Le Prix LE BAL / ADAGP de la Jeune Création, destiné aux photographes et/ou vidéastes de moins de 40 ans, français ou résidant en France depuis au moins cinq ans, vient de dévoiler le nom de la lauréate de sa sixième édition. C’est la photographe Constance Nouvel, qui fête cette année ses 40 ans, qui remporte le prix avec son projet « Parole divine — images d’ici et d’au-delà ». À ce titre, elle sera accompagnée tout au long de l’année pour la réalisation de son projet et sera exposée au BAL en 2027. Elle succède à Marie Quéau, qui présentera son projet Fury au BAL du 28 novembre 2025 au 8 février 2026.

Parole divine — images d’ici et d’au-delà, projet lauréat 2027

Constance Nouvel se voit remettre une dotation de 20 000 euros qui lui permettra de mener à bien son projet. Celui-ci sera exposé au BAL en 2027, accompagné d’une publication.

Sans titre © Constance Nouvel / ADAGP, Paris, 2025

L’écriture hiéroglyphique pourrait-elle avoir un lien avec l’image photographique ? Mon projet prend sa source dans la rencontre entre la photographie et l’égyptologie, parce que la notion de lumière y est omniprésente. Qu’elle soit liée à la question de l’immortalité chez les anciens Égyptiens, ou à la possibilité d’éterniser, par la photographie, un moment vécu, la lumière ne cesse de traverser ces écritures et ces images. Je voudrais interroger le médium photographique dans sa dimension anthropologique, et m’immerger dans la civilisation de l’ancienne Égypte, l’une des plus anciennes qui a élaboré un système d’écriture, dès 3250 avant notre ère, et qui se prolonge singulièrement avec l’intelligence artificielle. Puiser dans cette civilisation ancienne, c’est faire appel aux ancêtres avec toute l’humilité que cela requiert, et c’est chercher ce que l’humanité a de précieux : une mémoire. Qu’elle soit réelle ou imaginaire, visuelle ou sonore, la préserver ici est un geste primitif. De l’invocation spirituelle à une incarnation technique, de l’invisible au visible, ces découvertes majeures dévoilent notre besoin essentiel d’images. Elles nous encouragent à vivre, et à survivre, ici et au-delà. – Constance Nouvel

Constance Nouvel explore la photographie dans un langage plastique et expérimental. Diplômée des Beaux- Arts de Paris, ses images tiennent d’une autre réalité, les paysages réels ou factices qu’elle capture lors de moments volés et de voyages improvisés, interrogent : que voit-on, que comprend-on ? Elle construit ses oeuvres en opérant des déplacements techniques pour susciter une réflexion sur les liens entre le réel et l’imaginaire. Lauréate de la commande « Réinventer la photographie » en 2025, son travail a notamment été présenté au Centre Pompidou- Metz (Voir le temps en couleurs, 2024 ; Une pause favorable, 2023), au Jeu de Paume (Fata Morgana, 2022) et aux Rencontres d’Arles (Nouveau Prix Découvertes, 2017). En 2019-2020, la réalisation d’un cycle d’expositions – Atlante, Solstice, Réversible – a marqué son parcours avec la parution d’un livre intitulé DIAPORAMA, édité par Le Point du Jour en 2020.

Parmi les 390 dossiers reçus, le jury* a souhaité également distinguer cinq coups de coeur :

ZOÉ BERNARDI, NO MORE HEROES

Les mots de la tribu, documentaire en cours de production © Zoé Bernardi

No more heroes est un projet multilmédia qui interroge les limites entre la famille et la communauté. Il donne à voir ma famille, composé de Léa, une vieille punk, Rémi, un vieux hippie, Tonton, un ancien forain, Kiki, une Ma’ Daltone aux cheveux roses, et Galak, leur caniche. Ils vivent tous ensemble de rires, de drogues et d’amour vache, partageant leur temps entre un HLM Parisien plein comme un oeuf, et un châlet des alpages trop vaste pour eux.
No more heroes s’articule en deux ensembles : en deux ensembles distincts : l’un constitué d’images fixes, l’autre d’images en mouvement. Chaque média vient infirmer ou augmenter l’autre dans un rapport de contamination joyeuse. L’enjeu est de les photographier comme on veille, les filmer comme on écoute. La restitution de ce presque-fond d’archive invite le spectateur à s’interroger sur son propre rapport à la famille. Derrière cette intimité construite à travers l’appareil photographique ou la caméra, et en plaçant ma famille au centre, j’essaie de saisir nos fragilités visibles ainsi que notre manière de concevoir la famille comme société.
Née en 2000, vit et travaille à Paris

