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Pour cette nouvelle édition qui s’ouvrira le 9 octobre prochain, le festival photo InCadaquès dévoile les noms de ses lauréat·es. À la suite d’un appel à candidatures international, deux lauréates ont été sélectionnées et trois mentions spéciales attribuées. La lauréate de l’Open Call est Valentina Sinis, accompagnée de trois mentions spéciales : Ayline Olukman, Emilia Martin et Francisco Gonzalez Camacho. Un prix spécial de la photographie féminine est également décerné à la photographe japonaise Lieh Sugai.

Lauréate de l’Open Call : Valentina Sinis

A child in the courtyard of an elementary school. Since the Taliban returned to power, girls are only allowed to study up to the sixth grade and cannot be in mixed classes. An exception is made if there are many boys, allowing mixed classes only up to the third grade. Afghanistan currently stands out as one of the countries with the highest levels of gender-based violence globally, a situation exacerbated by the oppressive decrees of the Taliban and deeply rooted patriarchal norms that deprive women of social privileges, autonomy in decision-making, and control over their assets and resources. The Taliban have progressively eroded the safeguards against gender-based violence, including the dismantling of the judicial system that previously enabled female judges, prosecutors, and lawyers to advocate for women’s rights.
Were Afghan Women to Unveil Their Tales
© Valentina Sinis

La photographe documentaire italienne Valentina Sinis est nommée lauréate de cette 9ème édition avec sa série « Were Afghan Women to Unveil Their Tales » qui met en lumière les inégalités que subissent les femmes afghanes sous le régime des talibans. Une série déjà primée aux Istanbul Photo Awards.
Soixante-dix, c’est le nombre de restrictions qui leur ont été supprimés : droits à l’éducation, au travail, aux soins de santé et à la liberté de mouvement… Ces restrictions, profondément ancrées dans la vie publique et privée, créent un environnement de privation et de contrôle systémique. Par une résistance discrète et des actes de courage, les femmes afghanes défient l’oppression et préservent leur identité. Ce projet met respectueusement en lumière leurs luttes, leur résilience et leur espoir inébranlable d’un avenir meilleur.

A group of young girls in an elementary school classroom. Since August 2021, the Taliban have methodically stripped women and girls of their access to education in Afghanistan, imposing increasingly severe restrictions. The ban on girls attending secondary schools was implemented in March 2022, followed by a suspension from universities in December of the same year. By January 2023, the Taliban intensified their oppressive measures by forbidding girls from taking university entrance exams, effectively reversing any progress that had been made, including instances in some provinces where girls had higher examination participation rates than boys.
After completing their education, the majority have no other option but to stay at home and wait for an arranged marriage. Their ability to work outside of the fields of health and education is virtually nonexistent. The combined impact of the Taliban’s edicts and actions has effectively confined women to their homes, leading to their virtual imprisonment.
Were Afghan Women to Unveil Their Tales
© Valentina Sinis

Valentina Sinis est une photographe documentaire qui se concentre sur des histoires uniques et inhabituelles, capturant souvent des personnes et des communautés vivant en marge de la société. Son travail témoigne d’un lien étroit avec ses sujets, avec une attention particulière pour les femmes, notamment dans les pays où leurs droits sont limités. Ses photographies offrent un regard attentif et doux sur des détails cachés et des moments quotidiens qui sont souvent négligés ou exagérés.

