Septembre, 2022

1970s, années chromatiques

jeu01sep12 h 00 mindim13nov(nov 13)19 h 00 min1970s, années chromatiquesJo Ann Callis & Jan GrooverGalerie Miranda, 21 rue du Château d’Eau 75010 Paris

Détail de l'événement

A l’automne 2022 la Galerie Miranda présente une double exposition avec les artistes américaines Jo Ann Callis (née 1940) et Jan Groover (1943-2012), toutes deux précurseures de la vague ‘new color’ de la photographie américaine des années 70. L’exposition présentera des tirages d’époque rares ainsi que des tirages contemporains, des séries ‘Early Color’ (1976) de Callis et ‘Kitchen Still Lifes’ (1979) de Groover. Lorsque ces séries ont été réalisées, la lutte féministe battait son plein aux États Unis et certaines artistes ont placé cette lutte au coeur de leur pratique, comme Martha Rosler avec son oeuvre ‘Semiotics of the Kitchen, 1975, ou Judy Chicago, créatrice du célèbre ‘Dinner Party’, 1974-9, pour n’en citer quelques-unes. Les séries réalisées par Callis et Groover se situent en plein champ domestique, effectuant une sublimation trouble de la vie quotidienne de la femme; pourtant ni l’une ni l’autre ne se soit déclarées artiste féministe militante. On pourrait dire qu’au lieu d’attendre la liberté, elles l’ont pratiquée.

A Los Angeles, Jo Ann Callis jonglait avec deux jeunes enfants, de nombreux déménagements, des études de beaux-arts le soir et un divorce imminent. Elle s’accroche, et sa série ‘Early Color’ a été complétée en 1976. On y décèle l’influence de ceux qui l’ont inspirée – notamment Paul Outerbridge mais aussi Hans Bellmer, Pierre Molinier. Ses mises en scène cinématographiques suintent les angoisses d’un environnement domestique claustrophobe où la liberté, le plaisir et la curiosité sont bridés. Hitchcockiens par leur composition rigoureuse, les décors ont été tous été fabriqués par Callis, pour la plupart dans son garage à Los Angeles, converti en atelier. L’artiste a fait appel aux amis pour poser dans un décor étrange rassemblant différents objets et accessoires domestiques: du mobilier de sa maison – chaises, tables, plantes – mais aussi de la ficelle, du scotch, des draps satinés, des lampes, du sable, du miel.

Au même moment, sur la côte ouest des États Unis, Jan Groover photographiait des gros plans de son évier de cuisine où s’entremêlaient des moules à gâteau en inox, des fourchettes, des lames de couteau et des feuilles de plantes d’intérieur, tous luisant comme dans un rêve mais rendus surréels, mystérieux, par leur échelle inhabituelle. En 1979, une image de cette série fait la couverture de la très prestigieuse revue ArtForum: signe, selon le critique Andy Grundberg, que la photographie était désormais prise au sérieux par le monde de l’art. Jusqu’alors, la photographie en couleur avait surtout été considérée comme une pratique commerciale, adaptée à la mode et à la publicité. Malgré les inventions en couleur dès la fin du 19ème, la photographie en noir et blanc revient au premier plan pendant les périodes de guerre et la dépression . En 1937, le MoMA de New York présente une première grande exposition de photographie dont un volet dédié à la couleur avec des oeuvres des frères Lumière, d’Edward Steichen et de László Moholy-Nagy; en 1950 Edward Steichen assurait le commissariat d’une autre grande exposition du MoMA Color Photography, la première rétrospective américaine de la photographie en couleur rassemblant des oeuvres de plus de 85 photographes. Cela n’empêche pas, Walker Evans de déclarer en 1961 que « la photographie en couleur est vulgaire » et Robert Frank en 1969 que “le noir et le blanc sont les couleurs de la photographie ».

A partir des années 70, et avec la commercialisation de pellicules photo en couleur, l’intérêt pour la photographie en couleur grandit, et avec lui le débat quant à sa valeur artistique. En 1976, la grande exposition au MoMA de William Eggleston (né 1939), orchestrée par John Szarkowski (1925-2007), fait basculer le débat. Le style innovateur d’Eggleston – informel, intimiste ou ‘snapshot’ – et ses tirages couleurs à la technique du dye transfer, ont fait couler beaucoup d’encre et l’exposition fut même baptisée «l’exposition la plus détestée de l’année. » L’exposition fait cependant bouger les lignes notamment en actant une validation institutionnelle de la photographie en couleur, à la fois comme processus et comme langage.

