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Partager Partager Temps de lecture estimé : 14minsPour leur deuxième carte blanche, nos invité·s de The Analog Club – lieu dédié à la photographie argentique à Paris – ont choisi de nous présenter Thibaut Piel, photographe portraitiste et « magicien » de la chambre noire ! Si il réalise ses propres tirages il développe surtout une activité visant à partager son savoir-faire. Au sous sol de The Analog Club, Le Sel Paris, un laboratoire ouvert à toutes et tous pour l’apprentissage du développement et du tirage argentique. Découvrez l’entretien avec Thibaut Piel. Interview au sous-sol avec notre voisin de labo préféré. On a descendu les quelques marches qui mènent au sous-sol de notre shop. Là, entre les odeurs de chimie douce et les lumières rouges, Thibaut Piel nous accueille avec son sourire habituel et ses tirages qui sèchent tranquillement. C’est ici, dans le labo Le Sel Paris — monté en collaboration avec nous, The Analog Club — que ce portraitiste un peu magicien développe ses images et surtout, partage son savoir-faire. Thib, on le croise tous les jours. On discute argentique, on échange sur les séries en cours, on rit beaucoup, vraiment beaucoup. Mais ce qu’on aime surtout, c’est son regard sur les gens, sur la photo, sur le geste artisanal. Alors on s’est dit qu’il était temps de lui poser quelques questions. Parce que derrière ses portraits à l’afghan box et son labo bien vivant, il y a un sacré parcours : des années à bourlinguer avec sa chambre noire portative, une première aventure au Sénégal avec Le Sel Dakar, puis ce nouvel ancrage à Paris. Aujourd’hui, on est fier·es de partager ce lieu avec lui, et encore plus de vous faire découvrir son univers. Bonne lecture ! ©️Studio Puyfontaine Comment tu t’es lancé dans la photo ? J’étais à l’époque dans le marketing, jusqu’au jour où j’ai décidé de partir au Brésil entre ma licence et mon Master. Ce départ a été décisif, car avant ça, je ne m’intéressais pas du tout à l’art et certainement pas à la photo, même si je baignais dans les odeurs de l’imprimerie dans laquelle mon père travaillait en tant que typographe. Au Brésil, je shootais avec mon téléphone et ce qui m’intéressait, c’était la dimension reportage, principalement les marginaux. J’habitais dans une favela pendant quelques mois et j’aimais montrer ce qui se passait autour de moi. En parallèle, je retouchais mes images, j’aimais les classer dans des albums Facebook et les montrer. En rentrant à Paris, on m’a offert un Canon AE-1. Je ne connaissais rien aux réglages : vitesse, diaphragme… J’ai décidé de me documenter et de m’initier à la technique pendant 1 an avec des tas de bouquins, des vidéos YouTube etc, c’était le petit commencement. Mes expériences pros — être dans des bureaux, envoyer des mails — m’ennuyaient terriblement. J’avais 1 an et demi de chômage devant moi, et j’ai tout quitté. Tu te décris comme autodidacte : concrètement, comment tu as appris la photo ? Au bout d’un an, je me suis dis que de développer ses pellicules, ça avait un sacré coût. En parallèle, tout le côté obscur que j’avais pu voir à travers toutes ces documentations m’intriguait énormément. Je décide donc de m’inscrire au club photo de la ville de Rennes, qui ont un labo. Je fais mes premiers développements avec des personnes qui faisaient de l’argentique. Entre temps, je commence déjà à ramener des copains pour leur apprendre à développer leurs pellicules avec moi. Je sens déjà en moi un goût pour ce partage de la magie. Puis un jour, François Poiveret, un photographe super talentueux, vient nous présenter ses tirages. Je lui demande s’il accepterait de me montrer comment tirer. Bingo. Il accepte et me dit d’aller acheter les chimies et le papier et me donne rendez-vous la semaine qui suit. J’arrive avec un négatif que j’avais développé, mais jamais tiré. J’ai fait mon premier tirage d’un portrait d’un SDF, qui s’appelait Bolek, et qui était toujours assis devant Négatif +. De fils en aiguilles, il m’invite à venir tirer chez lui, où il avait fait construire son propre labo – qui était trop stylé. Son tutorat m’a été super précieux, mais il y a aussi tout un volet important dans mon apprentissage, comme je le disais, qui est la documentation. Mes livres de chevet, c’est genre des manuels d’agrandisseurs. Portrait Bolek, Tirage argentique 30x40cm sur papier baryté ©️ Bruzklyn Labz Tu t’es finalement très vite tourné vers l’argentique ? Je n’ai jamais fait de numérique, alors je n’ai pas vraiment eu de virage. On m’a plutôt mis un appareil argentique dans les mains et j’ai décidé de comprendre comment fonctionnait un appareil avec un argentique. Honnêtement, le numérique ne m’a jamais intéressé parce que c’est un process qui est complètement différent, autant