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Partager Partager Temps de lecture estimé : 6minsSi le 8 mars est la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, c’est tout le mois mars qui est devenu au fil des années, une période importante pour le combat des femmes. Frédéric Martin a souhaité donner de la visibilité aux femmes photographes mais également aux éditrices des maisons d’édition. Durant tout le mois de mars, il partagera avec nous des chroniques de livres qui se conjuguent au féminin pluriel. On poursuit ce rendez-vous éditorial avec « La première nuit est toujours blanche » publié en 2021 par les Éditions Isabelle Sauvage avec les photographies d’Anne Desplantez. « Et toi quel est ton hapax ? » pourrait être le sous-titre du livre d’Anne Desplantez La première nuit est toujours blanche. Paru aux éditions Isabelle Sauvage, cet ouvrage est le fruit d’une résidence menée en 2020 à l’ancienne poste de Plounéour-Ménez. © Anne Desplantez Anne est allée, microphone et appareil photo en mains, à la rencontre des habitants des monts d’Arrée, avec cette question de fond : à quel moment votre vie a basculé, a été bouleversée au point qu’il y a eu un avant et un après (c’est toute l’essence de la notion d’hapax, qui, précisons-le, n’est pas inhérent qu’aux changements négatifs : une naissance est un hapax autant qu’un décès). Mais sa recherche ne s’arrête pas à cette documentation, puisque par ses images, elle part en quête d’une autre réalité, quelque chose à la frontière du tangible, comme si les mots et les photographies formaient une nouvelle histoire poétique et en équilibre. Couverture de l’ouvrage « J’ai une maladie des bronches qui s’est déclenchée une nuit, un bizutage violent, un choc émotionnel. » Une adolescente pince entre ses lèvres le bijou qui pend à son cou, ses doigts se touchent dans un geste d’une timidité bouleversante ; plus loin le vert de la pendeloque se retrouve dans les arbres noyés de pluie, avec cette impression que l’image est en larmes. « Moi c’est le souvenir de Noël. » Il y a des chevaux et la lande sous un ciel gris, une femme qui grimpe un escalier dans sa robe de mariée. Un bras, des fleurs, des jambes, l’eau. Tout un monde immense qui se déploie devant nos yeux et ses habitants, minuscules, et pourtant si présents. « Tu penses que tu reviendras un jour dans ton pays ? » © Anne Desplantez Qui parle ? A qui ? Quand ? Où ? La première nuit est toujours blanche est un ouvrage de grande délicatesse qui, au-delà du questionnement sur l’hapax (et sur nos hapax) invite à réfléchir sur ce qui nous entoure et ce qui le structure. Ce qui nous structure… De quoi sont faîtes nos existences ? Parce que chacune d’elle par son unicité donne naissance à un en-commun plus vaste et plus large. Il y a ce jeune homme qui a dû fuir son pays à cause de la pauvreté ou de la guerre. En quoi est-il si différent de cette femme que les hommes quittaient plutôt que de l’aimer ? Dans les deux cas il y a rupture, séparation, fuite. Et pourtant chacun se recrée dans cet univers, dans cet espace breton, au milieu d’une nature partagée. On s’aime dans le livre de Anne Desplantez, et même si on se quitte, parce qu’on est trop jeune pour vraiment croire à la vie à deux, on continue à avancer, à vivre, à rêver. La nuit est blanche, certes, mais parce que cette nuit là ne peut qu’être sans sommeil, lumineuse et créatrice d’autre chose. © Anne Desplantez Et petit à petit, le récit prend une forme polyphonique, chorale, comme les échos de toutes les voix entendues, de toutes les choses vues. Qui parle ? Anne ou bien Fanny ou Lucie ou une autre personne ? Peu importe. Tout comme les lieux n’ont pas vraiment de nécessité géographique. La première nuit est toujours blanche, pourtant, elle, fonctionne presque comme un rêve. Celui de toutes les existences, des voix de la photographe-poétesse, de ceux tristes ou joyeux qui parsèment le récit de leurs mots, de leurs visages. On se perd et on se retrouve, on se cherche et on se rencontre dans cet ouvrage inclassable. Mais surtout on se rend compte que tous nous avons des lieux au cœur, des histoires qui nous construisent, des ruptures inouïes de chagrin et des joies infinies. © Anne Desplantez Enfin, il y a ce moment d’équilibre. Les chants sont installés, le récit et le décor sont plantés. Certes, nous ne savons pas trop où nous sommes, mais qu’importe, nous ne sommes plus ou pas seuls et par la magie de l’image et de mots nous sommes réunis. On s’installe dans les existences, à la recherche d’un autre souffle, d’une autre trajectoire à suivre. Demain, un autre jour, il y aura certainement de nouveau une rupture, un bouleversement, la vie est un trampoline, ainsi faîte qu’elle nous bouscule toujours. Mais est-ce si grave ? Parfois oui, souvent non. Dehors, l’eau et les pierres seront toujours là, les nuages et le lierre. Anne Desplantez nous aura mené dans ces territoires, dans la poétique de ces espaces et nous pourrons nous y réfugier pour comprendre que nous ne sommes définitivement tous réunis. INFORMATIONS PRATIQUES 104 pages, 15 x 19 cm 54 photographies couleur Parution : septembre 2021 ISBN : 978-2-490385-24-9 22€ https://anne-desplantez.fr/ https://editionsisabellesauvage.fr/ Biographie Anne Desplantez, née en 1973, vit et travaille à Toulouse. Après un doctorat en biomédical et une expérience de huit ans dans l’ingénierie à Toulouse, elle quitte ses fonctions en 2009 pour se former en photographie. Depuis 2010, elle multiplie les expositions de son travail et mène de nombreux projets de création construits sous forme d’art en commun, mêlant les mots et les images, cherchant à interroger au plus près ces vies qui nous échappent.Suite à une résidence dans le Couserans (Ariège), son premier livre, Tu connais ses silences, a été publié en 2019 aux éditions Photopaper. Son second livre, La première nuit est toujours blanche a été publié aux éditions Isabelle Sauvage en Octobre 2021. Favori6
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