Sibusiso Bheka & Tshepiso Mazibuko

Photo : © Sibusiso Bheka

Of Soul Of Joy est un programme d’éducation à la photographie, initié en 2012 par Rubis Mécénat, dans le township de Thokoza, en Afrique du Sud. À seulement une trentaine de kilomètres au sud de Johannesbourg, dans la province du Gauteng, Thokoza est au coeur de l’histoire de l’or et de son exploitation. Depuis 12 ans, les jeunes de ce township y sont invités à prendre l’élan de la photographie et de nombreux photographes issus du projet sont connus et reconnus, en Afrique du Sud et à l’international, pour leur photographie singulière.
Thokoza Over The Night est une invitation de Tshepiso Mazibuko adressée à Sibusiso Bheka pour tisser ensemble une vision de Thokoza aujourd’hui – tous deux sont nés et ont grandi dans ce township – où, du jour au lendemain, ils sont devenus « born free » – nés après 1994 et la fin de l’apartheid. Bien nés libres, mais toujours coincés dans la contrainte d’un urbanisme du passé. Des maisons de taille réduite – telles des boites d’allumettes juxtaposées – la promiscuité, la violence, l’inégalité persistante, les remplit d’une désillusion venue remplacer l’espoir de leur génération.
L’exposition entremêle deux sensibilités qui regardent un même lieu ; le township.
Les photographes nous convoquent le jour comme la nuit, dans la couleur brûlante ou l’atemporalité du noir et blanc. Un présent qui vibre, une mémoire qui persiste. La poésie ou l’hallucination. De toutes parts, s’exprime ce sentiment d’immobilisme imposé par la structure même du lieu qui, balayé dès l’aurore par d’éblouissants projecteurs, vibre le jour du bruit incessant ou s’assourdit dans le silence de la nuit. L’expérience est une plongée au coeur de la communauté humaine de Thokoza, contrainte dans la structure sociétale d’un avant – une trace persistante de l’histoire de l’Afrique du Sud. En attendant qu’ils puissent s’emparer de leur liberté, Tshepiso et Sibusiso continuent de buter contre les murs du township, guettant le basculement soudain d’une nuit vers un jour nouveau.
Tshepiso Mazibuko et Sibusiso Bheka sont les sismographes sensibles du pouls de la jeune démocratie sud-africaine. A trente ans – entre espoir et désillusion – tous deux questionnent en profondeur la signification même de « born free ».

THOKOZA, Place of Peace
C’est en 1955 que les populations noires de la province d’Alberton sont déplacées dans le premier township noir établi dans le sud de Johannesburg – Thokoza. La gestion du territoire découle de l’exploitation de mines d’or par les colons, et donnent naissance à un nouvel urbanisme ; une imbrication de cabines à une pièce – puis de deux pièces – et d’ « hostels » pour migrants (2 500 places pour13 000 personnes dans les années 80). Au début des années 90, Thokoza – avec Soweto – fût le théâtre de mouvements violents entre les soutiens de l’Inkatha et de l’ANC.

THOKOZA, région du Gauteng
Gauteng, pays de forte concentration d’or, situé sur un plateau à 1 600 m d’altitude, à 30 km au sud de Johannesburg. La population de Thokoza est à 99 % noire, la première langue parlée est le zoulou.
Aujourd’hui à Thokoza, compte plus de 100 000 habitants s’entassant sur un étroit territoire de 11 000 km2. La rue principale longue de 7 km porte le nom de Jacon Khumalo, migrant et travailleur zoulou, leader de la communauté dans les années 60.

Commissariat : Valérie Fougeirol

Sibusiso Bheka, né en 1997 à Thokoza, en Afrique du Sud, est un photographe sud-africain représenté par la galerie Afronova. Il découvre la photographie en 2012 grâce au projet Of Soul and Joy, une initiative du fonds de dotation Rubis Mécénat et poursuit ses études à l’université de technologie de Vaal. Son travail a été exposé lors de nombreuses expositions et foires en Afrique du Sud et à l’international : Addis Foto Fest (Addis-Abeba, Éthiopie), Ghent International Photo Festival (Belgique), Rencontres de Bamako (Mali), etc. Il est présélectionné pour la bourse de la Fondation Magnum pour la photographie et la justice sociale en 2018. En 2019, il est nominé pour la Joop Swart Masterclass et le CAP Prize. Plus récemment, en 2023, il a présenté son travail au salon AKKA – Art & Design à Paris. Il est actuellement en résidence à la Cité des Arts de Paris.

Née en 1995 à Thokoza, Afrique du Sud où elle vit et travaille actuellement, Thsepiso Mazibuko appréhende le médium photographique comme outil d’observation des domaines politique, sociétal, historique ou encore paysager. Elle découvre la photographie en 2012 grâce au projet Of Soul and Joy, une initiative du fonds de dotation Rubis Mécénat et achève en 2016 ses études de photographie au Market Photo Workshop de Johannesburg. Son travail a notamment été exposé à la Ithuba Arts Gallery et à l’Iziko South African National Gallery (Johannesburg), à la Turbine Art Fair, à la Art Africa Fair (Le Cap), à l’Addis Foto Fest (Addis-Abeba), à LagosPhoto ainsi qu’au Ghent International Photo Festival (Belgique). Elle est lauréate de la bourse Tierney 2017 et a reçu le Prince Claus Award 2018. Elle est membre du collectif d’artistes Umhlabathi Collective depuis 2021. Elle est exposée dans le cadre du Prix Découverte Fondation Roederer aux Rencontres d’Arles 2024.