Juin, 2025

Anaïs Tondeur

ven06jui(jui 6)13 h 00 mindim31aou(aou 31)19 h 00 minAnaïs TondeurCe que les yeux ne saisissentLe Château d’Eau - Pôle photographique de Toulouse, 58 allée Charles Laffite 31300 Toulouse (Adresse pendant les travaux) ̶1̶,̶ ̶P̶l̶a̶c̶e̶ ̶L̶a̶g̶a̶n̶n̶e̶

Détail de l'événement

Photo : © Anaïs Tondeur, Fair Isle, Phare (Phare) Niveau de PM2p5 dans l’air : 2,12 μg/m³, Tirage au noir de carbone, 2017

Le Château d’Eau présente « Ce que les yeux ne saisissent » une exposition qui rassemble trois séries Fleurs de feux, Noir de carbone et Chernobyl Herbanium d’Anaïs Tondeur, artiste engagée dans une nouvelle forme d’art politique qui associe des procédés analogiques du début de l’histoire de la photographie à des pratiques écologiques.
Dans cette démarche, elle explore de nouvelles façons de raconter le monde, porteuses de transformations de notre relation aux autres, au vivant et aux grands cycles de la terre.

Par des protocoles photographiques et sensibles, Anaïs Tondeur travaille à exposer l’intouchable dans des écosystèmes affectés par les activités anthropiques.
Elle interroge, à travers les mondes qui implosent, les interdépendances profondes qui relient nos existences humaines à la trame du vivant.
Toujours en quête de nouvelles alliances, elle développe une pratique en artiste de terrain, travaillant l’image comme une surface sensible par laquelle elle invite à rencontrer et penser êtres et éléments invisibilisés, leur donnant une agentivité, jusque dans la matérialité même du tirage.
« Dans la pratique d’Anaïs Tondeur, la photographie acquiert une signification à la fois matérielle et éthique. Plutôt que de représenter la pollution atmosphérique, la contamination nucléaire ou le stress induit par la toxicité des sols, elle laisse l’empreinte matérielle témoigner de la présence des substances létales dans l’air ou dans le corps des plantes. À mesure que la distance entre l’objet photographié et son support s’amenuise, l’engagement de l’artiste grandit : engagement à éviter toute idéalisation, à transformer ses oeuvres en canaux d’expression du monde au bord du chaos. Le contact photographique se révèle alors à la fois tactile et empreint de tact.
Ses oeuvres tracent un chemin vers d’autres formes de résistance: d’abord en enregistrant esthétiquement l’expérience indigeste – ou l’inexpérience – de la radioactivité, de la toxicité et des pollutions diverses, la transformant ainsi intérieurement pour la rendre assimilable ; ensuite, en rejoignant les plantes dans leurs propres efforts pour neutraliser les métaux lourds et les radionucléides, pour guérir la terre et soigner le monde.
Ni désespérées ni porteuses d’espoir, ses oeuvres invitent à une autre approche de notre condition planétaire inéluctable, une approche à inventer et réinventer, par chaque spectateur touché par les traces du désastre, auxquels elles offrent un témoignage silencieux ».
Michael Marder

NOIR DE CARBONE
2017-2018
Collaboration avec les physiciens Rita Van Dingenen et Jean-Philippe Putaud, JRC, Commission Européenne
Par la matérialité de l’image photographique, Anaïs Tondeur explore la porosité de nos corps au monde en pistant un ensemble de météores contemporaines : des particules de noir de carbone. Le terme météore, par son étymologie grecque, fait référence aux phénomènes célestes: nuage, arc-en-ciel, grêle ou comète. Or, cette matière en suspension aérienne dont elle a suivi les traces est d’une autre nature.
Spectres de nos sociétés industrialisées, ces particules de noir de carbone sont issues principalement de la combustion incomplète d’hydrocarbures. Ces particules fines se dispersent avec les vents, dérivent en quelques jours le long des courants atmosphériques pour retomber à plusieurs centaines de kilomètres de leur point d’émission. De plus, si ces particules de la taille du micron ne connaissent aucune limite géographique, elles pénètrent également l’intérieur de nos corps, déclenchant selon l’OMS plusieurs millions de décès par an.
Ainsi, dans une forme de Deep mapping, Anaïs Tondeur a pisté le déplacement de l’un de ces flux invisibles à partir de l’une des îles les plus reculées d’Europe. Arrivée sur l’île de Fair, située à mi-chemin entre les Orcades et les Shetlands, elle a transmis ses coordonnées géographiques aux physiciens de l’atmosphère Rita van Dingenen et Jean-Philippe Putaud (JRC, Commission européenne) qui ont identifié le point d’émission des particules de noir de carbone qui traversaient le ciel qu’elle respirait.
Ces météores de noir de carbone avaient été produits dans le port de Folkestone à 1350 kilomètres de l’île. Munie d’un appareil photo et chaque jour, d’un nouveau masque FFP2, elle pisté en sens inverse la trajectoire suivie par cet ensemble de particules, par voies terrestres et maritimes.
Elle a conservé la trace de chaque jour de l’expédition par un portrait de ciel, réalisé d’un point de vue ouvert afin de capter les détails de la ligne d’horizon, situant ainsi le lieu. En parallèle, elle a filtré à travers les fibres de son masque les particules qui la traversaient, ensuite extraites par immersion des masques dans un bain d’ions pour les transformer en encre.
De fait, le noir de carbone est une forme collatérale de suie, utilisée depuis des siècles dans la fabrication de l’encre de Chine. Ainsi, chaque photographie est tirée, en partie, avec les particules de noir de carbone collectées dans le ciel photographié, révélant, selon les variations de noirs de l’image, le volume de particules présent dans le ciel.

