Marion Bartel a exercé comme photographe pour la presse avant de ressentir le besoin d’arrêter la profession. En 1997, un an avant la fin de ses études, alors qu’elle est en voyage, elle apprend par un appel téléphonique le suicide de son père. Cette violence de la perte dans des circonstances très difficiles la fragilise. Marion Bartel a essayé de survivre à cette « déflagration » – l’un des termes qui définit son projet photographique Trésor Dormant – par la création d’images.
Une pratique spontanée de la photographie
Son père est Jean-Marie Bartel, co-responsable de 1976 à 1985 de la Page des Lecteurs à Libération – rubrique qu’il a fondée. Il participait aux comités de rédaction et a croisé sur deux décennies de nombreux photographes et journalistes. Marion Bartel a baigné dans la rédaction de Libé pendant son enfance et sa jeunesse.
Son père a eu un rôle déterminant dans son parcours de photographe. A quatorze ans, il lui offre son premier appareil de photographie. Il perçoit son talent, et lui conseille l’Ecole Nationale des Arts Visuels de La Cambre à Bruxelles. Son Mémoire sur le thème de l’Ailleurs obtient à l’unanimité la plus haute distinction. Cette étude a inspiré sa série Portraits de ville. Marion Bartel s’est aussi intéressée aux ouvriers et a réalisé la série Exercice de style, sur la mode.
Marion Bartel a principalement travaillé pour Télérama et Libération. Dès le début de ses activités professionnelles, les souvenirs sur son père lui sont rappelés, car il était très apprécié. Après une période de dix années, elle a choisi de s’éloigner du métier de photographe. En parallèle, elle a continué une pratique spontanée de la photographie, sans jamais regarder cette collection d’images. Au quotidien, elle gardait cette capacité à s’émerveiller, pour mieux tenir.
En 2022, Marion Bartel est revenue à ses photos, plus de huit mille. Le projet Trésor Dormant est une immense mosaïque d’instants.
« Arracher une dimension poétique à l’existence »
La photographe a réalisé des tableaux d’images auxquels sont associés les mots de cette longue période de deuil. Dans un texte très fort – chemin de lecture de son œuvre -, elle intègre ces mots-titres. Certains sont pleins de vie et de résilience, d’autres relèvent de l’intime, d’une extrême souffrance.
Dans son approche artistique, les mots ont une importance centrale et entrent en résonance avec cette « photographie poétique et décorative ». Les prises de vue sans montage et retouches bénéficient de cadrages particulièrement réussis. Marion Bartel effleure la matière. Ce peut être un bout de route qui par son grain devient beau, un bâtiment géométrique, des détails à l’apparence anodine. L’abstraction peut naître avec des reflets, de la forme et de la couleur, des perspectives ou une dimension d’intériorité.
Marion Bartel est restée fidèle à son art, à ces moments de respiration. Elle a tenté – en référence à une citation de Nietzsche – « d’arracher une dimension poétique à l’existence ». Les images ont été mises à distance près de quinze ans. Elle les redécouvre, les assemble même si chaque photo peut se contempler indépendamment.
L’exposition éphémère à Paris du 12 juin 2025 constitue une première étape de restitution. Chaque tableau était accompagné d’une image en grand format. Un nuage de mots invitait à l’imaginaire. Une seconde exposition d’une nouvelle variante de ce projet aura lieu pendant la semaine de Paris Photo.
Marion Bartel participe également à la semaine professionnelle des Rencontres de la photographie à Arles. Du 7 au 11 juillet 2025, elle présentera Trésor Dormant à une quinzaine d’intervenants, pour le prix Photo Folio Review.
Fatma Alilate