C’est lors du festival des Rencontres d’Arles en 2024 qu’est annoncée la création d’un réseau de festivals et foires photo : LUX. À peine quelques mois plus tard, le réseau organise un événement dans la capitale, à l’occasion de Paris Photo. Un succès immédiat. Aujourd’hui, LUX réunit 31 structures, et ce sont Sylvie Hugues et Marion Hislen, respectivement Présidente et Secrétaire générale, qui ont répondu à nos questions.

Les membres du réseau LUX © Lux

Ericka Weidmann : Comment est née cette nécessité de fédérer les festivals et foires de photographie ?

Marion Hislen : Les directrices et directeurs de manifestations et lieux photo en Île-de-France ont été convoqués pour organiser la relance du Mois de la Photo, et à la Mairie de Paris, ils se sont étonnés qu’il n’existe pas de réseau associé à nos métiers. En sous-entendu, si nous nous fédérions, nous pourrions plus facilement nous voir confier la gestion de cet événement (ndlr : dont la dernière édition date de 2017). Et c’est vrai que lorsque j’étais au ministère de la Culture, il était nécessaire d’avoir un interlocuteur unique face à des problématiques de métiers. Or, les festivals de photo, c’est un métier, avec des spécificités. Je me suis donc dit qu’il était temps que les festivals et les foires aient leur réseau. J’ai appelé Sylvie pour lui proposer de faire partie de l’aventure, et tout s’est mis en place très rapidement. Nous n’avions pas le choix : il fallait aller vite, car avec les municipales de 2026 en ligne de mire, il fallait initier un premier événement dès 2024 pour espérer relancer le Mois de la Photo en 2026. On s’est lancées, mais finalement nous n’avons pas remporté l’appel à projets. Cela dit, tout cela nous a mises sur de bons rails. Nous sommes un peu des suiveurs, parce que nous arrivons après tout l’indispensable travail réalisé par le réseau Diagonal (ndlr : réseau de structures françaises qui produisent et diffusent des images). Aujourd’hui, tout le monde est convaincu de l’action positive de Diagonal et du bien-fondé de faire partie d’un réseau. Nous n’avons donc eu aucune difficulté à recruter nos membres.

© Hoda Afshar Untitled #6 (from In Turn series). Festival Les Mesnographies (membre du réseau LUX) actuellement présenté au MAC de Créteil

E. W. : Comment s’est passé votre lancement à Paris en novembre dernier ?

Sylvie Hugues : Cet événement a rencontré un énorme succès. On ne s’y attendait pas. C’était un pari un peu fou. Marion a lancé l’idée d’organiser une exposition et une fête pendant Paris Photo, grâce à un budget qu’elle avait obtenu dans le cadre du programme Mieux produire, mieux diffuser du ministère. Nous avons sollicité l’ensemble du réseau pour organiser l’événement. L’idée était aussi de mettre en application nos valeurs : mutualiser nos moyens, faire circuler les expositions, et cela dans un esprit d’éco-responsabilité. Nous nous sommes occupées de l’aménagement, et chacun est venu occuper son espace. C’était inédit de réunir tous ces événements dans un même lieu, au même moment. Il y a eu un engouement incroyable. Nous avons beaucoup travaillé sur notre communication, et nous avons accueilli plus de 9 000 personnes dans un lieu qui n’était pas identifié comme un lieu de photographie. Des animations ont été organisées pendant toute la durée de l’événement. Ça a été un flot ininterrompu de visiteurs. Nous n’avions pas mesuré cela au départ, mais cela a permis de lancer le réseau de manière prodigieuse.

E. W. : Etait-ce aussi une manière concrète pour que chaque festival se rencontre ?

S. H. : Oui, tout à fait ! On s’était un peu croisés à Arles l’été précédent, mais se retrouver tous ensemble, c’était formidable. J’ai d’ailleurs été très émue d’entendre Vincent Bengold, du festival Les Itinéraires des photographes voyageurs, nous dire : « Si vous n’aviez pas créé le réseau, je pense que j’aurais jeté l’éponge. » Cela a redonné une vraie dynamique. Nous avons commencé à travailler ensemble, à mieux nous connaître, à réaliser que nous partagions les mêmes problématiques et que nous pouvions mutualiser des moyens, échanger des expositions, mais aussi des informations, ne serait-ce que sur des questions de droits d’auteur, etc.
Le réseau LUX réunit 31 structures, quels sont vos critères d’adhésion ?

S. H. : La première condition fondamentale, c’est le respect du droit d’auteur. Cela peut sembler évident, mais ça ne l’est pas pour tout le monde. Nous avons à cœur de professionnaliser nos métiers. C’est une spécificité française d’avoir une telle richesse de manifestations photographiques, avec de grandes structures mais aussi de toutes petites. Beaucoup ont vu leur événement prendre de l’ampleur sans avoir eu l’occasion de se former.

M. H. : Nos critères reposent sur la solidarité et la bienveillance entre les membres. Nous rassemblons des manifestations qui portent les mêmes valeurs : soutenir et faire rayonner la photographie.
Il y a une forte dimension d’éthique sociale, de solidarité et d’éco-responsabilité. L’éthique sociale, c’est bien sûr à l’égard des photographes : les droits d’exposition doivent être facturés, et nous refusons toutes les contreparties financières comme les dons d’œuvres par exemple. Pour les équipes, il y a un engagement de partage des savoir-faire afin de faire monter en compétence stagiaires et bénévoles. Nous nous formons régulièrement afin de partager nos compétences. L’an dernier, nous avons suivi une formation sur l’éco-responsabilité, l’éco-conception et le réemploi des cimaises, etc. Cette année, nous allons en suivre une sur les VHSS (ndlr : Violences et Harcèlement sexistes et sexuels). Ces deux formations sont obligatoires pour obtenir certaines subventions. Mais un petit festival avec 30 000 € de budget et une équipe réduite n’a pas toujours le temps ni les moyens de les suivre. Le réseau permet donc de remettre tout le monde à niveau.

