Samedi) 1 h 00 min - Avril 1 (Samedi) 6 h 00 min(GMT-11:00)

La Galerie Rouge3 Rue Du Pont Louis-Philippe 75004 ParisLa galerie est ouverte du mercredi au samedi de 11h à 19h