NELSON BOURREC CARTER, HANTISES

Hantises © Nelson Bourrec Carter

Hantises propose une exploration d’espaces hantés, lieux où mémoire intime et histoire collective se croisent.
Le projet prend pour points d’ancrage des communautés noires-américaines – Allensworth en Californie, premier village en non-mixité et autogéré de l’Ouest, disparu puis reconstruit, et Eatonville en Floride, premier de la côte Est, fragile mais persistant – en les reliant à un appartement familial à Boston, marqué par une disparition intime. Ces lieux, réels ou reconstitués, deviennent le support d’une réflexion : comment les maisons portent-elles en elles les fantômes d’histoires refoulées, politiques, raciales et personnelles ?
En mêlant procédés photographiques anciens (émulsions photosensibles sur miroirs), modélisation 3D et dispositifs d’exposition travaillant la matérialité même du cadre, Hantises met en tension disparition et réapparition, réalité historique et réécriture du réel. Les fantômes, appels lancinants de troubles non résolus, y apparaissent comme des témoins sensibles, capables de révéler la persistance des systèmes de pouvoir et la fusion entre visible et invisible, mort·es et vivant·es.
Né en 1988, vit et travaille à Paris

SIDO LANSARI, LES TORTS DES FANTÔMES

Sami – 10, film A © Sido Lansari / ADAGP, Paris, 2025

Les Torts des fantômes est né d’une obsession : retrouver les voix queer maghrébines qui, en France, ont traversé les luttes sans jamais, trouver de place dans les récits officiels.
En menant un travail d’archives, de collecte, de témoignages et de fragments, Sido Lansari cherche à faire émerger les figures oubliées qui ont pourtant, dès les années 1980, articulé représentation, luttes sociales, homosexualité et exil.
C’est une enquête lente, traversée de fantômes, de lieux disparus et de récits presque effacés. Il ne s’agit pas de combler l’oubli, mais de le réparer. De lui faire place. De dire qu’il y a là une mémoire possible, un héritage coupé, mais pas éteint. Il ne s’agit pas seulement de regarder en arrière : il s’agit de se demander ce que ces absents peuvent encore nous dire aujourd’hui.
Né en 1988, vit et travaille à Paris

ANTOINE LECHARNY, FEU STALINSTADT

Feu Stalinstadt © Antoine Lecharny

Depuis 2023, je m’intéresse aux années d’après-guerre, à leurs vestiges idéologiques et patrimoniaux, ainsi qu’aux résurgences actuelles des haines et violences en Europe.
Compte tenu de sa singularité de ville socialiste modèle, sortie de terre en RDA en 1950, j’ai choisi de focaliser mon regard sur Eisenhüttenstadt, appelée à l’origine Stalinstadt.
Pensée par le régime communiste est-allemand comme un symbole concret de rupture avec le passé nazi, cette ville fut bâtie autour d’un combinat sidérurgique et dotée d’une architecture incarnant un idéal égalitaire. Après la chute du mur, la cité a connu une forte désindustrialisation, un exode massif puis un basculement politique récent vers l’extrême droite.
À travers Feu Stalinstadt, j’ai l’intention de restituer une vision fragmentaire d’Eisenhüttenstadt traduisant l’éclatement de son plan urbain, de sa mémoire et de son tissu social. Il s’agit d’un projet conçu face à un retour possible de l’extrême droite à la tête de nombreux pays d’Europe. En réaction, je tente de transmettre, par une constellation d’images n’imposant aucun récit univoque et prédéfini, un état des lieux d’une ville symptomatique de cette perspective.
Né en 1995, vit et travaille à Paris

LIVIA MELZI, MUSEA FUTURI

Musea Futuri © Livia Melzi

Musea Futuri est un projet photographique qui interroge la mémoire des musées d’ethnographie à partir des ruines du Musée National de Rio de Janeiro, ravagé par un incendie en 2018.
En explorant les archives, les objets survivants et les témoignages humains de plusieurs institutions, au Brésil et en Europe, ce projet tisse un récit poétique et critique sur le rôle des muséales face aux traces matérielles et immatérielles de l’histoire, et sur les enjeux de restitution et de conservation dans un contexte postcolonial. Un dialogue entre photographie grand format, dessin et vidéo trace un fil conducteur pour imaginer un musée du futur, vidé de ses artefacts mais peuplé d’images. Dans ce scénario spéculatif, celles-ci occupent une place centrale dans la construction de la mémoire, de la subjectivité et de l’altérité.
En détournant les codes du documentaire et des dispositifs muséo-graphiques, Musea Futuri propose une réflexion sur le pouvoir des représentations visuelles à façonner d’autres récits, sensibles et décentrés.
Née en 1985, vit et travaille entre Paris et Arles

*Le jury présidé par Diane Dufour, fondatrice et directrice artistique du BAL, était composé de : Damarice Amao (historienne de la photographie et attachée de conservation au cabinet de la photographie du musée national d’Art moderne – Centre Pompidou), Hugues Aubry (Président de Generali Luxembourg), Céline Clanet (Artiste), Alexia Fabre (Directrice déléguée du Centre Pompidou Francilien), Anna Planas (Directrice artistique de Paris Photo), Clément Postec (Directeur artistique du Nouveau Printemps), Caroline Stein (Responsable partenariat chez Neuflize OBC) et Patrick Tosani (Artiste).

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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