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La France compte parmi les pays les plus actifs en terme de festivals dédiés à la photographie. Nombreuses sont les municipalités – urbaines ou rurales – qui offrent à leur public des manifestations culturelles à plus ou moins grande échelle. Aujourd’hui, un petit nouveau fait son apparition, il s’agit de CARGO, Les photographiques de Saint-Nazaire porté par Le collectif L’art à l’ouest. Jusqu’au 3 octobre prochain, vous pourrez découvrir un parcours d’expositions réparti dans six lieux de la ville rassemblant des invités et un artiste en résidence.

« Sur les quais, tout est ouvert à l’imaginaire et le parcours de ces nouvelles rencontres de Saint-Nazaire est une invitation à découvrir une ville et ses habitants et de contempler en des lieux uniques et souvent méconnus des auteurs dont les œuvres n’imposent rien mais se donnent à voir autrement que dans les livres ou les smartphones. Dans le quartier aux fresques colorées du Petit Maroc, sur les esplanades aux allures balnéaires, au terminal des gares routière et ferroviaire, à la chapelle des Franciscains, les images prennent de la consistance, expriment leur matérialité. Certains ne manqueront de les toucher, pourquoi pas ? Par les temps qui courent, il est urgent de retrouver le contact, le frôlement, les baisers. » – Claude Nori, contributeur CARGO

Parasols © John Batho

Le grand invité de cette édition inaugurale est John Batho présenté à la Gare de Saint-Nazaire avec sa série des parasols deauvillois. C’est en 1977 que John Batho commence à photographier les parasols de Deauville au moment-même où il explore des « lieux de couleurs ». C’est naturellement, que le photographe normand se concentre sur les plages de Deauville et ses parasols s’impose. « Je ne connais aucune autre plage où l’ordre de la couleur est aussi présent en étant répartie de manière aussi aléatoire. Photographier ces parasols, leurs formes et leurs couleurs, c’est tenter de restituer comment s’organise l’architecture de la couleur dans l’espace. C’est construire des rythmes de couleurs et les partager sur un mode joyeux, en retrouvant
la même spontanéité que susciterait une boite de peinture renversée sur la plage. Mon propos n’est pas lié à une préoccupation iconographique : les parasols sont un motif qui, constamment repris, permet d’éprouver le regard. Affronter un sujet comme celui-là oblige à penser à ce qui surprend encore, à réfléchir au désir d’ajouter, de photographier encore, alors qu’à priori il paraît toujours le même. C’est une réflexion sur l’insistance de la perception, sur les variations de la lumière, sur les imprévus du motif, sur l’étonnement de rencontrer ce qui n’avait pas encore été vu. L’attention à l’archi-tecture des formes et des couleurs dans l’espace m’a conduit à interroger la photographie comme sujet en soi. Je me suis alors préoccupé de la matérialité de l’image, recherchant un toucher des yeux pour cet art que l’on dit sans matière, interrogeant sa capacité à restituer la tactilité des toiles et du sable, le lissé du ciel, selon les heures et les jours, dans la fine lumière d’un bord de mer baignant le tout ».

© Nidhal Chamekh, Rise and fall, poudre de graphite sur papier, 2021

C’est l’artiste plasticien tunisien Nidhal Chamekh qui a réalisé la première résidence CARGO. Ainsi, on retrouve à la Galerie des Franciscains, le fruit de sa résidence de création qu’il a menée en 2020 et 2021 sur le territoire de la ville de Saint-Nazaire, son paysage, son environnement, ses quartiers et ses habitants. Les directeurs artistiques de l’association, Jérôme Blin et Gaëtan Chevrier, ont invité Nidhal Chamekh à confronter sa pratique au terrain
de jeu nazairien, en expérimentant pour cela divers médiums – le dessin, la photographie et la vidéo, l’occasion de mener de nouvelles recherches transversales.

Les trois artistes invités pour cette première édition sont Ambroise Tézenas, Maja Daniels et FLORE.

© Ambroise Tézenas, Brzezinka (KL Auschwitz II – Birkenau) – Musée National d’Auschwitz-Birkenau (Pologne) / 2009

Ambroise T zenas, Boutique de souvenirs. Parc Grutas (Lithuanie) / 2012

Ambroise Tézenas présente sa série « Tourisme de la désolation » à la Galerie des Franciscains, en résonance avec le travail de Nidhal Chamekh. Cette série propose une traversée du XXe siècle à l’aune de certaines problématiques de l’industrie touristique. Le « dark tourisme » est un phénomène qui se développe et tend à devenir un nouveau marché pour certains professionnels du voyage. Tremblements de terre, tsunamis, accidents, catastrophes industrielles, zones sinistrées constituent autant de “destinations” et de sites dont la découverte est à même de combler la curiosité ambiguë d’un nombre croissant d’amateurs. S’interrogeant sur cette réalité, et cherchant à en saisir les différents aspects, le photographe a entrepris un travail d’enquête dont il a établi le protocole avec le Pr J. J. Lennon de l’université de Glasgow, spécialiste des problématiques de l’industrie du tourisme.

Photographies noir et blanc de Tenn Lars Persson (1878-1938), courtesy by Elfdalen Local Heritage Foundation (EHF)

Maja Daniels quant à elle, propose au public sa série « Elf Dalia », sur le parvis de la gare et Stran. Il s’agit d’un récit autour de la vallée suédoise d’Älvdalen. Une région où la plupart des habitants parlent encore l’elfdalien, une langue ancienne dérivée du vieux norrois des Vikings, ce qui reste toujours un mystère pour les linguistes. Elle combine ses propres photographies avec des images réalisées par Tenn Lars Persson (1878-1938), un inventeur local, mécanicien et photographe. Ce travail photographique explore la manière dont le mythe et le rituel du passé sont compromis par la vie contemporaine.

© Maja Daniels, Elf Dalia

Au square, place du Commando, FLORE déploie sa série « L’odeur de la nuit était celle du Jasmin » primée au Prix de l’Académie des beaux-arts – Marc Ladreit de Lacharrière et au Prix Nadar. Indochine, mousson, moiteur, beauté du Mékong et dangers de la nuit… les récits des grands-parents de l’artiste photographe FLORE, ayant vécu à la même époque et sur les mêmes lieux que Marguerite Duras, ont baigné son enfance d’insondables mystères qui nourrissent aujourd’hui un imaginaire commun entre elle et l’écrivaine. Après Lointains souvenirs, sa première série autour de l’adolescence de Marguerite Duras, FLORE continue à « inventer photographiquement » une Indochine mythifiée. Elle propose ici un voyage dans le temps et agrandit le monde d’espaces insoupçonnés, en saisissant quelque chose qui n’a pas nécessairement existé mais dont on accepte le postulat, cette vie qui aurait été vécue il y a presque 100 ans et que Marguerite Duras raconte dans ses livres.

© FLORE, L’odeur de la nuit était celle du jasmin, courtesy Galerie Clémentine de la Féronnière

Enfin, un atelier d’éducation artistique et culturelle est mené par la photographe Marie Sommer avec de jeunes écolier·es nazairien·nes. Leurs créations sont visibles à la pointe de Villès-Marin !

INFORMATIONS PRATIQUES

ven02jul(jul 2)10 h 30 mindim03oct(oct 3)10 h 30 minCARGO, les photographiques de Saint-Nazaire OrganisateurLe collectif L’art à l’ouest

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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