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Pour sa troisième carte blanche, notre invité de la semaine, le photographe et le fondateur des éditions Images Plurielles, Abed Abidat, nous propose de partir à la rencontre de Jean Paul Olive, un photojournaliste du Sud de la France qui a débuté dans les années 1970. Il partage ici quelques extraits autour de la  pratique du métier et de son évolution. Retour sur quelques uns de ses souvenirs de photojournaliste, de ses débuts, du temps du bélinographe à la Patrouille de France en 1995.

Je pourrais vous parler des très belles rencontres que j’ai faites avec des photographes comme Munem Wasif pour le livre Larmes salées, Paolo Verzone pour Seeuropeans, Grégoire Eloy pour Les oubliés du pipeline, ou encore récemment avec Raymond Depardon pour Son œil dans ma main, et tant d’autres… Mais j’ai envie ici de mettre en lumière un grand modeste au parcours plutôt confidentiel. Il s’agit de Jean Paul Olive, un photojournaliste du Sud de la France qui a débuté dans les années 1970.

Ecouter cet autodidacte, né en 1950, raconter sa pratique du métier, c’est réaliser le bouleversement des usages qui s’est opéré en si peu de temps. Aujourd’hui, même s’il continue toujours à photographier avec son Leica M6, Jean Paul Olive bénit l’instantanéité du numérique. Retour ici sur quelques uns de ses souvenirs de photojournaliste. Il n’y a pas si longtemps…

Mes débuts avec Johnny !

Johnny Hallyday, 1974 © Jean Paul Olive

« C’est en 1974 que j’ai commencé la photographie. On m’explique quelques bribes, quelques rudiments de la photo, sans plus et je dois faire avec. Je me souviens le jour où je devais faire des photos de concert de Johnny Halliday qui était en tournée dans la Région Sud. Je me rends donc à son concert, m’approche de sa caravane (à l’époque les tournées se faisaient en caravane). Il y a son garde du corps ou son impresario à l’entrée. Je lui demande si Johnny Halliday serait d’accord pour me laisser faire des photos. Il me dit en ouvrant la porte de lui demander moi-même. Ce que je fis, impressionné par le regard bleu acier que me porta l’idole des jeunes. Je n’avais que 3 mois de pratique ! Sa réponse fut à la hauteur du brave type que je subodorait : « Ok pour les photos et tu peux aussi monter sur scène, fais comme tu le sens ».
J’étais donc le seul photographe autorisé à monter sur les planches. J’étais tellement ému que j’ai « tremblé » pas mal de prises. Je ne sais pas s’il m’a reconnu lorsque je l’ai croisé à nouveau, beaucoup plus tard, il m’a touché la main avec un large sourire ».

Le temps du bélinographe

Photo © https://lecomptoirdetitam.wordpress.com/

« Lorsqu’on couvrait un événement, un fait divers, une actualité, tout de suite après les prises de vue il fallait rapidement aller à l’aéroport de Marignane pour trouver un équipage Air France ou Air Inter pour acheminer les films sur Paris. À l’arrivée, un coursier venait prendre « les rouleaux » (nom commun des pellicules) pour les faire développer rapidement pour les publications nationales. Cela incluait une entente réciproque et surtout beaucoup de confiance entre nous et les « volants ».

Une autre pratique consistait à « beliner ». Je prends l’exemple d’un match que j’ai couvert entre Paris Saint-Germain et l’OM au Parc des Princes. Dans les vestiaires il nous fallait trouver un petit local noir, sans lumière afin de développer une pellicule n&b si possible 12 poses réalisée en première mi-temps. Puis disparaître dans cette chambre noire improvisée et enfin tirer une ou deux images format carte postale.
« Beliner » vient du nom du bélinographe, un appareil inventé par Édouard Belin.
C’est un procédé qui permettait la transmission des photos par circuit téléphonique. Cette machine avalait la petite image points par points après que le photographe eut composé le n° de téléphone du journal auquel le cliché était destinés . Nous avions donc une petite valise avec toute la chimie, l’agrandisseur en miniature, le sèche-cheveux pour réaliser au plus vite l’opération ! »

Fonctionnement du bélinographe d’après Wikipédia :
La photo ou le document est placé sur un cylindre mobile. Il est analysé ligne par ligne, par une cellule photoélectrique qui se déplace sur la génératrice du tambour en rotation. Les niveaux de gris sont transformés en fréquences (aiguë pour le blanc, grave pour le noir) et transmis en ligne.
À l’autre extrémité un système de tambour synchronisé, avec un cylindre identique dans une chambre noire, porte un papier photographique. Le système de réception convertit les fréquences reçues en intensité lumineuse grâce à une petite ampoule. Il suffit de développer le papier photographique à la fin de la réception pour obtenir une copie de l’image originelle.
L’envoi d’une photographie noir et blanc de 13 × 18 cm  dure environ douze minutes.

Comment la tête de Basile Boli s’est retrouvée à l’Elysée

But de Basile Boli, 26 mai 1993 © Jean Paul Olive

« Lors de la finale de la Ligue des Champions en 1993 entre l’OM et l’AC Milan, en 1993, je décidai de me mettre dans les tribunes avec les supporters. J’étais le seul photojournaliste à avoir pris cette fameuse tête de Basile Boli qui donna la victoire de l’OM.
Si Paris Match m’a acheté la photo avec exclusivité, elle n’a jamais été publiée. Paris Match a certainement court-circuité la concurrence.
En 2018, j’ai envoyé la photo au président de la République Emmanuel Macron. Je savais qu’il était supporter de l’OM.
La photo fut encadrée et placée dans le bureau de travail de la présidence. »

La patrouille de France : et de deux !

Patrouille de France
Salon de provence, 1995 © Jean Paul Olive

Patrouille de France
Salon de provence, 1995 © Jean Paul Olive

« J’avais une grosse commande photo de EDF en Région Provence Alpes côte d’Azur (aujourd’hui Région Sud) pour l’édition d’un beau livre en noir et blanc et en couleur. Un an de travail !
Il y avait une prise de vue qui ne m’inspirait pas du tout, c’était la chute de Croix Blanche à Salon de Provence. J’en parlai à la direction au siège à Marseille, avec l’idée de faire passer La Patrouille de France au dessus du barrage, en montée éclatée, en libérant les couleurs bleu blanc rouge. La réponse fut : « Vous n’y pensez pas ! ». On me laissa quand même formuler la requête à l’École de l’Air. Et la réponse fut « Ok !».
Après un premier passage, j’ai demandé au responsable de l’opération, muni d’un talkie-walkie qui le reliait au leader, en vol, de faire un deuxième passage. Là, stupéfait, il me regarda et me dit : « Vous n’y pensez pas !? Vous savez combien ça coûte ? » Je lui répondis simplement que je devais faire une photo noir et blanc pour le livre et une autre en couleur, avec un autre boîtier, pour les posters qui orneraient les murs des bureaux de l’institution. Il me regarda incrédule. Il me dit quand même ok pour un deuxième passage. »

La Rédaction
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