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Pour leur seconde carte blanche, le collectif lyonnais item que nous accueillons comme invité de la semaine, nous parle de ses réflexions et ses engagements en collectif autour de leur territoire. Installé dans la capitale des Gaules depuis le début des années 2000, le collectif item déploie son activité avec créativité et être basé en région ne signifie pas être coupé de tous les réseaux nationaux et internationaux. Il est également question d’investir le territoire pour s’adresser au plus grand nombre. Le collectif a par exemple accompagné, trois ans durant, le renouvellement urbain d’un quartier de Lyon en proposant d’y implanter une permanence photographique, lieu d’exposition, de résidences, de rencontres et d’ateliers.

Bas des pentes de la Croix Rousse, entre l’atelier item et la Galerie.
Lyon 1er
© Bertrand Gaudillère

Né à Lyon en 2001, le collectif s’est ancré au fil des années sur le territoire.
Si la question d’un changement d’implantation géographique s’est posée dans les premières années, la réponse est venue d’elle-même. Être identifié à Lyon nous permettait de travailler confortablement depuis cette région sans pour autant nous couper d’un rayonnement national ou international.
Cet ancrage a favorisé un certain soutien dans le développement de nos projets sans jamais en limiter le périmètre de diffusion.
Être reconnu comme acteur culturel par la ville et la métropole, nous a permis d’imaginer des ponts avec des partenaires autres que des institutions dont le propos premier est la photographie. Ces collaborations sur le moyen et long terme répondent à une volonté de porter la photographie documentaire vers un public qui n’est pas forcément acquis à ce propos. La collaboration avec le théâtre du point du jour, ou l’Espace Albert Camus à Bron, est un bon exemple de programmation d’expositions hors les murs. Le réseau des bibliothèques municipales et la bibliothèque départementale du Rhône viennent confirmer cet élan en proposant avec nous, expos, ateliers, projections… aussi bien pour le jeune public que pour une audience adulte.

Quartier Santy © Hugo Ribes

Pour aller plus loin dans cette démarche, le collectif s’est positionné sur un appel à projet concernant le quartier politique de la ville, Langlet-Santy (Lyon 8)
Nous avons accompagné durant trois ans le renouvellement urbain en proposant d’implanter au cœur du quartier la permanence photographique, lieu d’exposition, de résidences, de rencontres et d’ateliers. Inspiré par le Bronx documentary center, cet espace éphémère aura permis de réaliser et de présenter des travaux photographiques exigeants aux habitant.e.s et de rendre compte des travaux qu’ils ont elleux même réalisé.e.s à travers le programme Regards d’ici.

Tournage d’un clip de rap avec l’équipe QP Binks constituée de The R ( maher ) – Owen ( ??) et Menos ( Ali).
Ils avaient donné rendez vous à tous ceux qui étaient motivés sur le petit terrain gris derrière le quartier. Le clippeur Hanoa, arrivait avec une heure de retard et le tournage sera avorté à cause de la pluie. © Hugo Ribes

Investir des jeunes de ce quartier dans la pratique photographique était à la fois un outil pédagogique fort, mais aussi un moyen de leur faire prendre conscience de leur potentiel créatif et narratif, à mettre au service du propos qu’ielles pouvaient tenir pour raconter leur réalité quotidienne. Un moyen de les encourager à s’emparer d’un médium pour raconter, dire, informer, communiquer… et diversifier les regards pour nourrir un imaginaire collectif sur les quartiers autre que celui qui vient de l’extérieur.
Une expérience qui nous a confronté à la question de la diversité et de la mixité sociale dans l’équipe et plus largement dans le milieu de la photographie. L’égalité de genre nous questionne également puisqu’aujourd’hui, Paloma Laudet et Sandra Calligaro, photographes avec Laureen Quincy chargée de projet, sont les trois seules femmes de l’équipe. Elles ne représentent que 25 % de l’effectif. Nous sommes loin de la parité.
La question de l’égalité s’est heurtée jusque-là à la volonté de ne pas s’agrandir au-delà d’une douzaine de personnes. Paloma et Sandra seront rejointes par d’autres femmes photographes lorsque nous ouvrirons l’équipe à de nouvelles membres.
La taille critique est un sujet récurrent. Ne pas être trop nombreu.x.ses pour ne pas perdre en cohésion, mais être suffisamment pour que l’énergie circule et que les échanges soient nourrissants.
La forme collective est stimulante mais exigeante en termes d’investissement individuel. Notre équilibre est fragile. Tant d’un point de vue humain que d’un point de vue économique. Nous avons plusieurs fois manqué de le perdre, mais nous faisons partie aujourd’hui des rares collectifs encore en activité. C’est un constat, mais aussi une satisfaction de voir un engagement perdurer et se transmettre.

Séminaire item juin 2022.
De gauche à droite Paloma Laudet, Virginie Veissière, Etienne Maury, Nicolas Leblanc, Laureen Quincy, Bertrand Gaudillère, et Hugo Ribes

Aujourd’hui ce ne sont plus seulement les fondateurs qui font vivre item, le relais a été pris par de plus jeunes. Ensemble ielles imaginent le présent collectif et conjuguent le modèle au futur. Économiquement l’exercice est moins évident qu’il l’a été, moins linéaire aussi, plus complexe. L’activité est plus large, plus dense et plus diversifiée. Il faut savoir entretenir des relations étroites et sérieuses avec la presse nationale et internationale, jongler avec les commandes institutionnelles et commerciales plus rémunératrices (mais aussi de plus en plus rares) et la réalisation de travaux au long cours plus personnels. Répondre à des appels d’offres, faire des demandes de subventions. Proposer des projets qui sauront rentrer dans le cadre de résidences ou prétendre à des bourses, être capable d’animer des ateliers pédagogiques, mettre en place les outils pour vendre des tirages ou proposer des expositions à la location tout en n’oubliant pas de présenter son travail à des festivals et autres évènements internationaux. Il faut faire tout cela et savoir dire qu’on le fait, être attractif et désirable en utilisant les outils proposés par les réseaux sociaux. C’est à tout cela que le collectif œuvre pour que « ses » photographes vivent correctement de leur activité. Il œuvre sans jamais oublier de se poser la question du sens. Faire pour qui et pour quoi. Pourquoi dire et dire quoi à qui ? Comment faire au mieux, comment être juste sans être en contradictions avec nos convictions ? Comment par exemple produire à l’international (hors actualité chaude) sans avoir un bilan carbone catastrophique, comment imprimer en réduisant au mieux notre impact environnemental, comment utiliser au plus juste les technologies numériques pour limiter leurs consommations énergétiques…

Les interrogations sont nombreuses et permanentes. Les réponses parfois incomplètes, mais toujours en travail. Il nous semble nécessaire de ne pas détacher notre activité des questions fondamentales qui font et interrogent l’époque au-delà de sa mise en images par nos productions photographiques.

Vue du lac de Serre-Ponçon. Lac artificiel formé par un barrage hydroélectrique, la retenue permet de produire de l’électricité, de limiter les crues autrefois destructrices sur la Durance, mais aussi de réguler l’eau afin de permettre l’irrigation des nombreuses cultures de Provence, plus au Sud. Elle alimente également une partie de la ville de Marseille en eau potable. EDF, exploitant du barrage, est responsable de la gestion du niveau afin de satisfaire tous les usagers. Le remplissage se fait au moment de la fonte des neiges et en hiver, comme ici, le niveau est au plus bas. Savines le Lac, 9 mars 2018, alt. 800m. © Etienne Maury

https://www.collectifitem.com

La Rédaction
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