TCHERNOBYL HERBARIUM
2011- en cours
Zone d’exclusion, Tchernobyl, Ukraine – Niveau de radiation : 1.7 microsieverts/h
Collaboration avec le philosophe Michael Marder & bio-geneticien Martin Hajduch
Le 26 avril 1986, à 1h23 minutes et 44 secondes, un test de puissance à la centrale de Tchernobyl, tourne à la catastrophe. Le coeur du réacteur n°4 explose, laissant s’échapper un nuage de particules radioactives dans l’atmosphère.
Ce projet est composé d’un rayogramme par année passée depuis l’explosion, créé par l’empreinte directe de spécimens d’un herbarium radioactif sur des plaques photosensibles.
Ces végétaux furent au préalable cultivés dans le sol de la Zone d’Exclusion par l’équipe du bio-généticien Martin Hajduch qui étudie les conséquences de la radioactivité sur la flore dans les zones fortement irradiées, autour de la centrale.
Comme pour nombre d’autres projets, Anaïs Tondeur s’inspire de la fragilité des débuts de la photographie, en particulier de la photographie de contact. Dans le Tchernobyl Herbarium, les images sont réalisées par un procédé traditionnel de rayogramme, cependant le césium-137 et le strontium-90, qui innervent la plante, contribuent à la création de son empreinte sur la plaque photosensible. Ces rayogrammes radioactifs sont par conséquent conservés dans une boîte en plomb stockée dans le sous-sol d’un laboratoire.
En cherchant à créer un espace où les plantes puissent prendre parole, ou tout du moins une présence, l’artiste a rencontré la trajectoire du philosophe Michael Marder, auteur de La Pensée végétale, lui-même contaminé par l’explosion du réacteur en 1986. Il écrit : « J’ai immédiatement senti que mes propres ruminations troublées pouvaient s’engager dans un dialogue fécond avec ces traces inquiétantes de plantes traumatisées. C’était comme si Anaïs me présentait un miroir dans lequel je me voyais reflété non plus dans une forme humaine mais comme une vie, ou simplement une surface sensible, exposée aux effets radioactifs sans le vouloir ni le savoir. »
Depuis lors, ils développent une collaboration fertile auprès de ces plantes irradiées, par un ensemble de fragments rayographiques et textuels. La forme du fragment est pour eux une manière de se rapprocher de « l’explosion de conscience » que représente celle de Tchernobyl, en invitant à penser, signifier, symboliser, aussi impensable et irreprésentable soit-elle, et peut-être ouvrir la voie à un mode de vie plus en accord avec l’environnement.

Se penchant sur les matérialités invisibles de l’air et du climat, des plantes et des sols, Anaïs Tondeur développe des enquêtes par l’image comme outils anthropologiques. Elle saisit les images aux interstices des corps et des environnements, dans des sites marqués par l’activité humaine où elle cultive des engagements singuliers, pointant d’autres formes de relations et de matérialités photographiques.
Diplômée de la Central Saint Martin (2008) et du Royal College of Arts (2010) à Londres, nominée au Prix Pictet 2025, mention d’honneur des Amis du Jardin Albert Kahn (2024), lauréate du Grand Prix RPBB (2024), du Prix Photographie et Sciences, Résidence 1+2 (2023), du soutien à la mobilité artistique MIRA, Institut français (2023), du Prix Art of Change 21 et récipiendaire de la Mention d’honneur Cyber Arts, Ars Electronica (2019), elle a présenté et exposé son travail dans des institutions internationales telles que la Maison Européenne de la Photographie, Centre Pompidou (Paris), FR, MAMAC (Nice), Kröller-Müller Museum (Pays-Bas), Museum Ostwall, Dortmund U, Museum für Kunst und Gewerbe, (Allemagne), Kunst Haus Wien (Autriche), Chicago Art Center, Spencer Art Museum (USA), Choi Center (Beijing), Nam June Paik Art Center, Sungkok Art Museum (Corée du Sud).

Le Château d’Eau - Pôle photographique de Toulouse

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