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Carte blanche à Véronique Souben : “Monte di Pietà”, un projet de Christoph Büchel à la Fondation Prada

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Pour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, Véronique Souben, directrice de l’École nationale supérieure de la photographie, revient sur une exposition qui l’a profondément marquée ces dernières années : le projet « Monte di Pietà » de l’artiste suisse Christoph Büchel, présenté à la Fondation Prada lors de la Biennale de Venise. Une installation monumentale et saisissante, entassant œuvres d’art historiques et contemporaines, objets et documents, pour raconter l’histoire de la propriété.

Installation view of ““Monte di Pietà”, a project by Christoph Büchel. Fondazione Prada, Venice. Photo: Marco Cappelletti. Courtesy: Fondazione Prada (source : https://www.fondazioneprada.org/)

L’exposition qui m’a profondément marquée ces dernières années est incontestablement celle imaginée par l’artiste Suisse Christoph Büchel, il y a un an de cela, pour la Fondation Prada. Intitulée “Monte di Pietà”, cette exposition consistait à redonner au Palazzo Ca’ Corner della Regina, qui abrite la fondation depuis 2011, sa fonction passée de siège du Mont de Piété. Pour ce faire l’artiste a reconstitué, d’après des photos, les guichets de dépôt, la salle de vente, mais aussi ajouté des chambres, salles d’eau, des espaces de surveillance etc. Il a ensuite rempli la totalité du Palais (jusqu’aux espaces habituellement non accessibles au public) de piles innombrables d’objets sans valeur (vélos, machines à laver, jeux, vêtements, cadres, lunettes, pièces etc etc) mais aussi d’oeuvres d’artistes avant-gardes , contemporains, modernes, d’anonymes mais aussi de grands maîtres, de pièces historiques, voire archéologiques, de livres récents, rares et anciens, de documents de toutes sorte, de vidéos, le tout disposé, sans aucune hiérarchie, dans un fatras et un cumule aussi oppressant que rebutant.

Si l’on prenait la peine de surmonter ses préventions face à cette masse incalculable d’artefact, ce dédale d’objets, d’espaces sans fin et saturés, se profilait alors un parcours d’une incroyable complexité convoquant, tel un mille-feuille, l’histoire politique et coloniale de Venise, l’art, la culture et la pensée économique.

Comme le précise l’artiste, à travers cet excès, cette exposition se donne « à voir et expérimenter comme une plongée profonde dans la notion de dette en tant que racine de notre histoire en tant que racine de la société humaine et principal véhicule par lequel le pouvoir politique et culturel est exercé. »

Outre le caractère passionnant du sujet et son traitement saisissant, ce projet soulevait un grand nombre d’interrogations concernant le dispositif même de monstration en terme de conception, d’organisation, de production, de présentation. Le palais-fondation ainsi investi pouvait aussi se lire comme une dérive critique de l’exposition.

La Rédaction
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