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Partager Partager Temps de lecture estimé : 11minsPour sa toute première carte blanche, notre invité de la semaine, le photographe français Corentin Fohlen, nous plonge en plein cœur d’un métier, celui de photojournaliste, et dans ce texte il a choisi de nous parler d’engagement. Comme il nous le précise « je ne conçois pas mon métier, mon activité, ma passion sans un minimum d’engagement. » Et c’est lors d’un reportage en Haïti qu’il prend conscience, qu’en s’éloignant du news pour se rapprocher du documentaire, qu’il réalise son premier reportage « engagé ». Il y dénonce alors la perversion des organisations humanitaires américaines qui organisaient des « safaris humanitaires »… Pour cette première carte blanche, j’ai mûrement réfléchi de quoi j’allais parler. Une fois les énième débats à longueur de temps évoqué sur notre profession: pitié, on n’en peut plus de parler de la fameuse crise-du-photojournalisme, cela fait depuis les années 60 qu’elle est annoncée ! Une fois passé la triste constatation de la baisse des tarifs, la disparition des commandes, la crise du Covid, etc, etc… bref une fois les discours larmoyants et pessimistes, que reste t’il à dire et à écrire sur le métier? J’ai voulu aborder un idéal du métier assez peu souvent abordé je trouve. Celui du rôle de l’engagement ! Car si tout le monde prend des photos, peu font des images… et encore moins ont une photographie engagée. A l’heure des réseaux sociaux où des millions (milliards?) d’images sont diffusées à longueur de journées, où se place l’engagement du photographe. A quoi servent t’elles? A part à alimenter notre ego surdimensionnné de millions de pixel et de quelques centaines de like. Pourquoi une image ne pourrait elle donc pas servir à autre chose qu’à montrer, et parfois juste se montrer ? © Corentin Fohlen/ Divergence. Janvier 2013. Port-au-Prince, Haiti. Healing Haiti est une organisation américaine chrétienne installée en Haiti depuis 2006. Cree par Jeff Gacek et Alyn Shannon, un couple de Minnesota, ayant décidé de se consacrer, au nom de Dieu, a Haiti: » Nous n’avons pas choisi Haiti… Dieu a choisi Haiti pour nous « . Healing Haiti fait partie de ces centaines d’organisations prosélytes, ou se revendiquant d’une église, qui pullulent en Haïti, notamment depuis le séisme du 12 janvier 2010. Chaque semaine, une « team » composée d’une dizaine de volontaires, débarquent en Haiti pour un séjour d’une semaine. Au programme: distribution d’eau dans le bidonville de Cite Soleil, de chewing-gum dans une école, journée a la plage avec des orphelins, mais surtout des centaines de photos prises en souvenir et de nombreux câlins avec les enfants. Près de 200 000 américains débarqueraient chaque année dans le pays pour venir faire de bénévolat, selon l’ambassade américaine. # distribution d’eau ( en principe ils en distribuent deux camions dans Cité Soleil, mais ce jour là une autre compagnie privée est passée avant eux. Ayant encore le camion remplit, ils débarqueront dans un autre camp pour la distribuer. Diann se met à chanter quand les enfants deviennent trop oppressants. … Bien sûr un artiste n’est pas forcé d’être « engagé ». Bien sûr un photojournaliste se doit d’être objectif, honnête et sans parti pris. Bien sûr je ne suis pas d’accord avec ces deux premières phrases. En fait je ne conçois pas mon métier, mon activité, ma passion sans un minimum d’engagement. Engagement est un grand mot. Il ne s’agit pas qu’à chaque clic vous fassiez trembler une dictature ou Bolloré. Juste appuyer (sur) un point de vue, choisir de montrer tel aspect plutôt que tel autre, refuser de mettre vos images au service de la communication d’un groupe industriel pollueur, poser vos boitiers à l’Elysée ou au sein d’un parti politique qui voudrait diriger leur communication en utilisant celle des photographes de presse, bloquer le téléchargement de médias aux idées extrémistes ou dont les valeurs ne vous conviennent pas, refuser de photographier quand on vous dit de le faire, continuer de photographier quand on vous demande de vous arrêter… La liste est longue, elle est à portée de tout un chacun. © Corentin Fohlen/ Divergence. Janvier 2013. Titanyen, Haiti. Healing Haiti est une organisation americaine chretienne installee en Haiti depuis 2006. Cree par Jeff Gacek et Alyn Shannon, un couple de Minnesota, ayant décidé de se consacrer, au nom de Dieu, a Haiti: » Nous n’avons pas choisi Haiti… Dieu a choisi Haiti pour nous « . Healing Haiti fait partie de ces centaines d’organisations prosélytes, ou se revendiquant d’une église, qui pullulent en Haïti, notamment depuis le séisme du 12 janvier 2010. Chaque semaine, une « team » composée d’une dizaine de volontaires, débarquent en Haiti pour un séjour d’une semaine. Au programme: distribution d’eau dans le bidonville de Cite Soleil, de chewing-gum dans une école, journée à la plage avec des orphelins, mais surtout des centaines de photos prises en souvenir et de nombreux câlins avec les enfants. Près de 200 000 américains débarqueraient chaque année dans le pays pour venir faire de bénévolat, selon l’ambassade américaine. Bien sûr je suis lucide, il n’est pas facile d’être engagé quand on crève la faim. Mais je connais beaucoup de photographes sans un sou très engagés, et encore plus de photographes riches (si si, cela existe…) qui n’ont que faire de l’engagement. L’engagement n’est pas qu’affaire de sujets couverts : photographier un conflit, une manifestation de Gilets jaunes ou un camp de réfugiés ne fait pas de vous un photographe nécessairement engagé. Loin de là. Je peux sans complexe le dire, j’ai couvert durant des années des situations de crises sans pour autant être engagé. Je faisais mon taf, j’étais attiré par le voyage, l’aventure, l’action, j’avais de bons retour professionnels, je ne me posais pas de questions, j’allais et repartais avec cette impression d’être le chevalier blanc de l’information, garant d’une objectivité toute relative. En vrai je n’avais aucun impact. Ni sur l’info, ni sur la vie des gens, ni sur pas grand chose d’ailleurs à part ma vie ou ma carrière. Je publiais mes images comme illustrations d’articles dont je n’avais pas connaissance, sans même choisir l’angle du papier ou le titre du média ! Je posais juste un regard d’occidental privilégié sur une situation que je ne connaissais pas, et ne maitrisais pas, d’une médiatisation dont la portée, parfois la manipulation ou les intérêts m’échappaient. © Corentin Fohlen/ Divergence. Janvier 2013. Titanyen, Haiti. Healing Haiti est une organisation américaine chrétienne installée en Haiti depuis 2006. Cree par Jeff Gacek et Alyn Shannon, un couple de Minnesota, ayant décidé de se consacrer, au nom de Dieu, a Haiti: » Nous n’avons pas choisi Haiti… Dieu a choisi Haiti pour nous « . Healing Haiti fait partie de ces centaines d’organisations prosélytes, ou se revendiquant d’une église, qui pullulent en Haïti, notamment depuis le séisme du 12 janvier 2010. Chaque semaine, une « team » composée d’une dizaine de volontaires, débarquent en Haiti pour un séjour d’une semaine. Au programme: distribution d’eau dans le bidonville de Cite Soleil, de chewing-gum dans une école, journée a la plage avec des orphelins, mais surtout des centaines de photos prises en souvenir et de nombreux câlins avec les enfants. Près de 200 000 américains débarqueraient chaque année dans le pays pour venir faire de bénévolat, selon l’ambassade américaine. Visite de l’orphelinat « La vigne d’or » à Titanyen, village au nord de Port-au-Prince. Distribution de jouet, de bonbons, gâteaux, ballons de baudruche, coloriages en référence à la vie de Jésus, animations, chants… Diann et Jessica essaye de laver le ligne à l’haïtienne… Au bout de 5 minutes elles préfèrent reprendre les jeux avec les enfants. C’est en Haïti que j’ai eu l’impression de faire mon premier reportage « engagé » lorsque je me suis éloigné du news pour m’orienter vers un travail plus documentaire. (CF: « In the Name of Haïti » où je dénonce la perversion de ces dizaines voire centaines d’organisations humanitaires américaines liées à des églises évangéliques qui organisaient des « safaris humanitaires » dans le pays). En sortant des codes de la presse magazine. En oubliant la logique du news. En apportant ma subjectivité, celle d’être outré par des agissements que j’observais. Tout