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« Jeanloup Sieff, fais-moi un signe » est le dernier ouvrage publié aux éditions Contrejour par Claude Nori. À cette occasion, l’éditeur a également souhaité rééditer « La Vallée de la mort », un road movie en Californie paru en 1978. Deux livres qui viennent rendre hommage au célèbre photographe français et que l’on pourra découvrir à la librairie La Comète à l’occasion d’une signature organisée le mercredi 8 juin. Rencontre avec Claude Nori, éditeur et ami de Jeanloup Sieff, disparu il y a 22 ans.

Portrait Claude Nori © Dominique Mérigard

Vous venez d’éditer « Jeanloup Sieff fais-moi un signe », un livre hommage à Jeanloup Sieff à travers votre relation d’amitié, pouvez-vous nous raconter la genèse de cet ouvrage?

En 2019, j’avais écrit un livre sur Luigi Ghirri, sur ce même principe. Les livres qui existaient appréhendaient son œuvre de manière intellectuelle, en délaissant complètement le personnage. C’était donc important pour moi de raconter qui il était. Le confinement a été l’occasion de poursuivre ce travail, j’avais plusieurs noms en tête comme Jeanloup Sieff et Edouard Boubat. Cela faisait longtemps que je trouvais que les ouvrages sur Sieff montraient toujours un peu les mêmes images. J’avais donc envie de recontextualiser son œuvre dans le champ de la photographie française et de mettre un coup de projecteur sur son travail, qui manque cruellement de visibilité, c’était aussi l’occasion de porter à connaissance un travail peu connu des jeunes photographes !

Mode lointaine, Vienne, 1961 © Estate of Jeanloup Sieff

Comment avez-vous rencontré Jeanloup Sieff et comment s’est tissée votre amitié, au point d’ailleurs de devenir son principal éditeur ?

Dans les années 70, j’étais un tout jeune éditeur, Sieff quant à lui était un photographe emblématique. Les éditions Contrejour étaient pensées pour montrer la nouvelle photographie française, celle qui se démarquait de toute la génération de photographes humanistes que l’on connaissait bien. Je l’avais vu pour la première fois à Toulouse à l’occasion d’une conférence mais j’étais trop timide pour aller lui parler… Sieff était le trait d’union entre les photographes du passé et ceux du présent. Et j’étais attristé de voir qu’à l’époque, aucune monographie ne lui était consacrée. On m’avait raconté qu’il avait été déçu par des expériences avec des éditeurs et qu’il serait difficile de le faire accepter. Je l’ai pris comme un challenge ! Je lui ai envoyé une lettre, en lui expliquant mon projet et que je respecterais ses volontés. Il m’a donné son accord 5 jours plus tard ! Nous nous sommes donc rencontrés pour commencer à travailler sur cette monographie.

Comment avez-vous pensé cet ouvrage ? Entre vos textes, vos archives personnelles entièrement inédites et les images de Sieff ?

Plutôt que de faire un récit chronologique, j’ai réuni des souvenirs pour en faire des chapitres. Je pars donc d’une anecdote commune, en développant ensuite les principales thématiques de son œuvre. J’ai travaillé sur l’ouvrage deux ans durant, en alternant les périodes d’écriture et de pause, je me suis fait aider également. Car c’est important de dire que je ne suis pas un historien, je ne souhaitais d’ailleurs pas être précis. Avec le temps, les souvenirs se transforment, ou prennent un autre sens et ça me plaisait que ma mémoire ajoute une part fictionnelle, car c’est un travail de sensibilité et d’émotion.
Je voulais m’approcher au plus près de l’être que j’avais connu et qui était assez différent de ce que la majorité des gens connaissaient.



Pouvez-vous nous expliquer ce titre « Jeanloup Sieff fais-moi un signe » ?

J’avais donc réuni des phrases qu’il avait écrites, c’était un excellent écrivain. D’ailleurs je dis souvent qu’il faisait un travail photographique littéraire, puisque lorsqu’on regarde ses images, on pense souvent à la littérature. Le titre a été trouvé il y a peu de temps, lors d’un déjeuner avec son épouse Barbara et sa fille Sonia, nous parlions du choix de la photo de couverture : je voulais mettre la photo du cygne sur un lac. Et c’est Sonia qui, en plaisantant, me suggère de l’appeler « Fais moi un signe », et j’ai tout de suite été séduit. Cela signifiait que je l’interpellait avec ce livre, c’était parfait !

La maison Noire, New York 1964 © Estate of Jeanloup Sieff

À l’occasion de la sortie de ce livre, vous rééditez « La Vallée de la mort », un road movie en Californie paru en 1978, pourquoi avoir choisi de le rééditer ?

Il rêvait de faire ce voyage dans la vallée de la mort, c’était aussi une façon de rendre hommage à la photographie américaine. Il avait dans l’idée d’entamer une collection d’ouvrages avec cette série. Le livre est sorti en 1978 et j’ai décidé, il y a une dizaine d’années, de le rééditer et il s’est épuisé rapidement. C’est en sortant ce nouveau livre que j’ai tout de suite pensé à l’éditer à nouveau. On y retrouve le contenu identique mais avec une couverture différente.

INFORMATIONS PRATIQUES
• Jeanloup Sieff Fais-moi un signe
Editions Contrejour
22.5 × 17 cm
196 pages
• La vallée de la mort, Jeanloup Sieff
Editions Contrejour
14 x 30 cm
96 pages

Cet entretien a été publié dans le numéro #350 (juin) de Réponses Photo.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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