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Pour sa deuxième carte blanche, notre invitée de la semaine, la directrice photo Sylvie Bouvier rend hommage à un métier particulier, celui de Gwenola Furic, spécialiste de la conservation-restauration du patrimoine photographique. Basée à Redon, en Ille-et-Vilaine, Gwenola s’installe à son compte il y a 20 ans pour sillonner les collections de photographies, essentiellement les musées et les archives, dans tout le Grand Ouest, et au-delà. Dans cette carte blanche, elle nous partage un savoir faire et sa passion.

Une vie à travers la photographie, depuis toujours, partout.

Toute petite, à Brest, sage comme une image, le nez plongé dans les images, tout ce qui me passe sous la main : livres illustrés, bandes dessinées, albums photo de famille.

A l’adolescence, à Saint-Nazaire, découvrant le rayon photo de la bibliothèque municipale, puis commençant à prendre des photographies moi-même, avec le Minolta de mon père, puis le mien. Découverte du travail de labo au club-photo local, avec des sensations dont je me souviens encore : la puissance de l’expression personnelle, le véritable ravissement lors de la prise de vue et du tirage. Et aussi, les ateliers à l’école municipale d’arts plastiques, dessin, peinture, sculpture, graphisme, un véritable apprentissage, la formation de bases dont je constate encore la solidité et la pertinence aujourd’hui.

Puis, les études : au lieu de la prépa de lettres prévue, 3 ans d’épanouissement aux Beaux-Arts de Nantes, et la chance d’intégrer dans la foulée l’Ecole Nationale de la Photographie d’Arles : 3 ans d’une intensité rare, comme hors du temps, dans un bain photographique permanent. L’importance de tout : les cours, les gens, les expériences, le festival dont les élèves étaient les petites mains, le dépaysement du Sud.

A la sortie, l’âge des possibles… c’est difficile. Retour à Brest, participation au groupe de création du CAP (Centre Atlantique de la Photographie), animation bénévole d’ateliers avec les scolaires – mais sans vraies perspectives professionnelles (je n’ai réalisé que tardivement que se projeter et se faire sa place en tant que toute jeune femme dans un monde très masculin, ce n’était pas gagné d’avance, encore moins à la fin des années 1990), des petits boulots en tous genres.

Qu’à cela ne tienne : je me tourne vers un monde qui me faisait de l’oeil depuis quelque temps : le patrimoine photographique. Reprise d’études, Paris, Institut National du Patrimoine, 4 ans de travail acharné : sciences, histoire des techniques, théorie de la conservation, pratique d’atelier. A nouveau donc, des cours, des rencontres avec des passionné.e.s, des lieux de conservation insoupçonnés, des collections à vous couper le souffle, des stages : musée Rodin, Harry Ransom Humanities Research Center à Austin (Texas) – où est conservée « la » photographie (Le Point de vue du Gras, Niépce), le bonheur.

2003, voilà, ça commence : presque 1 an au musée Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt, magnifique première expérience, puis retour en Bretagne, installation en indépendante. 20 ans maintenant que je sillonne les collections de photographies, essentiellement les musées et les archives, dans tout le Grand Ouest, et au-delà. J’accompagne les institutions : études de fonds, conseil, formation, accompagnement de projets, communications, interventions de conservation-restauration sur les documents, objets, oeuvres photographiques.

Un choix de carrière qui m’a un peu éloignée de la création pendant des années… mais ma curiosité naturelle et ma passion pour la photographie sous toutes ses coutures m’a toujours fait déborder, aller voir là où j’en avais envie, où on ne m’attendait pas. Le contact permanent avec la photographie sous ses formes matérielles fait naître des visions, des associations d’idées, des réflexions, sans cesse renouvelées. Elles se développent dans des carnets, dont j’ai toujours un exemplaire en cours dans mon sac, et dont la quintessence rejoint plus ou moins régulièrement un petit blog que j’ai créé dans un but de partage, et où je peux lier l’écriture et la photographie, dans l’évocation des traces, du souvenir, des liens, de l’altération, de la transmission.

Une poétique argentique, en quelque sorte. Qui me permettra peut-être de comprendre un jour pourquoi la photographie exerce sur moi ce magnétisme irrépressible.

Découvrez ici quelques extraits de son blog

Découverte d’une photographie

Pour quelques centimes, sur un vide-grenier à Brain-sur-Vilaine, soigneusement plié dans une enveloppe.

Cette lettre EST une photographie

Trié, non exploitable

« Trié, non exploitable »
Voilà qui me donne justement envie d’y aller voir…
(et j’avais raison)

Pépite d’atelier

Comment jeter cette boîte de négatifs irréversiblement altérés, quand un petit être y est encore prisonnier ? (Négatifs en nitrate de cellulose au dernier stade de dégradation, faisant bloc, devant être confiés pour destruction à une entreprise spécialisée)

Archives arlésiennes (1994-1997)

14 novembre 1996

C’était l’automne à Arles, avec une réminiscence de l’été. Deux vues prises au Brownie Flash à l’ile de Batz, plage de Farah Diba. Que s’est-il passé avec la pellicule ? Mystère. Ce ratage était juste parfait. Et la photographie obtenue, ouverte en effet, inusable.
(J’ai souvent eu de la chance avec les ratages).

