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Pour sa première carte blanche, notre invitée de la semaine, l’artiste photographe, enseignante et commissaire d’exposition Catherine Rebois, nous présente l’exposition Re-présentation photographique, dont elle assure le commissariat, visible jusqu’au 18 juin à la galerie Topographie de l’Art. Il s’agit d’une exposition collective réunissant des artistes photographes contemporains, invités à faire dialoguer leurs œuvres autour du thème de la reprise.

Je conçois, depuis 2014, en plus de l’élaboration de mon travail artistique et photographique, une série d’expositions sur la photographie contemporaine, souvent expérimentale. Pour cette sixième édition de 2025 et une nouvelle carte blanche de Topographie de l’art, j’invite à exposer et à dialoguer des artistes photographes sur le thème de la reprise.

Avec : Eric Antoine, Patrick Bailly-Maître-Grand, Brodbeck & de Barbuat, Arina Essipowitsch, Marina Gadonneix, Laurent Lafolie, Isabelle Le Minh, Julien Merieau, Jean de Pomereu, Catherine Rebois, Lisa Sartorio, Pierrick Sorin, Laure Tiberghien, Joel Peter Witkin.

Vue générale de l’exposition, re présentation photographique, à Topographie de l’art, 2025.

re présenter c’est présenter une nouvelle fois. C’est faire un retour, une reprise. C’est une présentation qui en redouble une autre en y intégrant de nouveaux enjeux. C’est la volonté d’envisager une nouvelle interprétation, qui renouvèle et oblige le regard. C’est réfléchir sur ce qui s’est déjà présenté et sur ce qui pourrait se re présenter dans l’espace et dans le temps.

La photographie apparaît comme un terrain d’expérimentation privilégié du statut de la représentation. De l’épuisement du réel vers l’abstraction à la réalité de l’image virtuelle générée par un robot dit intelligent, l’ambition de cette exposition est de nous dévoiler comment les artistes photographes travaillent et envisagent cette question. re présenter prend-il encore les formes du réel et fait-il toujours référence  ? Dans tous les cas, la photographie fait appel à nos connaissances et à nos expériences, car re présenter c’est développer les qualités particulières d’un modèle ou plus exactement d’une idée. Le réel, ce n’est pas forcément ce qui se voit, «  le réel c’est ce qui déjoue le jeu  » écrit Alain Badiou « le réel c’est le moment où le semblant est plus réel que le réel dont il est le réel » c’est aussi, sans doute, envisager la réalité de ce qui n’est pas présent dans le visible de l’image photographique et qui s’incarne ou inspire autrement. Montrer pour induire ailleurs.

L’intérêt de la re présentation réside dans l’écart qui se crée et s’élabore entre l’origine qui fait référence et la nouvelle création. Voir et regarder impliquent donc de voir et regarder une seconde fois, de re considérer, de re penser et de re mettre en cause. Il y a ce que l’on regarde
et ce qui se révèle.

– Catherine Rebois, extrait du texte d’introduction du catalogue de l’exposition.

Vue de générale de l’exposition, re présentation photographique, à Topographie de l’art, 2025.

Éric Antoine fait un travail photographique sur verre. Il utilise le collodion humide pour sa précision, ses noirs profonds, sa densité argentée. Face à un spectateur en recherche de figuration, le rien devient tout, le négatif se mue en positif, la lumière dans sa forme la plus essentielle.

Cerveau XXXVI dark © Eric Antoine

Patrick Bailly-Maître-Grand explore la photographie comme un processus de révélation, à l’instar de la science. Son travail met en lumière le fait photographique, sa physique, à travers l’exploration de plusieurs techniques comme le daguerréotype, qui fixe l’image dans le détail, dans sa profondeur.

Grand sommeil © Patrick Bailly-Maître-Grand

Brodbeck & de Barbuat réalise une Étude sur l’intelligence artificielle et les mécanismes du souvenir » Ils proposent une relecture de l’histoire de la photographie à travers un corpus d’images générées par intelligence artificielle. En altérant la représentation historique, « Une histoire parallèle » souligne la nécessité d’un regard critique face aux images et aux récits qu’elles véhiculent.

Etude d’après Dorothea Lange. Migrant mother, California, 1936 / 2022 © Brodbeck & de Barbuat

Arina Essipowitsch transforme ses images en objets tangibles, manipulables, malléables, et invite le spectateur à s’approprier l’image, à habiter l’espace photographique et à en devenir un élément constitutif. Les tirages ont leur autonomie, cependant leur sens se prolonge dans les installations et performances filmées.

