L'InterviewPhoto

Nouvelle ère pour les Promenades photographiques
Rencontre avec Odile Andrieu

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La 19ème édition du festival des Promenades Photographiques se déroulera pour la première fois à Blois. Sa fondatrice et directrice artistique Odile Andrieu revient sur les débuts de cette aventure, il y a dix huit ans, sur sa pugnacité et nous présente cette édition placée sous le signe du renouveau avec notamment l’annonce de l’ouverture d’un nouveau lieu ouvert à l’année !

Portrait d’Odile Andrieu © Pauline Gaultier

En 2005, vous inaugurez la première édition d’un nouveau festival de photographie. Comment sont nées les Promenades Photographiques ?

À cette époque, je travaillais pour la presse dans les services photo et j’étais la Présidente fondatrice de l’Association nationale des iconographes (ANI). J’étais en étroite relation avec les photographes et je comprenais qu’il y avait une attente de la part des auteurs sur une autre forme de monstration comme pouvait le proposer des festivals comme les Rencontres d’Arles ou Visa pour l’image. Une manifestation présentant la photographie de manière plus transversale. Il y avait également une envie de faire se rencontrer au sein d’un même événement, les artistes contemporains et les artistes documentaires. Cette idée m’a séduite car je suis une personne très curieuse et même si j’ai travaillé longtemps dans le secteur du documentaire, ça me permettait de découvrir d’autres formes de photographie et de les partager au plus grand nombre. Cela faisait plusieurs années que j’étais installée en Région Centre, bien que travaillant à Paris, le projet de lancer un festival dans une région qui ne disposait d’aucune manifestation photographique est apparu comme une évidence.

© Laurent Laborie

Le public a t-il été présent dès le premier rendez-vous ?

Oui, cela a été immédiat ! Nous avons eu de la chance car après plus de 15 ans de carrière dans la presse, j’avais un solide réseau et cela a permis une importante diffusion médiatique de l’événement. Pour la première édition, la programmation réunissait neuf expositions qui devaient être présentées durant trois semaines. Finalement et face à l’engouement du public nous avons prolongé les expositions. Et c’est parce que le public était au rendez-vous que la manifestation s’est ensuite installée sur le long terme. Cela peut varier d’une année à l’autre en fonction de la programmation, mais nous avons à 60% un public régional, à 30% un visitorat national et le reste provient de l’étranger. Evidemment, cela s’explique par des actions menées avec les étudiants d’écoles de photographie du monde entier et qui drainent un public international.

© Marc Simon

Quelles ont été les évolutions dont tu as été témoin ces deux dernières décennies ?

Nous avons vécu des années incroyables de tous les changements, notamment avec le passage de l’argentique au numérique, mais il y a eu un développement des formes de présentation des expositions qui a été très important. À l’époque, les choses étaient assez dogmatiques et très linéaires, et nous avons assisté à une évolution des propositions qui devenaient plus protéiformes, nous permettant beaucoup plus de liberté en terme de scénographie. Pour la photographie en général, c’est vrai que l’arrivée du numérique a été un moment clé, on ne travaillait plus seulement avec des tireurs traditionnels, grâce au numérique, on avait accès à d’autres formats et à des supports différents qui nous ont permis de présenter les expositions différemment. Et ces formes évoluent encore vers des choses hybrides que je trouve passionnantes, comme le film photographique par exemple, qui permet à la fois de faire se rencontrer la photographie avec la musique, le son, et qui donne une toute autre dimension à l’image.

Irak © Edouard Elias

Quelles sont les difficultés rencontrées liées à l’organisation d’un festival ?

La principale difficulté est économique ! Chaque année, à partir du mois de juillet, je repars à la chasse au trésor pour pouvoir financier l’édition suivante. Même si nous avons la chance d’avoir des partenaires fidèles, que sont les partenaires publics, les institutions qui nous accompagnent et les partenaires privés, tous les ans nous devons remonter un budget et déposer nos dossiers. C’est une chose que j’aimerais voir évoluer dans le futur, parce que c’est extrêmement chronophage et c’est du temps qu’on ne peut pas consacrer à autre chose. De plus, il est difficile de travailler d’une année sur l’autre, sans certitude, pour composer une programmation. Parfois, je suis obligée de repousser une exposition à l’année suivante faute de budget.
Ça m’est arrivé souvent de me demander si je pourrais ne serait-ce qu’assurer le festival tout court ! Et on y arrive à chaque fois, mais au prix de nombreux efforts.

2023 marque une nouvelle ère pour le festival, c’est la commune de Blois qui accueille dorénavant la manifestation.

Lors des trois précédentes éditions, nous présentions déjà des expositions en extérieur à Blois. Il y avait une nécessité de faire évoluer la manifestation mais aussi de la pérenniser. Les trois financiers que sont la ville de Blois, Agglopolys et Pays des châteaux ont tout de suite été très favorables à notre proposition et cela va permettre au festival de se développer. Cette édition est une année de transition, nous allons proposer moins d’expositions, car la configuration est différente au sein de magnifiques lieux patrimoniaux mis à notre disposition. Nous avons dû tout reprendre à zéro. Ce qui est sûr, c’est que cette année va être surprenante pour nos visiteurs réguliers, ce sera également l’occasion de découvrir une ville et son patrimoine.

© Alain Keler / MYOP

Quelles seront les expositions phares de cette édition ?

Il m’est impossible de faire un choix parmi les 16 expositions. Il est cependant important de parler du Capitole qui va devenir un lieu phare pour nous, parce qu’on va l’ouvrir à l’année avec une programmation trimestrielle. Pour l’inaugurer, nous présentons une grande exposition collective « Back to Black » avec les photographes de l’agence MYOP. Il y a des endroits fabuleux à découvrir comme le pavillon Anne de Bretagne qui est un petit bijou de la Renaissance où l’on présente le travail d’une grande sensibilité de Brodbeck et de Barbuat dans un environnement très intimiste. J’aurais envie de parler de chacun d’entre eux comme Jérémy Lempin, avec son travail sur le Tour de France qui va être décliné sur la Loire à vélo, qui est une boucle qui longe le fleuve sur presque mille kilomètres. Son exposition sera présentée en extérieur sur quatre villes pour permettre au plus grand nombre de contempler ses images. Il y a Laurent Laborie qui vient souffler un réel vent de fraîcheur après les années covid à la Salle Malfray. À la salle Joséphine Baker, on montre pour la première fois le travail de Marc Simon, grand accompagnateur des photographes lorsqu’il était directeur photo à VSD. J’ai sélectionné plusieurs séries qui mêlent les genres et les périodes… À ses côtés, il y aura Edouard Elias qui présente quatre séries. Et tellement d’autres belles choses à découvrir ! …

© Brodbeck et de Barbuat

Pensez-vous à la relève ?

Oui, nous sommes en train de voir qui pourrait me succéder. Moi, je souhaiterais que ce soit une femme, car il manque quand même beaucoup de femmes à la direction des manifestations de photographie. C’était d’ailleurs un constat que je faisais quand je travaillais dans la presse, tous les directeurs photo étaient des hommes, du côté des iconographes, c’étaient toutes des femmes… Il est nécessaire de rééquilibrer un peu les choses !
Pour l’instant, nous avons quelques noms en tête, mais il est encore un peu tôt. Pour moi, ce sera probablement la dernière ou avant-dernière édition.

INFORMATIONS PRATIQUES

ven30jui10 h 00 minmer30aou19 h 00 min19ème édition des Promenades Photographiques¬E pur si muove ! OrganisateurAssociation Promenades photographiques

Interview publiée dans le numéro #361 de Réponses Photo.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.