Juin, 2021

SUMMER 89 / A Slow Boat to China, 1991

jeu03jui(jui 3)14 h 00 minsam17jul(jul 17)19 h 00 minSUMMER 89 / A Slow Boat to China, 1991Marion ScemamaNew Galerie, 3 rue Borda, 75003 Paris

Détail de l'événement

1989 : Marion Scemama, David Wojnarowicz et François Pain passent ensemble l’été dans les Adirondacks (région des lacs de l’état de New York). Ils emportent avec eux une caméra et des appareils photo dont ils se servent à tour de rôle.
David Wojnarowicz sait depuis 1988 qu’il est atteint du SIDA.
L’objectif de Marion Scemama est celui de l’amie, de l’amour, de l’archive d’une tragédie personnelle et de l’histoire de l’art. S’ils profitent sauvagement de leurs vacances d’été et créent, les trois jeunes gens sont les témoins du statut de testament que prennent tous les gestes de David Wojnarowicz. Il le dit lui même : “It’s pretty fucked up”.

1991 : David Wojnarowicz propose à Marion Scemama de l’accompagner à San Francisco en traversant les Etats-Unis pour un dernier voyage.

L’exposition à la New Galerie présente un film et des photographies inédits. Les oeuvres sont des souvenirs de vacances, un effort de mémoire, de deuil, d’élégie et de célébration. Elles ont aussi le statut de making off, lorsque l’on voit transparaitre ce qui deviendra une oeuvre de David Wojnarowicz : Inside This House, What’s This Little Guy’s Job in the World ou Untitled (Face in Dirt).

Juillet 89, Adirondacks, région des lacs, État de NY.
Un jour, David s’est réveillé déprimé. Sommeil lourd et mauvais rêves. Au petit-déjeuner, il eut ce long monologue émotionnel sur la situation à laquelle il était confronté, une série de questions sans réponses sur la signification de tout cela face à sa mort programmée. Je me suis sentie triste et désespérée. Que pouvais-je dire, que pouvais-je faire ? Je me sentais totalement impuissante face à cette situation. Nous sommes allés au lac. Mon esprit était rempli de ses mots. J’ai lui ai proposé de le filmer en train de ramer, puis de nager, une longue prise, afin qu’il puisse écrire un monologue où il pourrait exprimer son désespoir, sa révolte et s’en servir en voix off. J’ai essayé de le filmer au plus près de ce qu’il ressentait : son corps se dissolvant sous l’eau, son visage, ses mains. Effets stroboscopiques pour des vues fragmentées de David nageant, ramant, tendu et silencieux. J’ai figé des images de son visage dans une eau pleine des étincelles du soleil, les yeux fermés, flottant dans le ciel, un rayon de lumière jouant sur ses paupières, ses lèvres, le contour de son visage ; un mélange d’éternité, de calme et tension silencieuse, bercé par le bruit apaisant de l’eau, glissant sur la rame.
Je me souviens qu’à un moment, J’ai demandé à David de nager sous l’eau et j’ai vu des images de son corps à la dérive, avec toutes les déformations que l’eau produit sur un corps. Maintenant, quand je vois ces images, je pense qu’elles expriment ce qu’est devenu David, un corps dilué, une brise, un rayon de soleil, un élément de la nature. Ce n’est pas parce que David allait mourir que nous filmions, mais parce que ces images métaphoriques pouvaient servir ce qu’il voulait exprimer de son approche de la mort. Ses textes étaient très forts et ces images pouvaient l’aider à créer une pièce visuelle à partir de ses écrits. Je croyais sincèrement, ce qui était stupide, que si je pouvais continuer à faire travailler David, cela l’empêcherait de mourir. Comme si la création pouvait faire reculer la mort, comme si la lumière de la mort pouvait éclairer l’obscurité de la vie.
Nous sommes rentrés et avons regardé ce que j’avais filmé. Après un long silence, il m’a remercié pour la beauté des images et me dit : « Faisons un film où nous imaginerions un monde incroyable après la mort. Juste pour le plaisir d’imaginer. Un film qui serait si sauvage, si sexy, si beau et provocant que chacun aurait envie de se précipiter vers sa mort ! ». Nous avons ri.

Marion Scemama est une photographe et vidéaste française née en 1950. Elle vit et travaille à Paris. Elle a vécu à New York dans les années 1980, dans l’East Village, où elle fait la connaissance de David Wojnarowicz. De cette rencontre naîtra une amitié particulière et chaotique qui durera jusqu’à la mort de l’artiste en 1992. Cette amitié est marquée par de multiples collaborations artistiques (vidéo, photos, performances), qui ont été présentées au Palais de Tokyo et au centre Georges Pompidou. Son documentaire Self-Portrait in 23 Rounds : A Chapter in David Wojnarowicz’s Life 1989-1991, a été projeté en avant-première Whitney Museum à New York lors de la rétrospective de David Wojnarowicz en 2018. Sélectionné et nominé dans la catégorie Meilleur essai documentaire lors de la Berlinale 2019, il a été présenté au Palazzo Grassi, Venise, au Reina Sofia, Madrid, au Mudam à Luxembourg ainsi qu’ au Musée du Jeu de Paume, Paris.

Dates

Juin 3 (Jeudi) 1 h 00 min - Juillet 17 (Samedi) 6 h 00 min(GMT-11:00)