L’onguent et le remède

Travail en cours à l’atelier, encore cette photographie. Les plus grandes lacunes sont comblées à l’aide de papiers japonais teintés à la peinture acrylique, qui vont ensuite être colorés d’un lavis d’aquarelle.

Arrivant au visage, où la retouche est particulièrement délicate, je pense à ce poème de Xavier Grall.

« Nous ne possédons le monde
que dans la mesure 
où nous savons en reconnaître les plaies, 
en sonder les reins déchirés, 
et y porter l’onguent et le remède. »

La fille du port

Brest, automne-hiver 1995

C’est un portrait de moi à 21 ans. Je suis étudiante à Arles, revenue en vacances avec du matériel emprunté à l’école de photo. Je mesure la lumière avec une cellule à main, avant de photographier, à la chambre, ces échafaudages sur un bateau en réparation dans le port de commerce. C’est mon père qui prend cette photo, il m’accompagne, il travaille là.

C’est un lieu familier, où j’ai des souvenirs d’enfance, des samedis où avec ma sœur aînée on venait passer un peu de temps au chantier, dans les bureaux, sur les bateaux. J’en ressens encore des odeurs, des textures, des couleurs : mélange de lino et de mobilier de bureau gris, sans grâce, mais fascinant – le vrai monde du travail, en comparaison avec mon quotidien, la maison, les bois, l’école – de moquette murale couleur moutarde, d’humidité poisseuse, de renfermé salé marin, de salle des moteurs, de rouille, de peinture industrielle, de fond de cale.

Ces couleurs, beaucoup de gris dans toutes ses nuances, du délavé qui fait rêver, du vif, ces inscriptions cabalistiques un peu partout, normes, curseurs, ou traces de travail. Ces multiples cadres de vue, échafaudages, échelles, grilles, hublots aux vitres opacifiées par la condensation, l’usure, les coulures.

C’est très loin tout ça – et ce n’est pas si loin. Cet environnement m’a préparée, sans que je ne m’en rende compte, à regarder, à voir, à cadrer. A ressentir. A aimer ces lieux que personne ne voit, encore moins ceux qui y travaillent au quotidien. A les ressentir intensément, à les faire voir, à eux surtout.

A cette époque, mon père, revenant de réunions de travail à Paris, me parle un jour d’une exposition qu’il a vu par hasard en repartant à la gare, d’un artiste dont il ne se souvient pas le nom, mais qui l’a beaucoup impressionné, qui travaille sur des chantiers notamment. Je comprends qu’il s’agit de Georges Rousse. Je me dis qu’à mon tour, j’ai pu lui transmettre quelque chose, qui prend ses racines en partie dans ce qu’il m’a transmis, lui.

Le n°527 n’existe pas

Petite merveille du jour à l’atelier

Papiers et trombone métallique

Les mains dans la photographie

– Gwenola, les mains dans les boîtes de photographies, heureuse comme une enfant sur son tas de sable !
(lance à la cantonade Pierre-Emmanuel, confrère et ami, lors de notre dernière mission d’étude du fonds photographique du Centre National des Phares)

Mais oui ! Ce que j’aime dans la photographie, c’est qu’elle a toujours, quelle qu’elle soit, quelque chose pour moi.
Elle me surprend. Me ravit. Me fait battre le coeur. Toujours, au moins une.
Quelques fractions de seconde, l’éternité.

Djibouti, Les quais, vue prise depuis la rade, 1902.
Anonyme, extrait d’un album (collection CNP)

La vallée des merveilles

Parfois se trouver exactement devant l’image de sa pensée,
Jubiler très calmement,
Et déclencher.

Autoportrait au carré, Guerlesquin, juin 2020

Le futur n’est plus ce qu’il était

En cours de rédaction de devis (archives politiques).
Un fonds photographique datant des années 1960-80, ayant subi un dégât des eaux, qui documente la vie d’un président de région. L’ensemble m’ennuie profondément, et le personnage, et la matière photographique, froide et austère (du papier RC, pour les connaisseurs). Assez ajustée finalement au sujet. Dépassée. Sans âme.
Sauf peut-être cette photographie : une vue d’un salon de l’électroménager, sur papier ruiné, comme la société de consommation dans laquelle j’ai grandi et qui m’a toujours dégoûtée, qui n’a tellement pas de sens ni d’avenir.
Une pièce qui dit :  Le futur n’est plus ce qu’il était.
Icône photographique
Ce matin, j’arrive après deux heures de route dans le musée où je vais travailler cette semaine. Je m’installe dans la réserve très claire et silencieuse. Je vais chercher les boîtes, les pochettes, les plaques de verre à traiter. Je sors mes outils. Tout est prêt. Je soulève le couvercle de la première boîte, et là, tout en haut de la pile, qui m’attendait depuis des mois, ce double portrait auréolé, le montage de deux plaques photographiques négatives pour réunir les deux époux sur un même tirage, comme un accueil à la maison, une magnifique icône photographique.

