EvénementsPhoto

Lyon : l’exil et le déracinement par Taysir Batniji

Temps de lecture estimé : 4mins

Jusqu’au 4 mars prochain, la Galerie lyonnaise, le Bleu du Ciel présente la série « Home Away From Home » réalisée par Taysir Batniji dans le cadre du programme Immersion lancé par les fondations Hermès et Aperture. Le Taysir Batniji avait remporter cette commande avec un projet singulier, celui de retracer l’histoire de ses cousins palestiniens, immigrés aux États-Unis depuis les années 1960. À travers ce travail, il questionne les notions de déracinement et de migration. Il nous fait réfléchir au sens de l’exil et aux différents degrés d’enracinement dans le pays d’adoption. L’attachement à la patrie, le sentiment d’appartenance, les origines et l’adaptation culturelle sont au coeur de son projet.

Gaza journal intime #3, 1999-2006 © Taysir Batniji

Je suis né à Gaza en 1966 dans une famille de marchands de tissu, juste quelques mois avant la guerre de 1967 et l’occupation israélienne. De 1985 à 1992, contre la volonté de mes parents, j’ai fait les Beaux-Arts à l’université nationale An-Najah à Naplouse. J’ai reçu une bourse pour poursuivre mes études à l’École nationale supérieure d’art de Bourges (France) et j’ai obtenu mon Diplôme national d’Expression plastique (DNSEP) en 1997. J’ai ensuite partagé mon temps entre la France et la Palestine, jusqu’en 2006, lorsque Gaza est devenu inaccessible (c’est encore le cas aujourd’hui), en raison du siège imposé par Israël.

Série « Home Away from Home ». Mes cousins d’Amérique, 2017 © Taysir Batniji

Les travaux qui suivent ont été réalisés dans le cadre d’Immersion, une commande photographique franco-américaine, un programme lancé par la Fondation d’entreprise Hermès en alliance avec la Fondation Aperture. J’ai proposé de retracer l’histoire et le parcours de quelques-uns de mes cousins qui, diplômés d’université, avaient tous choisi d’émigrer et de s’installer aux États-Unis à compter des années 1960, ère d’immigration économique. Était-ce l’attrait du rêve américain ? Un pur hasard ou une lubie ?

Je les ai tous rencontrés par le passé, brièvement.
Lorsque j’étais petit, ils venaient souvent à Gaza l’été et, une fois ou deux, ils sont venus en France, où je me suis établi depuis 2006. La décision qu’ils avaient prise, chacun, de vivre aux États-Unis m’a néanmoins toujours intrigué. Je suis moi-même le seul, dans ma famille proche, à avoir quitté Gaza ; je vis aujourd’hui à Paris avec mon épouse, Sophie, et mes enfants, Saâd et Amir.

Série « Home Away from Home ». Mes cousins d’Amérique, 2017 © Taysir Batniji

L’« entre-deux » – culturel et géographique – est une question qui me préoccupe. L’exil, le déplacement et la mobilité sont des thèmes qui animent mon travail depuis de nombreuses années. C’est pour cette raison que j’ai choisi de porter mon attention sur mes cousins Kamal, Khadra, Sobhi, Ahmed, Samir et Akram, et leurs expériences américaines. J’ai cherché à explorer leur souhait de vivre dans le lieu qu’ils ont choisi et leur désir de rester connectés à leurs origines et d’y revenir. Cette contradiction – la dislocation entre le passé qui nous hante et le présent qui nous habite – nous joue constamment des tours et reste perpétuellement irrésolue.

Les travaux présentés ici sont le résultat de séjours que j’ai effectués en 2017 en Floride, où résident Ahmed et sa famille, et en Californie, où j’ai vécu chez Sobhi et Khadra, Kamal, Samir, Akram, et leurs familles respectives. Je ne prétends pas révéler la vie de mes cousins américains sous tous ses angles et dans toute sa complexité, ni proposer une étude exhaustive sur la diaspora arabe ou palestinienne aux États-Unis.
Il s’agit plutôt d’impressions ou de captations spontanées, nées de ces rencontres, variant dans leur intensité, selon le contexte, le lieu et le degré d’interaction avec ces membres de ma famille.

Série « Home Away from Home ». Mes cousins d’Amérique, 2017 © Taysir Batniji

Pour cette exposition au Bleu du Ciel, j’ai souhaité faire un parallèle entre ce projet américain et une série antérieure, réalisée à Gaza durant six années : Gaza journal intime #3 / Chez moi (1999-2006).

Cette série de 16 photographies argentiques couleur, dont je suis à la fois l’auteur et le sujet, a été élaborée, sans intention particulière, à l’occasion de plusieurs séjours en Palestine. Elle documente différents moments de mon quotidien, seul ou avec ma famille : des instantanés où se mêlent «temps faibles» et mémoire.

– Taysir Batniji

INFORMATIONS PRATIQUES

ven16déc(déc 16)14 h 30 min2023sam04mar(mar 4)19 h 00 minTaysir BatnijiHome Away From HomeLe Bleu du Ciel - Centre de photographie et d'image contemporaine, 12, rue des fantasques 69001 Lyon


Voir la programmation de la Galerie

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.