L'Invité·e

Carte blanche à Klavdij Sluban : Tilyen Mucik, Femme photographe slovène

Temps de lecture estimé : 5mins

À l’occasion de sa carte blanche, le photographe français Klavdij Sluban a choisi une dizaine de femmes photographes slovènes qu’il nous présentera chaque jour. Aujourd’hui, nous découvrons la série « Shrubs » (Buissons) de la jeune artiste de 25 ans Tilyen Mucik. Actuellement à l’Académie des beaux-arts de Ljubljana. Dans ce travail, Tilyen redonne du végétal et l’organique à la surface photosensible. Chaque jour, jusqu’à vendredi, et grâce à notre invité, nous consacrerons un ou deux portfolios à ces femmes photographes slovènes qui luttent pour exister.

Tilyen Mucik née à Ljubljana (Slovénie) termine actuellement un Masters en photographie à l’Académie des Beaux-arts de Ljubljana.
Représentée par la galerie Galerija Fotografija, elle fait partie de ces jeunes artistes qui commencent à trouver de la place, voire leur place, sur une scène nationale peu généreuse envers les jeunes générations.

C’est le mérite de Barbara Čeferin, directrice de Galerija Fotografija qu’elle a fondée en 2003, que de prendre des risques. Sa galerie est la première galerie privée en Slovénie dédiée uniquement à la photographie d’auteur. Slovènes ou internationaux-ales, célèbres ou non, une seule règle, qui d’ailleurs est plus qu’une règle, c’est une manière de vivre, Barbara Čeferin se bat pour la qualité. Grâce à cette conviction intime Galerija Fotografija est devenue une référence pour son éclectisme et la pertinence des artistes représenté·es,
notamment les photographes slovènes.

Le monde végétal fait partie intégrante de la création artistique chez Tilyen Mucik. Ses différents cycles en témoignent : Shrubs , Still Life, Flora Femina, Soul Garden, Herbarium…et ses références et sources d’inspiration sont tout aussi liées à la nature : Karl Blossfeldt, pour son inventaire des formes et des structures végétales fondamentales, Anna Atkins, botaniste britannique, qui a réalisé des cyanotypes d’herbiers. Elle serait même la première femme à avoir réalisé une photographie. Des artistes utilisant l’art comme forme expérimentale de l’impact, et du pouvoir, de la matière végétale sont également déclencheurs d’inspiration chez Tilyen Mucik : Seung-Hwan Ho, cultivant de la moisissure sur ses films ou bien Sophie Tiller qui introduit des parasites dans des livres pour documenter la lente évolution du parasite sur cette matière noble du savoir.

Avec une conviction profonde issue d’une passion, le monde de Tilyen Mucik est un vaste jardin qu’elle porte en soi et qu’elle aime à partager.
D’ailleurs, en ces temps de pandémie mondiale, elle a crée avec
une amie un magasin en ligne qui vend…des plantes. Parce qu’elle est
convaincue que par les temps qui courent, mieux vaut bien être
entouré.

La série Shrubs / Buissons est par-delà la tentative toujours échouée de reproduire le réel par l’image, un hommage à la végétation.
Il ne s’agit plus de reproduire scientifiquement chaque espèce mais bien de rendre palpable l’âme nichée au sein de chacune de ces formes, inanimées pour qui n’est pas en symbiose intime avec la nature.

Pour traduire cette perception organique du végétal, Tilyen Mucik n’hésite pas à s’attaquer à la matière. Tout d’abord l’utilisation de supports photographiques variés mais aussi de films périmés, qui pour certains sont plus âgés qu’elle, précise l’artiste. D’un côté le travail sur le médium et ses composantes techniques, mais de l’autre, utilisation d’un savoir de botaniste autodidacte appliqué à la technique photographique.
L’artiste –laborantine-inventrice expérimentale fabrique des émulsions à partir de racines et de fruits, tels le chou rouge, la betterave, les myrtilles, les épinards… le tout est exposé au soleil puis appliqué comme une émulsion chimique classique.
Le but n’est plus la représentation de la forme végétale mais la perception organique. Tant du côté de la créatrice que de celui du regardeur.

Triturer pour mieux faire sentir.
Selon les statistiques officielles nationales, il y aurait « moins de cinq personnes » portant ce prénom en Slovénie. A la question de quelle était l’origine de son prénom, Tilyen Mucik répond que ses parents « un peu spéciaux, se seraient amusés avec les lettres de l’alphabet ».

Et pourtant, tout angliciste féru d’étymologie et de old English, vous dira que le hasard n’existe pas. Le verbe to tilyen exprime les diverses manières de cultiver le sol, préparer la terre avant semence, labourer, travailler, préparer, planter…afin que ça pousse mieux.

To tilyen:
1. To  cultivate  or  ready  soil for planting; to  till .
2. To  plough  soil; to make indentations in it with a plough.
3. To grow or  nurture  agricultural  produce  or any other  plant .
4. To create a  conducive  environment for; to  nurture .
5. To  attempt ,  labour  towards,  aim  for
6. To  struggle  for;  labour  for; perform work for.
7. (rare) To  open  up land for future tilling; to clear land.
8. (rare) To  rid  of or eliminate disease or illness.

En savoir plus
https://www.tilyenmucik.com/

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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