Pour son projet sur la dentelle normande, Amélie Chassary s’est appuyée sur la photographie, la peinture et la poésie. Ô Dentelles est le titre de son poème et de sa série réalisée en création artistique pour Planches Contact Festival de Deauville, dans le cadre d’une Bourse photo4food. Au Point de Vue, Amélie Chassary expose cinq images dans la continuité du geste de la dentellière qu’elle reconstitue par le pinceau. A la plage, ce sont des pièces de collections qui sont à découvrir dans un jeu de perspectives avec la mer et les œuvres voisines des trois autres artistes de la Fondation photo4food. Amélie Chassary souhaite développer son travail sur la dentelle sur d’autres territoires de France, et publier un livre.

Fatma Alilate : Pour votre sujet sur les dentelles normandes au Point de Vue, vous avez indiqué que pour chacune des créations, vous étiez passé de la photographie à la peinture. Et que vous aviez réalisé un exercice de performance pour vous inscrire dans le geste de la dentellière.

Amélie Chassary : Pour mon projet Ô Dentelles, j’ai vraiment eu envie de traiter les motifs que l’on retrouve dans les dentelles. Après avoir découvert des trésors de dentelles très anciennes, et étudier le geste de la dentellière, j’ai ressenti le besoin de m’approprier ce geste. J’ai réalisé des petites compositions avec des végétaux, en essayant d’être au plus proche de ce que je voyais dans les motifs de dentelles, des robes et des parures. J’ai photographié mes compositions végétales et ensuite j’ai essayé de retracer le chemin du fuseau et du fil mais avec un pinceau très fin et de la gouache. C’est une performance parce que je ne savais pas du tout vers quoi je m’aventurais en me lançant dans ce genre de technique picturale. Et évidemment, ça a été assez difficile parce que c’est un travail très délicat, très fin et surtout qu’on ne peut pas se tromper. On ne peut pas repasser au pinceau, ni effacer la gouache. Donc j’ai recommencé plusieurs fois et avec beaucoup de lenteur et de silence. Et au final, je pense que cette approche-là, en plus de la photographie, me permet d’être au plus près de mes sujets.

Coiffe © Amélie Chassary

FA : A la plage, vos photographies présentent des pièces de collectionneurs privés. Par votre travail, vous avez découvert un patrimoine lié à la dentelle normande. Que vous ont apporté ces rencontres avec ces passionnés qui essayent de faire perdurer un savoir-faire très ancien ?

AC : J’ai eu beaucoup de chance quand je suis arrivée à Deauville pour la première session de la résidence. J’avais répertorié quelques listes de collectionneurs ainsi que les musées qui ont des pièces de dentelles. Et j’ai eu la chance d’être en contact avec un couple de passionnés, très généreux. Ils m’ont permis de réaliser ces photos parce qu’ils ont accepté de sortir de leur coffre des éventails très anciens, très fragiles. Ils m’ont transmis leur passion, il y a eu un vrai partage très humain et très artistique. Et aussi, j’ai eu l’impression d’apprendre quelque chose et de m’enrichir, de ne pas juste photographier des pièces anciennes, mais de montrer quelque chose de très précieux. Il y a des amoureux du savoir-faire – ces personnes-là sont un peu à part, dans leur monde -, et dès qu’on va les voir, ils sont très touchés, très sensibles qu’on s’intéresse au même sujet. Je pense que si je n’avais pas rencontré ce couple, je n’aurais pas pu aborder mon projet de la même façon.

FA : Votre exposition est le début d’un projet, vous souhaitez continuer à découvrir différentes dentelles en France, et même publier un livre.

AC : Au départ, quand j’ai démarré le projet, je souhaitais me concentrer sur la dentelle normande. Mais quand j’ai compris la richesse de ce patrimoine, j’ai vraiment ressenti le besoin d’aller plus loin et surtout j’ai l’impression d’avoir fait un tout petit bout de ce que la Normandie peut m’offrir. Et ne parlons pas de ce que je peux découvrir en France. Donc c’est vraiment grâce à cette résidence, que je vais pouvoir aborder un projet au long cours. J’ai envie d’apporter un regard très personnel, artistique et un peu documentaire. J’ai fait un livre d’artiste mais pas un livre sur un projet au long cours. J’aimerais bien qu’avec ce projet ça se fasse parce que je trouve que ça a du sens. J’ai envie de prendre mon temps, que ce soit élégant, poétique et délicat.

Éventail © Amélie Chassary

FA : Donc en fait, vous souhaiteriez approfondir cette première expérience. Au niveau de votre approche, il y a la photo, la peinture et vous avez rédigé le poème Ô Dentelles.

AC : C’est mon premier poème. Ça me donne envie d’explorer cette façon de parler de la photographie, de la peinture et des sensations que ça procure par la poésie. Ça fait longtemps que j’avais envie d’associer la littérature à mon travail et particulièrement la poésie. J’ai un peu fait depuis 2018. Pour mes Natures mortes de fruits et légumes, j’ai donné à chaque fois un sous-titre un peu énigmatique avec des jeux de mots, des haïkus. En tout cas, je suis contente d’introduire de la poésie dans ce projet.

Dentellière © Amélie Chassary

FA : Que retenez-vous de votre résidence artistique au Planches Contact Festival ?

AC : Ce que j’ai trouvé très intéressant c’est qu’étant donné que j’ai un processus de création assez lent, là, c’était en fait assez court. Donc, il faut se faire un peu violence pour avancer vite et bien. Peut-être oser des choses que je n’aurais pas osé, et sortir aussi d’un confort artistique. J’ai exploré une nouvelle façon d’aborder la composition, la Nature morte et des sujets. Cette résidence m’a vraiment permis d’oser me faire confiance. J’ai été entourée de personnes bienveillantes, professionnelles. Je me suis sentie en confiance et pas mal jugée. Ils respectent les travaux de chacun, les personnalités, c’est une grande force de cette résidence.

– Propos recueillis par Fatma Alilate

INFORMATIONS PRATIQUES

sam18oct(oct 18)10 h 00 min2026dim04jan(jan 4)19 h 00 minPLANCHES CONTACT 2025Le Festival de Photographie de DeauvilleFestival Planche(s) Contact, 143 Avenue de la République, 14800 Deauville


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Fatma Alilate
Fatma Alilate est chroniqueuse de 9 Lives magazine.

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