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Tout va bien madame la marquise…
Quand les photographes sont au bord de l’asphyxie

Temps de lecture estimé : 4mins

Une tribune vient d’être publiée dans Libération pour dénoncer le ras-le-bol des photographes sur leurs conditions de travail de plus en plus difficiles; un article de Michel Guerrin, paru dans le Monde, fait un triste état des lieux des cachets versés aux photographes par les grandes manifestations culturelles… C’est toute la profession du monde de l’image qui en appelle au ministère de la culture pour dire STOP !

Une profession au bord de l’asphyxie.

Exposé ainsi, on pourrait croire que la photographie va mal, très mal… et pourtant elle se porte plutôt bien, même mieux que jamais. Des expositions toujours plus nombreuses, plus de 200 festivals de photo dans l’hexagone, des prix et des bourses qui foisonnent et Paris qui accueille chaque année la plus grande foire au monde : Paris Photo… Il y a cependant un grand perdant dans l’histoire : le photographe. Un bon photographe serait-il un photographe mort ? Compte tenu de l’état actuel du métier, sûrement. Sauf que dans les faits, les photographes (et leurs agences / collectifs qui vont avec) qui publient dans la presse font face à de trop nombreux impayés ou (pour les plus chanceux) à des délais de paiement qui frôlent l’indécence. Et pour ce qui est des tarifs, nous constatons avec effarement que le tarif minimum de la pige journalière mis en place par décret (mai 2017) est fixé à 60€ pour 5 heures de travail. Il va falloir en cumuler des heures de travail, et avoir un très bon réseau de « clients » pour pouvoir se verser un salaire décent.

#Payetaphoto

Si il y a un perdant… c’est qu’il y a un gagnant. On peut en effet se demander quelle place ont les photographes dans le modèle économique du monde de la photographie. Où vont les budgets parfois faramineux de certaines structures ?

La saison estivale s’accompagne des nombreux festivals culturels qui se déroulent partout en France, l’occasion pour Michel Guerrin, journaliste, de faire l’état des lieux sur le cachet des artistes. Arrêtons-nous sur le festival des Rencontres d’Arles qui a ouvert ses portes lundi matin. S’il est l’un des plus anciens et l’un des plus réputés, en 47 ans la manifestation n’a pas trouvé de budget pour payer des droits d’auteur aux photographes exposés ! Considérant que le simple fait d’être exposé est déjà un privilège.
Arles est la représentation d’un système malade qui nuit à toute une profession. Les Rencontres d’Arles c’est 7 millions de budget annuel, pour les dernières années, dont plus de 2,5 millions alloués par les financements publics (autrement dit nos impôts). Un budget que beaucoup envient, et pourtant sur ces sommes colossales, aucune n’est réservée au photographe… Alors bien entendu, les photographes accepteront de ne pas percevoir de cachet tant la notoriété d’exposer dans un tel festival résonne. Mais comment un photographe peut il continuer à vivre sans rémunération ?
Sam Stourdzé, nouveau directeur des Rencontres d’Arles, a décidé pour cette année, de rémunérer les artistes à hauteur de … 500 euros. Il le concède lui-même, c’est un montant dérisoire, mais plus serait « mettre le festival dans le rouge ». Pourtant, de plus petits festivals s’efforcent, avec très peu de moyen, de rémunérer décemment les artistes exposés. Alors voyons les choses différemment; et si à partir d’un budget de départ, les dépenses étaient allouées différemment ? Ne pourrions-nous pas convenir dès le départ d’intégrer la rémunération des photographes au même titre que les artisans qui réalisent toutes les scénographies, les commissaires d’exposition et autres acteurs qui font que cette manifestation existe ? – tout comme il est prévu de verser un salaire à Monsieur Sam Stourdzé – lui-même ? Quitte à réduire le nombre d’expositions ?

Pour faire bouger les choses, le mouvement #payetaphoto est né. Une pétition est en ligne pour faire réagir le gouvernement. Rejoignez le mouvement! 7500 signatures sont attendues :
https://www.change.org/p/payetaphoto

Retrouver la tribune publiée dans Libé
http://www.liberation.fr/debats/2018/07/01/la-photographie-ne-s-est-jamais-si-bien-portee-les-photographes-jamais-si-mal_1663272

Lire l’article de Michel Guerrin « Pour les festivals, l’équation est complexe : il faut payer les artistes sans casser la tirelire ».
https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/29/pour-les-festivals-l-equation-est-complexe-il-faut-payer-les-artistes-sans-casser-la-tirelire_5322885_3232.html?xtmc=arles&xtcr=1

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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