© Sandra Matamoros. Biennale de l’Image Tangible de Paris 2025 (membre du réseau LUX)

E.W. : Comment vérifier qu’une structure respecte bien les critères ? Et que ce passe t-il, si par exemple ils ne paient finalement pas les droits d’auteur ?

S. H. : L’année dernière, un festival a quitté le réseau parce que nous avons appris qu’il ne respectait pas la charte. Nous avons un bulletin d’adhésion très détaillé sur toutes ces questions. C’est aussi pour cela que je parle de l’importance de la professionnalisation. Ce n’est pas forcément par malhonnêteté ; certaines personnes ne sont simplement pas suffisamment informées. C’est à nous de leur montrer les bonnes pratiques. Cela permet à certains de faire évoluer leurs méthodes.

M. H. : Pour les nouveaux arrivants, nous organisons des entretiens pour mieux comprendre la politique du festival et la manière dont ils rémunèrent les artistes. On ne peut pas juger tout le monde de la même manière : certaines structures ont de faibles moyens, elles paient les artistes et assurent leur hébergement, mais ne peuvent pas toujours prendre en charge le transport. On voit qu’elles vont dans la bonne direction et que leur éthique sociale n’est pas mauvaise.

Fred Froument, Camera Calda : Débâcle, tirages photographiques argentiques enfermés dans des blocs de glaces suspendus, dimensions variables. Biennale de l’Image Tangible de Paris 2025 (membre du réseau LUX)

E.W. : Que mettez-vous en place concernant la circulation des expositions ?

S. H. : Depuis l’exposition à Paris, cette dynamique de partage a vraiment été créée. Nous avons commencé de manière empirique, en partageant des expositions sur un serveur commun. Certaines circulent déjà, et le réseau a permis des opportunités : nous avons, par exemple, permis à deux structures du réseau d’exposer à l’occasion du Parlement de la Photographie au Palais de Tokyo en juin dernier. Pour le moment, nous n’avons pas encore d’outil qui nous permette de gérer toutes les productions pour un partage optimal.

E.W. : Quels sont vos plus grands défis au sein du réseau ?

M. H. : C’est justement de développer les échanges autour des expositions et d’anticiper leur circulation. J’aimerais notamment homogénéiser tous les formats des expositions en extérieur. Aujourd’hui, c’est difficile, alors que ce sont celles qui coûtent le plus cher à produire et qui pourraient voyager facilement. Nous avons par exemple eu six expositions en extérieur qui ont été détruites parce qu’elles ne pouvaient pas être réutilisées. C’est du gâchis ! Pourquoi ne pas avoir un format type pour toutes les expos en extérieur, qui permettrait de les transporter facilement et de les présenter ailleurs ?
Un autre défi, c’est l’intelligence artificielle. Nous devons être solidaires sur ces questions. Dernièrement, j’ai invité Thierry Maillard, directeur juridique de l’Adagp, à une de nos réunions : il est formidable pour expliquer tous les enjeux de l’IA. Cela nous permet de comprendre les défis des dix prochaines années et de nous positionner. Aujourd’hui, pour protéger les œuvres, il est possible de faire un opt-out (ndlr : refuser que ses données soient utilisées par l’IA). Notre idée est que le réseau, dans son ensemble, puisse s’assurer que tous les sites Internet aient mis en place cet opt-out. C’est un acte militant, cohérent avec le respect du droit d’auteur et nos valeurs.

E.W. : Quels sont vos actualités à venir ?

S. H. : Nous avons deux projets importants dans le cadre du Bicentenaire de la Photographie. Le premier, c’est une caravane itinérante : un laboratoire argentique mobile, géré par le collectif Trigone (Lum Festival), qui visitera tous les membres du réseau LUX en 2026 et 2027, et que chaque festival pourra utiliser à sa guise. Le second, c’est la publication d’un abécédaire amoureux de la photographie. Chaque membre choisira une lettre pour représenter un mot de l’histoire de la photographie, en lien avec une de ses expositions ou un de ses photographes exposés. 
Ce sont deux beaux projets de cohésion et de solidarité entre les membres

LES FESTIVALS DU RÉSEAU EN COURS

jeu06nov(nov 6)10 h 00 mindim30(nov 30)19 h 00 minPhotoSaintGermain 2025 OrganisateurPhotoSaintGermain

lun03nov(nov 3)10 h 00 mindim30(nov 30)19 h 00 minPhoto Days 2025 OrganisateurPhoto Days

jeu30oct10 h 00 mindim30nov19 h 00 minBiennale de l’Image Tangible de Paris 20253ème édition Organisateurbit20--paris

sam20sep(sep 20)13 h 00 minven19déc(déc 19)18 h 30 minLes MesnographiesMAC - Maison des Arts de Créteil, 1 Place Salvador Allende, 94000 Créteil

sam18oct(oct 18)10 h 00 min2026dim04jan(jan 4)19 h 00 minPLANCHES CONTACT 2025Le Festival de Photographie de DeauvilleFestival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville

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Cet entretien a été publié dans le numéro #384 de Réponses Photo

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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