sur la prise de vue que sur l’après. Ce qui m’intéresse, c’est l’après d’une image qui change la donne. Je n’ai pas envie d’être derrière un écran d’ordi. Tu parles souvent de ta rencontre avec l’afghan box comme d’un tournant. Qu’est-ce qui t’a séduit dans cet objet un peu magique ? Les trois choses qui m’intéressent avec l’afghan box, ça a été tout d’abord la partie photographie argentique à la chambre, au moyen format et donc l’aspect laboratoire et technique. C’est un objet qui est ultra-rustique, il y a un côté avec lequel on fabrique soi-même, on fait du bricolage. Il y a aussi un côté un peu magique, où on voit à travers un petit trou la photo qui apparait. C’est aussi le côté street, c’est un objet qui est fait pour travailler dans la rue. Forcément cet objet interpelle et les gens s’arrêtent. En 5 minutes, tu peux facilement expliquer comment cet objet fonctionne et donner une leçon de photo aux gens. Et quelle joie de rencontrer des gens — car c’est magnifique de raconter des gens à travers des photos — D’ailleurs, à l’époque, on l’utilisait au Pakistan, au Mali, au Sénégal, en Inde, etc, pour faire des photos d’identité. Je suis tombé amoureux de l’Afghan box parce que ça reliait les trois choses qui contribuait à un épanouissement de vie. Tu as emmené ton afghan box un peu partout : Brésil, Canada, Portugal… Est-ce que tu te rappelles un moment marquant en voyage ? J’avais un projet avec des amis, qui était de partir en Amazonie pour photographier une tribu hyper reculée, où il fallait avec une dérogation gouvernementale pour s’y rendre. C’était un sujet que j’avais envie de traiter, d’autant plus avec l’afghan box, car il y a un photographe que j’admire par-dessus tout qui est Salgado et qui a fait toute une série sur l’Amazonie avec des portraits. Mais avant de partir, je devais célébrer Noël en famille, et je décide d’installer un petit studio pour offrir des portraits à mes proches. Avant la réunion familial, j’ai une tradition avec mon meilleur ami, quand on rentre – chez nous – en Bretagne, on adore aller à la fête foraine de Rennes. On adore taper dans un punching-ball – pratique qui a été interdite l’année qui a suivi, et vous allez découvrir pourquoi dans un instant… Je tape une fois, deux fois, troisième fois, je me défonce le poignet. La nuit, je file aux urgences, et bim, double fracture. Je partais deux jours après avec 30 kg de matos pour l’Amazonie. Si vous ne le savez pas encore, dans l’afgan box, il y a un trou pour mettre son bras et à l’hôpital, ils voulaient me faire un plâtre en angle droit. Je les ai suppliés pour qu’ils me fassent une manchette, ils acceptent à mes risques et périls. J’ai quand même décidé de partir au Brésil avec mon plâtre et mon afgan box, qui a fallu que j’apprenne à gérer avec la main gauche. Tu réalises des portraits avec l’afghan box depuis plusieurs années. Qu’est-ce que ce format change dans ta relation aux gens que tu photographies ? Avec l’afghan box, tu te poses. Tu es dans la rue, les gens viennent autour de toi. Ce qui change, c’est la relation que tu crées avec les autres. C’est une photo de partage. C’est aussi, on peut le dire, faire renaître ce vieux métier, perdu en France, celui de portraitiste. C’est le fait de faire poser les gens, de passer un moment face à face, à essayer de catcher la personne, en essayant de créer une relation entre photographe et modèle, qui fait qu’il se passe quelque chose de magique. Ça peut se ressentir ou non dans la photographie finale, mais il y a eu un moment hors du temps. Partager ces moments, c’est qui me plait vraiment. À côté des portraits, tu mènes aussi un travail de photo reportage. Tu peux nous parler de cette autre facette ? Des sujets que tu as eu envie/l’occasion de couvrir ? Il y a deux choses qui s’opposent : la photographie posée et la photographie d’instant décisif. Ce qui m’a toujours intéressé, c’est le côté marginal de la société, ceux décide de vivre autrement. Ce sont ces gens-là que j’ai envie de montrer. Ce qui m’anime vraiment, c’est d’être en mode ‘chasseur’ et notamment quand tu te retrouves dans des lieux de fou, par exemple, un pèlerinage de gitans en Camargue que j’ai shooté au leica. Ma série est d’ailleurs dispo sur mon site internet (en cliquant-ici). Pèlerinage des gitans des Saintes-Marie de la Mer – Leica M6 Tx400, 2017 Paname Streets: Canal de l’Ourcq – Leica M6 Tx400 , 2019 Plus récemment, tu as monté une “vespacamera” pour un tour de Bretagne. Comment est née cette idée ? Et qu’est-ce que ça a changé dans ta manière de travailler ? Je voyais de plus en plus en plus de monde qui se mettait à shooter à l’afghan box, alors je voulais trouver un moyen de continuer à me démarquer, tout en cherchant à faire du plus grand format. Qui dit grand format, dit plus de