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Pour cette quatrième et dernière carte blanche, nos invité·es Brodbeck & de Barbuat, terminent leur journal intime sur ces trois dernières années qui marquent un nouveau tournant dans leurs travaux. Ils participent à la commande photographique nationale Image 3.0, initiée par le Cnap et le Jeu de Paume. Expérience qui leur permet de renouveler leur questionnement sur la post-photographie. Arrive ensuite les premiers programmes de génération d’images par Intelligence artificielle qui va leur permettre d’imaginer un vaste corpus visant à recréer une Histoire de la photographie inventée. Ce travail est actuellement présenté à la galerie Papillon, dans le cadre du parcours Photo Days.

Image 3.0, Post-photographie et IA.

Durant le confinement de 2020, nous participons à la commande photographique nationale Image 3.0, initiée par le Cnap et le Jeu de Paume. Venant questionner les nouvelles formes d’images, cette étude nous permet renouveler le questionnement sur la post-photographie que nous avions initié à la Villa Médicis quelques années auparavant.
Dans Les 1000 vies d’Isis (2019-2021), nous réalisons une série de portraits, à l’apparence tout à fait classiques, illustrant des instants de vie quotidiens d’une femme entièrement créée par ordinateur par images de synthèse. Sorte de muse de l’aire numérique Isis vient s’insérer dans des photographies argentiques venant opérer un grand écart et un trouble sur la nature des images et la capacité à identifier ce que nous regardons.

© Brodbeck & de Barbuat

Cette commande sera menée de concert avec Pascal Beausse qui enrichira de sa vision notre langage. Les expositions à Reims, au Jeu de Paume – Le cellier, au Serendipity arts festival en Inde et lors de la foire de Paris-Photo en dialogue avec Philippe Durand et Hanako Murakami, viendront nous donner confiance en ces recherches intimes et pourtant désincarnées. Encore une fois, ces rencontres viennent forger l’évolution d’un parcours et pousser plus loin encore, ou parfois remettre utilement en question, une démarche solitaire.

© Brodbeck & de Barbuat

L’année suivante, avec l’arrivée des premiers programmes d’apprentissage automatique (IA) générant des images à partir de données textuelles, nous avons souhaité imaginer un vaste corpus venant recréer une Histoire de la photographie inventée. Ce thème nous permet de mettre en avant le fonctionnement même de ces outils qui s’inspirent des images passées disponibles sur internet afin d’en proposer de nouvelles.

L’histoire de la photographie nous permet également de rassembler toutes les typologies d’images (la guerre, la nature morte, le paysage, la mise en scène, le documentaire, le portrait, le noir et blanc…) afin de mettre en difficulté l’intelligence artificielle sur tous les terrains. De nombreux artefacts apparaissent dans le dialogue initié avec la machine, trahissant son fonctionnement. Ce sont autant d’indices que ces images sont des leurres et viennent interroger l’image dans sa capacité à représenter le réel. Ces difficultés mettent également en lumière les mécanismes d’auto-censure implantés, ainsi que l’importation de stéréotypes symptomatiques de notre société à travers les banques d’images de ces programmes.

© Brodbeck & de Barbuat

© Brodbeck & de Barbuat

Dans Etude d’après Margaret Bourke-White, At the Time of the Louisville Flood, 1937 – 2022, La machine reproduit de manière très abstraite les visages de personnes de couleur, sa banque d’images de références étant sous-représentée. De même la machine va opérer un lissage dans les tenues vestimentaires des personnes censés nous replonger dans la grande dépression des années 30 aux E.U. Ici, la file d’attente venant recevoir une ration alimentaire semble prendre l’apparence d’un défilé de mode. Enfin, toutes formes d’écritures sur les visuels est rendue impossible par l’auto-censure de la machine, de même que la nudité, la violence et les signes reconnaissables tels que la faucille et le marteau sur le drapeau soviétique de la photographie de Yevgeny Khaldei.

© Brodbeck & de Barbuat

L’image réinventée de Annie Leibovitz met en lumière un dialogue de sourd entre l’homme et la machine. La photographie originale montrait Yoko Ono vêtue de noire protégeant John Lennon, entièrement nu et fragile. Malgré nos instructions précises, la machine nous renvoie une image inversée, comme pour corriger notre pensée et nous signifier que nous souhaitions certainement reproduire un homme entièrement habillé protégeant sa femme partiellement nue et fragile. Les stéréotypes inclus dans les images références de l’intelligence artificielle, symptomatiques de notre société, se retrouvent importés dans le fonctionnement même de la machine.

© Brodbeck & de Barbuat

Ce projet vient questionner notre mémoire à travers des images que nous semblons reconnaitre comme des originales. Ces souvenirs auxquels nous faisons une confiance quasi aveugle se révèlent pourtant mis à mal. Notre esprit semble arrondir les angles, effacer les différences. Le projet souhaite ainsi questionner notre rapport au réel et souligner l’importance de constamment repenser notre rapport aux images et aux technologies.

L’exposition « Une Histoire parallèle » est présentée à Paris à la Galerie Papillon du 9 novembre 2023 au 13 janvier 2024. Elle fait partie du festival Photo Days qui regroupe du 3 novembre au 3 décembre une cinquantaine de lieux exposant de la photographie à Paris.

INFORMATIONS PRATIQUES :

mer08nov(nov 8)11 h 00 minven22déc(déc 22)19 h 00 minBRODBECK & DE BARBUATUne histoire parallèleGalerie Papillon, 13 rue Chapon - 75003 Paris

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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