Janvier, 2022

Elles et leurs regards sur la Chine 1949 - 1968

sam15jan(jan 15)14 h 00 mindim03avr(avr 3)19 h 00 minElles et leurs regards sur la Chine 1949 - 1968Solange Brand | Dominique Darbois| Eva SiaoMusée de l'Église Saint-Vincent, Rue de la Vieille Église, 33700 Mérignac

Détail de l'événement

La Ville de Mérignac (33) ouvre l’année par une exposition mettant en lumière le travail de trois photographes ayant vécu dans la Chine maoïste de 1949 à 1968, pays peu accessible à l’époque. Les photographies d’Eva Siao, Dominique Darbois et Solange Brand constituent un témoignage historique exceptionnel. Découvrez l’étonnant parcours de ces trois femmes jusqu’au 3 avril sur les cimaises de la Vieille Église.

Trois femmes occidentales ont découvert, regardé, photographié la Chine à des moments historiques que traversaient le pays et sa capitale Pékin. Trois regards, trois points de vue et beaucoup de constantes dans un pays pourtant en proie à de profonds bouleversements. Mais la vie quotidienne, l’espace public de la rue résistent et des gestes ancestraux perdurent.
Le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine est instaurée. Eva Siao, une Allemande mariée à un Chinois, documente la construction d’un nouveau pouvoir dans l’Empire du Milieu.
En 1957, Mao Zedong met en place la Campagne des Cent fleurs pour rétablir l’autorité du parti communiste. Dominique Darbois profite d’une brève ouverture du pays aux étrangers pour sillonner, avec son Rolleiflex, la Chine des villes et des campagnes en pleine réorganisation.
En 1966, Mao Zedong lance la Révolution culturelle. Solange Brand travaille à l’ambassade de France à Pékin et photographie la vie quotidienne et ses bouleversements dans les tumultes de l’histoire.

EVA SIAO
À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la Chine est encore un monde lointain, presque inaccessible. C’est pourtant dans les grottes de Yan’an, quartier général de Mao Zedong, qu’Eva Siao, à 28 ans, met au monde son second fils Victor, en août 1940. Elle y restera trois ans sans pouvoir prendre la moindre image en raison de sa nationalité étrangère. La jeune Allemande, naturalisée soviétique, a rencontré son mari, un ami d’enfance de Mao Zedong, en URSS sur les bords de la mer Noire. Lion, le premier fils, est né à Moscou. Après avoir quitté Yan’an en 1943 avec ses enfants et des pérégrinations au Kazakhstan, elle retrouve, en 1949, son mari qui conduit une délégation pour la paix à Moscou.
En 1949, Eva Siao est à Pékin. Avec son mari, elle fréquente le premier cercle du pouvoir. Photographe de profession, elle travaille pour l’agence Xinhua dans le cadre de la propagande officielle et comme correspondante de l’agence soviétique Tass puis pour la télévision de la RDA.
Elle couvre l’installation du régime communiste en sillonnant les rues de la capitale. Elle photographie également la vie quotidienne chinoise loin
de la propagande, l’ex-empereur Pu Yi et les Occidentaux en visite : Henri Cartier-Bresson, Fréderic Joliot-Curie, John Heartfield, Joris Ivens, Pablo Neruda. Devenue Chinoise à la suite de la rupture sino-soviétique, elle réalise deux ouvrages sur le Tibet.
La Révolution culturelle secoue la Chine, Eva Siao est arrêtée le 23 juin 1967, peu après son mari. Le couple ne sortira de prison que sept ans plus tard. Après avoir été réhabilitée, elle reprend son travail.
Elle expose, participe à des documentaires sur sa vie et son oeuvre, publie son autobiographie China – mein Traum, mein Leben (Chine – mon rêve et ma vie) (1986) où se croisent les histoires de l’Allemagne, de la Suède, de l’URSS, du Kazakhstan et de la Chine. Elle meurt en 2001 après avoir légué une partie de son oeuvre au musée Ludwig à Cologne et laissé d’importantes
archives à ses fils.

