NewsPhoto

Victorine Alisse et JS Saia, Lauréats du second Prix Caritas Photo Sociale

Temps de lecture estimé : 8mins

L’an passé, c’est la photographe Aglaé Bory qui avait remporté la première édition du Prix Caritas Photo Sociale avec « Odyssées », cette année, ce sont Victorine Alisse et JS Saia qui remportent le Prix avec la série « Grand Air ». Tous deux reçoivent une dotation de 4 000 € et l’édition par Filigranes d’un livre. Nous retrouverons le travail primé, aux côtés de ceux des deux finalistes Sinawi Medine et Thomas Morel-Fort dans le cadre d’une exposition à la Galerie Le Château d’Eau à Toulouse (du 14 décembre 2021 au 23 janvier 2022) puis d’une exposition à Paris au courant de l’année 2022.

JS et Victorine se sont rencontrés autour d’un café grâce à l’association La Cloche dédiée à la création de lien social et au changement de regard sur la vie à la rue. De cette rencontre est née l’envie de créer un projet à deux. Victorine commence par suivre JS dans les lieux qui font partie de son histoire : du parc de Bercy à Paris, où il est arrivé en 2015, au bois de Vincennes où
il vit depuis.

J’ai voulu que tu imagines par toi-même ce que j’ai pu vivre à certains endroits. J’ai tenté de te faire comprendre ce que signifie être à la place de”, confie JS.

Une relation se tisse peu à peu mais très vite, une question se pose : comment rendre compte d’une réalité qui n’est pas la sienne ? Ils décident alors de collaborer en prenant chacun l’appareil photo avec une contrainte posée par JS : celle de ne pas prendre de photographies “clichées” du monde de la rue.
On découvre dans certaines de ses photographies, une nature quasi omniprésente, une forme de douceur qui contraste avec certains de ses écrits dans lesquels on peut ressentir une colère.

C’est un cri, un « au secours » pour toutes les personnes qui vivent la solitude, l’isolement et la lenteur des démarches administratives ”, exprime JS.
À travers cette série, on ne s’attarde volontairement pas sur les détails de la vie de JS pour se concentrer sur la rencontre de deux perceptions issues de deux modes de vie différents. Chaque prise de vue est suivie d’un échange sans tabou, plus intime et naturel autour de leurs photographies. Celles-ci deviennent un moyen de communiquer en soi, plus direct, plus personnel, sans artifices.

Ce projet m’a permis d’exprimer ma colère ”, raconte JS. Sur les tirages, l’écriture devient nécessaire. Ils y racontent et confrontent leurs regards qui ressemblent davantage à un dialogue. Ces photographies deviennent une tentative de rompre les préjugés posés sur un mode de vie souvent considéré comme marginal et impensable.

“Au grand air” devient une discussion photographique qui n’essaie pas de parler du “monde de la rue”, mais plutôt de faire découvrir une facette poétique de ce mode de vie, qui n’empêche pas la solitude et l’isolement. “On est tranquille ici, il y a une vraie vie dans le bois ”, conclut JS.

Les deux auteur·es

Après une formation en relations internationales et action humanitaire, Victorine Alisse se consacre à la photographie. C’est un moyen pour elle de mettre en lumière la réalité des personnes en marge de la société mais également d’entrer en intimité avec les personnes qu’elle rencontre. Elle développe une approche documentaire de la photographie et traite de sujets sociétaux et environnementaux, notamment avec son travail « On avait tous un paysan dans la famille » qui questionne les visages de l’agriculture
d’aujourd’hui. Victorine s’intéresse également aux nouvelles formes narratives en combinant textes et images avec la série « Au grand air » réalisée avec JS Saia qui vit au bois de Vincennes.
Membre du collectif Hors Format, elle collabore également avec la presse.
www.victorine-alisse.format.com

Originaire de Suisse et ambassadeur au sein de l’association La Cloche depuis cinq ans, JS Saia a notamment participé à la construction de la Form’action La Cloche « Aller Vers ». Passionné par la photographie, celle-ci lui permet de témoigner de son vécu afin de changer le regard que porte la société sur le monde de la rue et sortir de l’ombre tous ceux qui y vivent.