Mention spéciale de l’Open Call : Ayline Olukman

Nos vies sauvages © Ayline Olukman

Grâce à sa série intitulée « Nos vies sauvages », la photographe française Ayline Olukman est mention spéciale de l’Open Call de cette 9ème édition. Ce travail est réflexion poétique sur la vulnérabilité de l’existence.
À travers une mise en scène sensible des êtres vivants, la série établit un dialogue intime entre les enveloppes corporelles – humaines, animales – et les éléments de la nature. Dans cet univers onirique, le corps semble se dissoudre dans la matière (pierres, feuillages, nuages, éléments liquides…), jusqu’à faire corps avec elle. De cette fusion subtile émerge un sentiment de désir, une aspiration à appartenir à un ordre de vie plus vaste et plus ancien. La figure n’est pas abordée comme un sujet isolé, mais comme un moyen d’expression, porteur d’un langage où gestes et textures s’entremêlent. Dans cette perspective, Our Wild Lives ouvre un espace liminal où l’être humain, loin d’exercer un contrôle sur la nature, devient réceptif à son altérité, à sa présence discrète mais insistante, et, ce faisant, acquiert une conscience élargie de sa propre condition au sein du monde vivant.

Nos vies sauvages © Ayline Olukman

Ayline Olukman est une artiste multidisciplinaire dont le travail explore les notions de vulnérabilité, d’inconscient et d’errance. Elle travaille avec la photographie, la peinture, l’écriture et le dessin. Entre 2006 et 2015, Ayline Olukman alterne des périodes de travail en studio à Strasbourg et des voyages, qu’elle considère comme des phases de recherche pour la photographie et l’écriture. 

Mention spéciale de l’Open Call : Emilia Martin

Ave Maria, dentelle aux fuseaux, fil du serpent © Emilia Martin

La photographe polonaise Emilia Martin établie au Pays-Bas, a été nommée mention spéciale avec sa série « Ave Maria, dentelle aux fuseaux, fil du serpent » qui propose une introspection croisée avec les sœurs Andersson qui ont consacré leur vie à la réalisation de textiles pour les cercueils de mariage.
Cette série mêle son histoire à celle des sœurs Andersson qui, vivant en Suède à l’aube du 20e siècle, ont passé leur vie à créer des textiles pour les cercueils de mariage. Pourtant, aucune des quatre sœurs ne s’est jamais mariée et leurs textiles complexes n’ont jamais été utilisés, laissant un témoignage complexe de leur vie tout en remettant en question la définition de la création textile comme un artisanat féminin pratique à usage domestique.
Suivant les mots de l’historienne féministe du textile, Rozsika Parker, « connaître l’histoire de la broderie [et, par extension, l’histoire des textiles], c’est connaître l’histoire des femmes », je retrace des histoires écrites avec du fil, dans l’acte de rechercher des motifs et des points entre les générations de femmes qui m’ont précédée. L’œuvre poursuit le tissage de ces histoires en refusant leur effacement.

Ave Maria, dentelle aux fuseaux, fil du serpent © Emilia Martin

Emilia Martin est une artiste et photographe polonaise basée à La Haye (NL). Diplômée du programme de maîtrise Photography & Society de l’Académie royale des arts (La Haye) en 2022, Emilia Martin travaille dans son studio de la Stichting Daisy Chain à La Haye, ainsi qu’à l’étranger. Son œuvre « I saw a tree bearing stones in the place of apples and pears » a été publiée sous forme de livre en 2024 par Yogurt Editions et exposée internationalement dans les contextes tels que LUMA Arles aux Renconres d’Arles 2024 en tant que finaliste du Dior x Luma Award, Fotofestiwal Łódź 2025, Boutographies Festival à Montpellier 2024, Photo Museum Ireland, 2025, parmi d’autres. Elle est l’une des fondatrices de Radio Echo – un collectif de radio féministe axé sur la réverbération de la diversité des voix.

