Ça s’est passé un 19 janvier : Mort de Thibaut Cuisset

L’œuvre de Thibaut Cuisset (1958-2017), centrée sur le paysage, résulte de campagnes successives menées pendant près de quarante ans en France et à l’étranger. Arpentant les territoires, le photographe développe un style singulier qui s’appuie sur un équilibre ténu entre sujet, couleur et lumière.

Le milieu rural français et le cours des fleuves représentent un pan essentiel de ses recherches. Significatif à cet égard, le corpus d’images réalisées autour de la Loire a été constitué au gré de commandes et de candidatures pour des prix photographiques, soulignant la constance de l’écriture du photographe, tant au plan de la composition que des modalités d’exposition de son travail.
Au fil d’une décennie (2001-2010), Thibaut Cuisset a sillonné les 1 013 kilomètres du cours de la Loire avec sa chambre photographique.

En suivant le fleuve à travers les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-FrancheComté, Centre-Val de Loire et Pays de la Loire, il s’est attaché à poser son regard sur la (trans)formation du paysage induite par le cheminement de l’eau et par l’activité humaine qui en dépend. La Loire, qui prend sa source au mont Gerbier-de-Jonc – au sud-est du Massif central – et se jette dans l’océan Atlantique – au niveau de Saint-Nazaire –, dessine le paysage avec ses rives, ses cultures, ses ponts, et le nimbe d’une lumière tout à fait particulière.

L’approche de Thibaut Cuisset, par la régularité de son procédé, révèle les différents états de ce paysage, témoignant de sa variété et de ses variations. Ses photographies donnent à voir une grande diversité géographique, saisonnière, lumineuse, colorimétrique, et finalement surtout paysagère. Contempler le territoire à travers elles incite à considérer avec le même intérêt les rives du fleuve et leurs aménagements, la campagne et ses « paysages intermédiaires », les terres marquées par les cultures ou encore les paysages urbains apparaissant près du fleuve, comme à Tours ou à Saint-Nazaire.

« Regarder ces lieux laissés de côté, qui n’ont rien de spectaculaire mais qui fondent nos campagnes, note Thibaut Cuisset en 2008.
En avoir un regard “d’ici et maintenant” sans patriotisme, sans nostalgie non plus ou, s’il y en a une, ce serait alors dans la chose elle-même. »
Les campagnes autour de la Loire de Thibaut Cuisset conduisent ainsi le spectateur à redécouvrir certains paysages familiers, de ceux que l’on parcourt régulièrement sans plus les regarder. Sans jugement et avec une certaine distance, le photographe dévoile ces paysages anthropisés des bords de Loire, un façonnement perpétuel et plus ou moins discret dû à notre intervention.
C’est aussi du rapport au temps dont il est question avec ces photographies. Elles en traduisent les effets, documentant les équilibres et les bouleversements dans le paysage. Car la lenteur que requiert la méthode de Thibaut Cuisset, liée à l’utilisation de la chambre photographique et au besoin de s’imprégner du paysage, permet au temps et à la durée de se déposer dans l’image.
Réunissant pour la première fois l’ensemble des séries sur la Loire et proposant des photographies inédites, l’exposition du Jeu de Paume Tours favorise une appréhension nouvelle et approfondie de ce travail. Le corpus reflète par ailleurs quelques-uns des aspects essentiels de l’œuvre de Thibaut Cuisset : son rapport à la commande, qui lui donne l’opportunité de poursuivre ses recherches personnelles en développant sa démarche d’auteur ; son inscription dans le style documentaire, que signalent à la fois son ouverture à une pratique subjective et sa revendication d’une dimension esthétique – il rappelait souvent que le style n’est que la conséquence du sujet ; enfin, sa progression vers le grand format.
En hommage au photographe, Thibaut Cuisset : Loire offre une mise en images poétique des paysages ligériens.

Commissaires :
Quentin Bajac et Camille Cuisset.