Finaliste 2021 : Sinawi Medine
La nuit où je suis arrivé en France

L’exil est un long voyage rempli de convictions, de doutes, d’espoirs et de regrets, des sentiments qui font partie de la vie mais qui sont ressentis à l’extrême sur cette route à sens unique.
En exil, vous perdez presque tout : la famille que vous ne reverrez peut-être jamais, votre statut social, vous perdez vos amis en traversant le désert, la mer ou dans les geôles de trafiquants. Enfin,
vous devez apprendre à accepter d’être jugé et perçu comme un étranger, d’être considéré comme un problème social et politique.
Je fais partie de cette communauté des exilés, j’ai appris à m’adapter à tout moment, à lutter pour ne pas m’évaporer, à faire valoir mes droits et à vivre librement.
« La nuit où je suis arrivé en France » est une série émanant d’un projet long-terme sur le thème de l’exil, et notamment dans « les zones frontières / barrières», pour témoigner des difficultés et des dangers vécus sur les parcours migratoires, de la criminalisation de la solidarité des citoyens, mais aussi de l’invisibilité.
Lorsque je rencontre des exilés, je retrouve toujours cette volonté de changer le destin et le silence qui les entoure. Avec « La nuit où je suis arrivé en France », lors de maraudes au Montgenèvre je me questionne sur cette phrase qui restera à jamais gravée dans l’histoire de chaque exilé. Demain, qu’est- ce-qui permettra la reconstruction et la résilience ? Acculés à traverser de nuit et dans la neige des montagnes inconnues avec parents et enfants, l’indifférence et la façon dont on accueille les exilés interroge la justice sociale.

http://www.zenphotographe.com

Finaliste 2021 : Thomas Morel-Fort
« Donna, une vie de sacrifice philippine »

April 2016, Paris. In France, there are nearly 50,000 of Filipinos, an almost invisible workforce, often undocumented, 80% of whom are women, the FILIPINAS. So many lives in exile, so many family lives sacrificed to earn and pass on the means to improve the daily lives of those who have stayed behind, and even more, to finance the schooling and studies of their children for a better future at last. FILIPINAS in France are all domestic employees or nannies and work mainly in western Paris or in villas on the French Riviera for families from the Gulf States. Most often exploited by employers who benefit from diplomatic immunity and subject to the precariousness of their undocumented status, they face these obstacles thanks to the organization and solidarity of the Filipino community in France, a sort of invisible world where they find elements of their culture and form bonds of friendship.

L’exil des femmes des pays en développement pour travailler pour des familles riches dans les pays riches est une tendance qui ne fait que s’accentuer au XXIe siècle. Avec près de 10 millions de Philippins vivant et travaillant à l’étranger, les Philippines sont considérées comme l’un des principaux pays exportateurs de main-d’œuvre au monde. Les transferts de fonds envoyés par cette diaspora représentent environ 10% du PIB. Mais à quel prix ?
En France, ils sont près de 50 000, dont 80% de femmes, les FILIPINAS, toutes employées de maison, une main-d’œuvre quasi invisible, exploitée par des employeurs qui bénéficient de l’immunité diplomatique et soumise à la précarité de leur statut de sans-papiers. Autant de vies en exil, autant de vies familiales sacrifiées pour améliorer la vie de ceux qui sont restés, et financer la scolarité et les études de leurs enfants pour un avenir enfin meilleur.
Depuis six ans, Thomas Morel-Fort suit le parcours de Donna, et témoigne de ses conditions de travail dans des appartements parisiens, des moments de réconfort apportés par sa communauté et aussi du climat d’exploitation dans une villa de la Côte d’Azur. Pour cela le photographe a travaillé en immersion et s’est fait embaucher lui-même comme employé domestique en binôme avec Donna au
sein de cette villa appartenant a une riche famille libyenne.
Ensuite grâce au Prix Camille Lepage il a pu se rendre aux Philippines documenter la vie de la famille de Donna restée au pays.
Donna, 42 ans, est issue d’une famille de paysans pauvres vivant dans un village rural dans les montagnes à 300 km de Manille. Ses parents ont toujours cultivé la terre. Elle s’est mariée très jeune et a 4 enfants. Elle rêvait de devenir infirmière mais s’est exilée pour payer les études de ses enfants. Avant d’arriver à Paris il y a 8 ans, elle a dû payer 13 000 euros à un passeur. Quand elle est arrivée à Paris, elle travaillait à plein temps pour une riche famille des pays du Golfe, et dans une villa sur la Côte d’Azur. Elle envoie tous ses revenus pour sa famille et les frais de scolarité de ses enfants. Aujourd’hui, c’est sa fille aînée, Nicole, 21 ans, qui a réussi à obtenir son diplôme d’infirmière, une grande fierté pour Donna.
Sans papiers, elle ne sait toujours pas quand elle pourra retourner aux Philippines. Cela fait 8 ans qu’elle n’a pas vu ses enfants et sa famille.

https://www.thomasmorelfort.com/

INFORMATIONS PRATIQUES

mar14déc(déc 14)13 h 00 min2022dim23jan(jan 23)19 h 00 minPrix Caritas Photo Sociale 2021Le Château d’Eau - Pôle photographique de Toulouse, 1, Place Laganne 31300 Toulouse