ce que l’on ne doit surement pas apprendre en école de journalisme et que je peux rarement apporter lors des commandes reportages où l’angle du sujet est déjà pré-déterminé, les rendez-vous effectués, le timing réglé pour ne pas perdre une minute. Impossible de sortir du sujet prévu: la maquette est déjà calibrée, le titre l’est presque autant, ne reste que les citations des personnages à rencontrer. Le temps est le plus grand luxe dans la presse. Sortir de ce dilemme (vivre de la photographie, avoir une action engagée, porter un travail qui ait de l’impact, ne pas renier ses valeurs…) est terriblement difficile. Dans la photographie comme dans tout métier je suppose. Encore une fois, il y a plein de manières de s’engager,: passer du temps sur le terrain, passer du temps, des années sur un reportage ou un projet (comme le font par exemple Olivier Jobard ou Michaël Bunel sur la thématique des réfugiés), tenter d’imposer un sujet qui n’intéresse personne dans les médias est souvent déjà en soi un combat. On peut aussi s’engager auprès des personnes que l’on a photographiées. Ce n’est pas toujours possible, mais parfois il est possible de garder contact avec les « personnages » de nos reportages. Ne pas les oublier. Les aider au-delà de la publication de leur histoire. C’est parfois à la limite de la déontologie, mais en fonction de l’investissement humain que l’on a échangé avec eux, on peut se retrouver à les aider après coup. On peut aussi garder contact avec ses anciens fixeurs, traducteurs, chauffeurs. On peut s’engager auprès d’eux pour les aider, leur famille. Eux, que nous journalistes, de retour de reportage, oublions si souvent. Enfin l’engagement peut passer par un engagement citoyen, militant ou syndical : adhérer à un syndicat (l’UPP, la SAIF, le SNJ…), refuser de participer à des concours photos aux droits d’entrées payantes, refuser d’exposer ses photos gratuitement, refuser de brader vos prix, refuser de diffuser vos photos à des agences de stock d’image ou celles dont vous ne toucherez que des clopinettes, refuser de toute accepter au nom de la prétendue « visibilité de votre travail… » mais au delà, dans notre quotidien, c’est se battre pour les statuts sociaux et humains: refuser d’employer les esclaves que sont les livreurs Uber, Deliveroo… , refuser d’acheter sur Amazon, refuser d’acheter son matériel photo sur des sites d’occasion en ligne dont vous ne connaissez pas la provenance du matériel (les sites de revente encouragent ainsi le vol de matériel de photographie)… © Corentin Fohlen/ Divergence. Janvier 2013. Titanyen, Haiti. Healing Haiti est une organisation américaine chrétienne installée en Haiti depuis 2006. Cree par Jeff Gacek et Alyn Shannon, un couple de Minnesota, ayant décidé de se consacrer, au nom de Dieu, a Haiti: » Nous n’avons pas choisi Haiti… Dieu a choisi Haiti pour nous « . Healing Haiti fait partie de ces centaines d’organisations prosélytes, ou se revendiquant d’une église, qui pullulent en Haïti, notamment depuis le séisme du 12 janvier 2010. Chaque semaine, une « team » composée d’une dizaine de volontaires, débarquent en Haiti pour un séjour d’une semaine. Au programme: distribution d’eau dans le bidonville de Cite Soleil, de chewing-gum dans une école, journée a la plage avec des orphelins, mais surtout des centaines de photos prises en souvenir et de nombreux câlins avec les enfants. Près de 200 000 américains débarqueraient chaque année dans le pays pour venir faire de bénévolat, selon l’ambassade américaine. Visite de l’orphelinat « La vigne d’or » à Titanyen, village au nord de Port-au-Prince. Distribution de jouet, de bonbons, gâteaux, ballons de baudruche, coloriages en référence à la vie de Jésus, animations, chants… Alors vous me direz : mais quelle prétention qu’a ce type ! Et bien, oui, l’engagement est d’une prétention ambitieuse ! Nous avons la chance d’avoir un métier qui permet la communication de masse, la diffusion de l’information à grande échelle, du savoir, de la connaissance. C’est aussi une responsabilité et un devoir que nous avons, nous, les photographes. (suite à la prochaine carte blanche) Favori2
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