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Pour leur troisième carte blanche, le collectif lyonnais item que nous accueillons comme invité de la semaine, nous confie la nécessité de travailler en collectif. On le sait, le métier de photographe est solitaire et individuel, mais se réunir au sein d’une structure peut se révéler être un véritable atout pour le développement et le rayonnement de son activité. Dans les collectifs, il est également question de mettre en place des projets à plusieurs mains, c’est notamment le cas de l’ouvrage « Marche ou Rêve » qui réunit les travaux réalisés à l’occasion de la marche citoyenne et solidaire organisée par l’Auberge des migrants qui a traversé la France de Vintimille à Calais à l’été 2018.

Comment parler du travail en collectif ? Il y a celui effectif qui se traduit par des tâches récurrentes effectuées, et puis il y a tout ce qui relève de l’informel, tout ce qui ne concerne pas la photo mais qui la nourrit, qui la sert ou même la conditionne. Tous ces échanges qui peuvent paraître insignifiants mais desquels émergent des idées, se construisent les lignes de forces.
C’est à ces endroits qu’on va interroger notre réalité collective. Multiple et protéiforme, elle est toujours au service des projets, et de ses acteur.ice.s. Travailler en collectif c’est être à l’écoute des individualités mais aussi leur permettre de se dépasser pour faire advenir quelque chose de plus large, de plus global. Autrement dit, soutenir ensemble des projets individuels en les revendiquant comme représentant le collectif, et investir collectivement des problématiques pour construire et affirmer un propos commun.

Le livre Marche ou Rêve est un projet produit à plusieurs mains. À travers cette expérience particulière, les membres du collectif se sont relayés pour suivre la marche citoyenne et solidaire organisée par l’Auberge des migrants qui a traversé la France de Vintimille à Calais à l’été 2018. Un travail de plusieurs mois pour lequel aucun d’entre nous n’aurait pu individuellement libérer suffisamment de temps.
Au-delà de la continuité de production, le travail collectif a permis de faire émerger une écriture plurielle et complémentaire. Il a été l’occasion pour chacun.e d’expérimenter et de décaler son regard. Cette somme d’écritures individuelles, libres de contraintes, a enrichi la forme graphique et le fond narratif.

Une résidence de création à Johannesbourg est à l’origine d’une création collective d’un autre ordre. Partis pour documenter les disparités spatiales de la ville, Hugo Ribes, Jeremy Suyker, Paloma Laudet et Nicolas Leblanc ont arpenté un territoire fracturé et se sont posé la question de l’urbanité, au sens du caractère urbain d’un espace*, et de sa mise en image.
Une réflexion que nous avons voulu poursuivre collectivement en explorant nos archives, constituées d’une douzaine d’années de production photographique réalisée par dix photographes. Dans ce fond, nous avons puisé et assemblé des images, issues de reportages ou de productions plus personnelles, qui racontent la ville et ses usages.
Mettre ainsi en résonance à posteriori les points de vue de chacun.e a fait émerger une ville-monde chimérique révélatrice de la société contemporaine, à l’urbanisme codifié et se nourrissant d’un imaginaire collectif.

le 7 Mai 2018. La marche de solidarité pour les migrants traverse la France de Vintimille à Calais, sur 1400km. Marcheurs et migrants arrivent aux abords de Le Luc.

Marche ou Rêve, tous réunis pour témoigner.

Du 30 avril au 8 juillet 2018, plusieurs milliers de personnes, promeneurs d’un jour ou marcheurs d’un mois, militants convaincus ou simples curieux ont traversé la France de Vintimille à Calais pendant 70 jours.

Ce cortège est passé par plusieurs villes-étapes dont Nice, Marseille, Grenoble, Paris et Lille. Il a sillonné la campagne française, croisé des vaches et des moutons, franchi des lignes de trains et des rivières, des montagnes et des autoroutes. Des circonspects, des inquiets, des sourires, des questions, des chansons ont jalonné sa route. Chaque soir, après l’effort, c’était le moment d’échanger, de s’écouter, de comprendre.
Associés à cette action citoyenne, les photographes du collectif item ont suivi la marche, se relayant au fil des semaines. Chacun à sa manière raconte un chapitre de cette aventure humaine d’une frontière à l’autre au sein de cette Europe forteresse. Face à la crise contemporaine de l’accueil et de la solidarité, la marche s’est imposée comme une réponse au repli sur soi. Marcher pour partager, pour photographier, pour témoigner, pour rêver et s’éveiller.

Marcher ensemble pour aller plus loin, pour aller jusqu’au bout…

Exposition comme une ville aux archives de Lyon le 4 décembre 2023

Comm(e)une ville : Donner la parole à nos archives

Comm(e)une ville dresse le portrait d’un territoire urbain bâti sur nos archives. Une ville commune, construite sur des fondations collectives, celles de nos regards individuels, mis en dialogue. Les images que nous produisons pour aborder la question de l’urbanité, sont marquées par l’imaginaire collectif et la reproduction plus ou moins consciente de certains motifs. C’est en s’appuyant sur ces derniers que nous façonnons cette ville fictive, ou Dakar, Paris, Lyon, Le Caire, Berlin, Bogota, Bangkok ou Doha… deviennent des quartiers d’affaires ou de résidences, quartiers pauvres ou banlieues chics, lieux de culture ou de convivialité, espaces de travail ou place publique… pour témoigner d’une urbanité́ qui n’a de cesse de se déployer en nous interrogeant sur notre rapport à l’environnement et plus largement au vivant.
Les séquences s’enchaînent cinématographiquement, sans autre histoire que celle que l’on veut se raconter. Chacun construira la sienne en projetant sur nos images du réel, une fiction personnelle, dans laquelle les paysages deviennent des décors et ceux qui les habitent des personnages.
La cohérence visuelle de la construction fictive qui en résulte a été facilitée par une esthétique urbaine mondialisée (mobilier urbain, éclairages publics, enseignes commerciales…) et le contournement volontaire des monuments iconiques.
Entre fiction et réalité, cette approche nous permet de poser autrement les questions, tant concernant le sujet abordé que l’usage des images et leur lecture. Une recherche que nous poursuivrons dans les mois et les années à venir.

* L’urbanité renvoie, dans le sens courant, à une qualité d’individus se comportant de manière polie avec autrui et dans une deuxième acception, propre à la géographie, au caractère urbain d’un espace.

https://www.collectifitem.com

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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