DOMINIQUE DARBOIS
Dominique Darbois rejoint la Résistance et les FFI à 16 ans (1941). Internée au camp de Drancy comme juive (1942), elle y survit pendant deux ans.
En 1944, elle intègre l’armée régulière pour le front de l’Est puis sert en Indochine, au Tonkin. À 20 ans, Dominique Darbois a déjà vécu plusieurs vies. La guerre terminée, le photographe Pierre Jahan l’initie au métier (1946-1948).
Elle part en Amazonie, en Guyane et publie plusieurs ouvrages dont Parana le petit Indien (1953), traduit en huit langues. Elle entreprend un travail sur l’enfance : « Enfants du monde », images et textes de Dominique Darbois (1952-1978). Elle propose en vingt livres le tour de la planète non pas d’une ethnologue, mais d’une photographe allant à la rencontre d’enfants qui ne sont pas tous égaux.
Prises de vue, tirages, textes, elle arpente plus de cinquante pays.
Elle photographie les premières années du communisme en Chine (1957). L’industrialisation à Lanzhou, à Yumen où la nouvelle exploitation du pétrole transforme le paysage, rythme les activités. Elle documente la vie des ouvriers à Canton et même celle d’un camp de travail. Selon le modèle soviétique, la Chine est en construction alors que dans les villages coopératives perdure une vie ancestrale. À Pékin, la rue offre encore ses traditions de marchands ambulants, du peuple laborieux vivant autant dehors que dedans. Dominique Darbois engrange un vaste reportage avant de rejoindre le réseau Francis Jeanson où, de nouveau, elle entrera en résistance au côté des Algériens. Condamnée à dix ans de prison (1960), elle se cachera jusqu’à l’amnistie. En Italie paraîtra Les Algériens en guerre (1961). Le brûlot sera interdit en France.
De 1981 à 1986, elle collabore avec la ministre Yvette Roudy à l’élargissement des droits des femmes.
En 2004, elle publie deux ouvrages sur les femmes africaines et Terres d’enfants comme un ultime salut à la vie. Elle s’éteint en 2014.

SOLANGE BRAND
Alors qu’Eva Siao est en prison, en novembre 1965, Solange Brand, tout juste sortie de son lycée parisien rejoint, à 19 ans, un poste à l’ambassade de France en Chine. Munie d’un appareil photo Pentax acheté à Hong Kong, elle arpente Pékin en ébullition dans l’effervescence de la Révolution culturelle qui s’installe l’année suivante. À pied, puis en Solex, elle découvre une jeunesse, des familles, un peuple et l’Histoire au coin des rues sur les murs couverts de dazibaos dont elle ne comprend que les caricatures.
Les bataillons de gardes rouges marchent au pas avenue Tian’anmen et les militants solitaires cheminent le long des routes. La foule gronde aux portes de l’ambassade, elle saisit les contestataires au plus près, récupère des ambiances sonores.
Elle photographie la vie simple des Pékinois, mais aussi celle d’autres villes : Suzhou encore dans son jus avec ses maisons de pêcheurs et ses jonques sur les canaux aujourd’hui disparus, Nanjing envahi de dazibaos, Datong, ses grottes et ses temples de Yungang, gardiens de merveilles englouties sous la poussière.
Étrangère, immunité diplomatique en poche, sourire aux lèvres, elle déclenche où bon lui semble. Personne ne s’intéresse à elle puisqu’elle ne fait rien de ses photographies en couleur. Elle rentre en France, les range, promeut celles d’autres photographes au Monde Diplomatique, car elle a l’oeil Solange Brand, l’oeil qu’elle avait déjà lorsqu’elle saisissait la Chine. En 2005, elle publie ses photographies, Pékin 1966, petites histoires de la Révolution culturelle.
En 2015, Solange Brand croise le travail d’Eva Siao, disparue en 2001. Émotion, vive émotion. « Elle était là, j’y étais à cette époque. » L’une sur son Solex à prendre à la volée le vent de l’Histoire, l’autre derrière les barreaux sans savoir si elle en sortira un jour.

Dates

Janvier 15 (Samedi) 1 h 00 min - Avril 3 (Dimanche) 6 h 00 min(GMT-11:00)

Musée de l'Église Saint-VincentRue de la Vieille Église, 33700 MérignacOuvert de 14h à 19h