Roche Truffeau © Arina Essipowitsch / Adagp 2025

Les séries de Marina Gadonneix instruisent des énigmes photographiques images de laboratoires où sont reproduits et étudiés des phénomènes atmosphériques. Au plus près de la recherche qui interroge le monde, ses images ouvrent les frontières entre la fabrique de l’imaginaire et la production de la représentation, entre le document et l’illusion.

© Marina Gadonneix

Laurent Lafolie concentre ses recherches depuis une quinzaine d’années sur les mécanismes d’apparition et de perception des images. Il pousse l’expérimentation de la chimie, le choix des supports (washi, calque, soie, verre, céramique) et des processus de tirage (contact, platine, impression UV, estampe, émaillage, gravure laser) au rang d’enjeu artistique.

Point blank © Laurent Lafolie

Isabelle Le Minh a recours à la citation ou au détournement, ses travaux jouent avec les mots, les signes et les codes culturels, dans une veine conceptuelle et sensuelle. Hommages et références aux artistes et théoriciens de l’art, aux procédé comme ici à Henri Cartier Bresson dont elle gomme tout ce qui atteste d’un instant décisif sur une sélection de photographies.

© Isabelle Le Minh

Pour Julien Mériau chaque image pourrait se définir comme la conséquence d’une parole qui ne peut pas être formulée, inavouable ou scandaleuse. Ou encore, le résultat d’un poème effondré sur lui-même, mais qui aurait pris corps dans l’image.

Rue de Belleville © Julien Mériau

Jean de Pomereu, tout en puisant toujours son inspiration dans le monde antarctique, la série « échos » s’appuie sur la découverte d’archives de photographies aériennes de l’Antarctique prises pendant la guerre froide. Destinées à des fins scientifiques et cartographiques cette nouvelle série explore au contraire l’idée que rien sur terre n’échappe véritablement à l’empreinte humaine. (Lire notre entretien avec le photographe)

© Jean de Pomereu

Pour Catherine Rebois, chaque image devient une tentative, un laboratoire où la perception est remise en question, où épaisseur et profondeur deviennent de la matière à réfléchir, à redéfinir et à réinventer. Une façon d’explorer l’image. Il s’agit aussi d’éprouver et d’habiter l’espace.

re pli 100 x 67 cm © Catherine Rebois / Adagp

Lisa Santorio explique que dans son travail en général, la défiguration lui permet de redonner du sens et de la visibilité à l’image que l’omniprésence rend absente et devient alors une force de création qui bouleverse et réanime les formes stratifiées du sens, De la défiguration à la trans-figuration par l’hybridation, cette mutation artistique se pose tel un souffle réparateur.

Dianthus Plumarius © Lisa Santorio

Pierrick Sorin propose ici une construction poético-inventive. Elle joue sur une interaction à double sens entre image et réalité. L’image agit sur la réalité et la réalité agit sur l’image. Ce dispositif, ce bricolage, somme toute assez amusant, met à jour le processus de création d’un effet visuel car les processus sont poétiques.

© Pierrick Sorin

Pour Laure Tiberghien le papier photographique n’est pas seulement le lieu où la lumière agit, mais aussi celui où se matérialise le contact de l’image avec le monde. Elle souligne aussi l’incidence forte du type de support sur le rendu et la part de hasard inhérente au processus qu’elle aime guetter et amplifier.

Gradation 11 © Laure Tiberghien

Joel-Peter Witkin est un artiste hors norme. Hors norme, c’est également le cas de nombre des modèles qui ont la préférence de cet artiste. Il accorde une grande importance au processus de tirage – acte de création par excellence, la dimension matérielle de la photographie revêtant pour lui une valeur artistique véritable et fondamentale.

Alternates for Muybridge, San Francisco, 1984 © Joel-Peter Witkin

“re présentation photographique“ à Topographie de l’art jusqu’au 18 juin
Un commissariat de Catherine Rebois.
Un catalogue a été édité à cette occasion par La Manufacture de l’Image

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu17avr(avr 17)14 h 30 minmer18jui(jui 18)18 h 30 minre présention photographiqueExposition collectiveTopographie de l'art, 15 rue de Thorigny 75003 Paris


F. 01 40 29 44 28
P. 06 43 86 01 11
https://www.topographiedelart.fr

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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