Pendant qu’Eggleston expose au MoMA, les talentueuses Callis et Groover réalisent les séries en couleur qui sont présentées aujourd’hui à Galerie Miranda. La liberté des extérieurs d’Eggleston, qui a pu quadriller le paysage américain, contraste avec la densité des intérieurs de deux artistes femmes. Toutes deux diplômées en beaux-arts et dotées d’une grande culture de la peinture, elles avaient chacune exploré différentes formes artistiques et Groover avait déjà consacré la première partie de sa carrière à la peinture abstraite. Toutes deux citent, par exemple, les à plat et les mises en scènes calmes du peintre italien Giorgio Morandi (1890-1964) à titre d’influence majeure. Callis peignait mais s’intéressait également à la lithographie, à la céramique et au textile; les deux photographiaient aussi en noir et blanc et avec un Polaroid. Chacune préparait minutieusement ses mises en scène : John Szarkowski du MoMA, explique dans sa préface à la monographie qui lui est dédiée en 1992, que la formation de peintre de Jan Groover « lui aurait appris qu’une image est quelque chose qui est fabriquée, pas découverte. » De même, Judith Keller, Senior Photography Curator du J. Paul Getty Museum, cite Callis : “La photographie (…d’une chambre) est extrêmement structurée pour qu’elle évoque plus qu’une simple chambre; elle évoque quelque chose, comme une chambre de votre esprit » (dans sa préface à la publication Jo Ann Callis: Woman Twirling (2009, Getty).

A New York, dans sa capacité d’Adjunct Faculty Professor à l’université de SUNY, Purchase (1979-1991), Jan Groover formé et influence une nouvelle génération d’artistes tels Gregory Crewdson et Philip-Lorca diCorcia; à Los Angeles, Jo Ann Callis enseigne à CalArts (1976-présent), au coeur de la nouvelle vague de coloristes composée de ses mentors, de ses collègues et de ses élèves. Une nouvelle exposition du MoMA en 1989 intitulé “California Photography: Remaking Make-Believe” présentait des oeuvres de Callis à côté d’oeuvres de son ancien professeur et mentor Robert Heinecken, collègues John Baldessari et John Divola, ainsi que Larry Sultan, pour en citer quelques-uns. Les oeuvres de Callis et de Groover ont figuré dans une exposition importante de 1991 orchestrée par Peter Galassi, “Pleasures and terrors of domestic comfort”, avec des oeuvres de Tina Barney, Judith Black, Philip-Lorca diCorcia, Nan Goldin, Nicholas Nixon, Sally Mann, Cindy Sherman, Laurie Simmons, Joel Sternfeld, Carrie Mae Weems.

Biographies

JO ANN CALLIS
Née 1940, Cincinnati, Ohio, États-Unis
Jo Ann Callis vit et travaille à Los Angeles. Apres des études de beaux-arts à UCLA, elle commence à enseigner à CalArts où elle contribue toujours au cursus ‘Photography and Media’. Lauréate du Prix Guggenheim en 1990, et de trois NEA Fellowship, son travail sera exposé plus de 100 fois aux États-Unis et figure aujourd’hui dans les collections permanentes de musées américains tels le MoMA (NY), le J. Paul Getty Museum (LA), le Corcoran (Washington DC), George Eastman House (Rochester), LACMA (LA), SFMOMA (San Francisco), pour n’en citer que quelques-uns. En mars 2018, la Galerie Miranda a présenté sa première exposition personnelle en Europe.
Les oeuvres de Jo Ann Callis sont présentés par la Galerie Miranda en collaboration amicale avec la ROSEGALLERY de Santa Monica.

JAN GROOVER
Née 1943, Plainfield, New Jersey, USA – décès 2012, Montpon-Ménésterol, France
Jan Groover a étudié la peinture et le dessin à la Pratt Institute de New York et l’Ohio State University, avant de se consacrer vers la fin des années 60 à la photographie. En 1978 une bourse de la NEA lui a permis d’acheter un appareil photo à la chambre; en 1979, elle est Lauréate du Prix Guggenheim. Son oeuvre a fait l’objet de plus de 50 expositions personnelles dont une rétrospective mi-carrière en 1987 au MoMA et une grande rétrospective en 2017 au Musée de l’Élysée de Lausanne, Suisse. Ses tirages figurent dans de nombreuses collections prestigieuses. En 1991, avec son mari peintre Bruce Boice, Groover s’est installée en France où elle a poursuivi ses expérimentations avec différentes techniques de tirage, notamment le platine palladium. Elle est décédée en 2012 à l’âge de 69 ans, à Montpon-Ménestérol, France, Galerie Miranda présentera une sélection de magnifique et rares tirages chromogéniques d’époque de sa célèbre série ‘Kitchen Still Lifes’ (1978-1979) ainsi que deux tirages d’époques chromogéniques de sa série de natures mortes, ‘Untitled’ (1987).

Dates

Septembre 1 (Jeudi) 23 h 00 min - Novembre 13 (Dimanche) 6 h 00 min(GMT-11:00)

Galerie Miranda21 rue du Château d’Eau 75010 ParisOuvert du mardi au samedi de 12h à 19h ou sur rendez-vous