Mention spéciale de l’Open Call : Francisco Gonzalez Camacho

Ailleurs © Francisco Gonzalez Camacho

Avec la série « Ailleurs », le photographe espagnol Francisco Gonzalez Camacho compte parmi les 3 mentions spéciales de cette 9ème édition avec ses paysages qui mêlent réels et imaginaires.
Remettant en question le sentiment de non-appartenance, d’altérité et les contraintes culturelles, le paysage m’a offert un soulagement cathartique, façonnant un sentiment renouvelé de connexion avec la nature. En créant des paysages réels et imaginaires, je dissous l’espace et le temps, créant une interruption, une absence, donnant le sentiment d’être ailleurs. La réalité est suspendue, nous rappelant que nous ne sommes qu’une petite partie de la nature, unie à elle. Il y a une invitation à réfléchir, à créer un moment de vide, une étincelle de conscience. Dans toutes les nuances de la simplicité, le divin se révèle, nous aidant à comprendre le monde à travers un acte de solitude. La photographie devient un instrument qui me permet de révéler non seulement la nature qui m’entoure, mais aussi la nature qui reflète le paysage à l’intérieur. Un silence s’installe, reproduisant un univers calme et précieux, suspendu dans le temps, à côté du monde lui-même. Un espace transcendantal évoquant une allégorie d’un lieu appelé maison.

Ailleurs © Francisco Gonzalez Camacho

Francisco Gonzalez Camacho (né en 1990) est un artiste visuel espagnol basé à Helsinki. Il est titulaire d’une licence en photographie documentaire de l’université de South Wales (Royaume-Uni) et étudie actuellement un master en photographie à l’université d’Aalto (Finlande). Le travail de Gonzalez Camacho présente une approche basée sur le processus, mêlant la photographie et les méthodes d’impression graphique, avec la nature nordique comme sujet principal.

Premi Fotografia Femenina 2025 : Lieh Sugai

Kaikou © Lieh Sugai

Ce prix vise à célébrer la création photographie au féminin en apportant un soutien pour financer la première exposition d’une artiste qui n’a jamais été exposée dans un festival. C’est la photographe japonaise Lieh Sugai qui est nommée lauréate avec sa série intitulée « Kaikou » – qui signifie « rencontre » en japonais. Ce travail est une collection d’images photographiques et de chimigrammes documentant son exploration de la mémoire, de l’identité et du concept de foyer.
« Cette série représente mon parcours personnel de réconciliation entre deux foyers, le Japon et l’Amérique, tout en réfléchissant à la manière dont la mémoire peut façonner et redéfinir notre sentiment d’appartenance.
Développée sur plusieurs années, cette série est apparue à un moment où je ne pouvais pas retourner au Japon. J’ai cherché des sujets en Amérique qui résonnaient avec des souvenirs de ma patrie, en utilisant la lumière et l’ombre pour capturer des fragments de souvenirs. Ces fragments sont tissés dans un chemin visuel vers la compréhension de l’essence du « chez-soi ».
En créant KAIKOU, j’associe la photographie argentique à des procédés photographiques historiques, tels que le chimigramme, pour éclairer les qualités transitoires et insaisissables de la mémoire. En intégrant la précision analogique du film à la nature expérimentale du chimigramme, je façonne soigneusement la lumière, les produits chimiques et le papier photographique pour créer des images organiques et texturées qui reflètent mes rencontres avec des souvenirs fragmentés et changeants. Chaque image émerge d’un processus intuitif d’expérimentation, embrassant les interactions imprévisibles entre les matériaux pour capturer des moments éphémères qui résonnent avec la nostalgie et l’impermanence. »

Kaikou © Lieh Sugai

Lieh Sugai, née au Japon, est une artiste visuelle basée à New York, spécialisée dans la photographie et la vidéo. Son travail explore les souvenirs partagés entre les gens et les lieux, en réfléchissant à leur évolution au fil du temps, des événements et des changements culturels. En utilisant sa double perspective d’immigrée japonaise vivant en Amérique, elle apporte une profondeur unique à son art. Alors qu’elle étudiait le graphisme au Pratt Institute, Lieh a découvert un lien profond avec la photographie, qui est rapidement devenue son principal moyen de naviguer et de transmettre divers paysages culturels, mêlant harmonieusement les pratiques conceptuelles et documentaires.

INFORMATIONS PRATIQUES
9ème édition festival photo InCadaquès
Du 9 au 26 octobre 2025
https://fr.incadaques.com/

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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