volume, dit plus embêtant à trimbaler. Comme j’étais fan de mécanique et de bricolage, je me suis dit que j’allais transformer un véhicule en afghan box. C’est comme ça que j’ai flaché sur ce petit touctouc, qui me correspondait parfaitement ! S’est alors lancé un projet au financement participatif, qui m’a permis de retaper tout le véhicule pendant 1 an. Je ne suis évidemment pas seul, j’ai beaucoup de potes qui m’ont aidé : mécaniciens, peintres, carrossiers, menuisiers. Finalement, tous les projets que je fais, ce sont des projets fédérateurs. C’est comme un prétexte pour faire de beaux projets, mais aussi pour fédérer les gens. Le vespacamera nait. Le but de ce projet était de faire un tour de Bretagne en 40 jours — accompagné par mon père — sans itinéraire, pour tirer le portrait d’artisans et des personnes dans le milieu de la photo, comme le fondateur de Washi qui fabrique ses propres pellicules, Marianne Caron. Mais aussi des marginaux, avec des clowns de rue, des collectionneurs, etc. L’objectif était aussi de me reconnecter avec mes racines bretonnes, que j’avais perdu en partant m’installer à Paris, et de montrer ce qu’est la Bretagne avec ses acteurs locaux. Bref, ce projet a été une véritable claque humaine. Comment on passe de quelques bacs dans une salle de bain à la création de Le Sel Dakar, puis Le Sel Paris avec nous ? Quand je m’installe à Paris, je fais le tour des clubs photos parce qu’il me fallait un labo, puisque je n’avais plus celui du club à Rennes. Je m’inscris tout d’abord au club photo de la gare Montparnasse, qui était loin de là où j’habitais. Alors, je me dis que je vais faire mon propre laboratoire chez moi. Je commence à bricoler, à démonter et remonter des agrandisseurs et à prendre goût à l’aménagement, en récupérant beaucoup de matos photo, en upgradant mon petit labo. En parallèle de ça, je commence de plus en plus à former des amis et des amis d’amis. Je me rends vite compte qu’il y a une demande et quelque chose à faire. Je commence à faire de la communication sur mon Instagram perso (@bruzklyn_labz), en proposant des workshop. Et ça marche. Je dois déménager et trouver un nouvel endroit pour avoir un labo. Je finis par me retrouver en solution de dernière minute dans un loft artistique à Vitry-sur-Seine, qui disposait d’un labo associatif. Donc, je me mets à gérer ce labo et à faire des formations. C’est le premier lieu, pas chez moi, que je gère. Ensuite, je me retrouve à être en résidence artistique au 59 Rivoli, où je fais des portraits. Puis le covid arrive, je décide de partir à Dakar pour rejoindre un ami, qui voulait que je lui ramène un kit labo. Me voilà partie avec 300 kg de matériel. J’arrive à Dakar et je me mets à construire le labo pendant 5-6 mois. Ça marche, mon ami Kevin continue de faire tourner Le Sel Dakar ! Fabrication de l’évier artisanal, livré à cheval à Dakar Insérer image Le Sel Dakar Le Sel Dakar Puis je rentre en France, pour faire des formations, et quelques jobs alimentaires pour gagner ma vie. Une amie me dit qu’elle va ouvrir un lieu dédié à l’artisanat, Porte de Bagnolet, qui a une cave dans laquelle je peux installer un petit labo. C’était l’opportunité d’avoir enfin un lieu à moi, à Paris. J’y reste pendant 1 an. Je lance Le Sel Paris à ce moment-là. À l’époque, j’avais déjà fait des projets avec The Analog Club, et je savais que c’était bientôt la fin de leur incubation au CENT-QUATRE et je savais qu’ils cherchaient des bureaux. J’avais repéré un super spot à Ménilmontant — là où on est aujourd’hui — et je leur en parle. On avait une semaine pour présenter notre dossier à la commission. Et voilà comment j’ai déménagé Le Sel Paris, ici, dans ce lieu que l’on partage avec The Analog Club. Qu’est-ce que tu as envie de transmettre à travers ce lieu et ton travail ? La magie et l’image. C’est un palindrome. La passion, le goût des choses bien faites, le goût de l’artisanat. J’ai envie et j’ai l’habitude de dire que je me bats pour que les gens aillent voir tout ce qui se passe après. J’ai envie de démocratiser cette pratique — du tirage — et que les gens se tournent vers ça. J’ai envie de donner le goût du labo à toutes ces personnes parce que le labo, c’est le goût du travail fait à la main. Quand tu es dans un laboratoire, tu déconnectes, c’est thérapeutique, tu oublies tout ce qui se passe dehors. C’est un endroit et une technique magique. Je sais pourquoi je ne veux plus travailler derrière un écran, j’ai envie de travailler avec mon corps et avec la parole. Je veux faire du “concret”, et cette pratique l’est. On est ancré dans un moment présent, avec du matériel tangible. Une photo devient une photo quand elle est mise sur un mur, quand elle existe en tirage. Marque-page0
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