Le parfum du Zenith 80

Que raconter sans mémoire ?

C’est le sujet d’une émission de France Culture que je viens d’écouter : RDA, souvenirs de papier : Peter Sodann, une bibliothèque contre l’oubli.

Cela me rappelle mon amie Julia, née en 1975 à Leipzig, qui me disait un jour sa nostalgie du goût des cornichons de son enfance. Ceux de l’Est. Comme bien d’autres choses, des objets, des vêtements, et comme les livres dont il est question dans l’émission, ils ont disparu brutalement après 1989 au profit de ceux de l’Ouest, au moment de la réunification des deux Allemagne.

Pourtant, comme dirait Marcel, un goût, une odeur, le toucher d’un matériau, un son, tout ces sens font partie de notre mémoire, individuelle ou collective. Les livres aussi. A côté des classiques de mon époque parus dans les années 1980, je me suis tant délectée, petite, des vieux coucous de la bibliothèque d’enfance de mes parents : Moineau la petite libraire, La marquise en sabots, Le cheval sans tête, Florette ou la rivière des parfums, Les chevaliers de l’île aux Pies… et tant d’autres qui n’intéressent apparemment plus personne mais que je conserve précieusement dans ma bibliothèque.

Réfléchissant à tout ceci, qui a et n’a pas de rapport avec la photographie dont il est censé être question ici, je me souviens de quelque chose. Je vais chercher dans les étagères de mon atelier ce sac marron, d’une lourdeur contrebalancée par la douceur du cuir, ses formes arrondies. Je l’ouvre… ce parfum si particulier qui émane de cet appareil photographique me ravit, comme toujours. Il est sucré, miellé, un tout petit peu poussiéreux, chaud avec un zeste de métal cependant qui irradie jusqu’à la langue, je le reconnaîtrais entre mille. C’est un moyen format, 6×6, acheté lors de mes études de photographie, d’occasion bien sûr, mille francs, c’était une somme pour moi ! Un Zenith 80 de provenance soviétique, copie de Hasselblad, très beau, tout en métal recouvert de cuir. « C’est un bel objet » m’avait dit mon ami Samuel, qui me l’avait revendu. Avec un seul défaut quelque peu gênant, un rideau qui n’en faisait qu’à sa tête, s’ouvrait entièrement ou à moitié, donc des prises de vues assez aléatoires. Ça n’en est pas moins resté « mon bel objet », je l’appelais ainsi. Je ne m’en sers plus depuis bien longtemps, mais je l’aime toujours. Il est lié à une époque insouciante, arlésienne, passionnée et argentique. Et il sent tellement bon !

Un jour, Jean-Loup Princelle, personnage singulier, rédacteur au long cours d’une encyclopédie d’histoire technique de la photographie, collectionneur de matériel de prise de vue photographique, spécialiste des appareils russes et soviétiques, entre autres, est venu me rencontrer dans mon atelier de conservation-restauration de photographies. Il a vu les appareils que je collecte (plutôt que je ne collectionne), regardé distraitement ma chambre en bois (il a reconnu l’atelier, fabrication certes 19è mais en série)… et s’est soudain enthousiasmé pour mon « bel objet », apparemment pas si courant, qu’il a commencé par prendre dans ses mains pour le porter à son nez avec délices… Il m’a regardé malicieusement, me disant : « Cette odeur inimitable, je l’adore… On ne la trouve que sur les appareils soviétiques, tout simplement parce que les produits de traitement et d’enduction du cuir n’étaient pas les mêmes qu’à l’Ouest. »

Je sais maintenant pourquoi cette odeur est si particulière, et cela en ajoute encore plus au plaisir que j’ai, de temps en temps, à ouvrir cette boîte et en humer le parfum. Qui contient tant de mémoires.

Sauvé du pilon

L’Apologie du périssable, sauvé du pilon et revendu sur internet, n’est-ce pas une belle mise en abyme ?

Je remercie Xavier Martel, historien de la photographie, de me l’avoir fait découvrir, en me recommandant la lecture d’une des contributions : « De l’irrépressible envie de vouloir tout garder »

Studio Jacolot

Jean-Yves Jacolot, c’était le photographe de mon village. Son fils était dans ma classe, je me souviens, il s’appelait Yann et sur la photo de CE2 ci-dessous (faite par son père, donc) il met exprès le doigt dans son nez en rigolant. On allait poser chez lui, pour faire des portraits qu’on offrait aux grands-parents, on y a souvent l’air emprunté . Il faisait les photos d’identité et les exposait en vitrine, j’aimais bien regarder si je retrouvais des gens que je connaissais. Il était sympathique, je crois, souriant, avec un léger air las. Je me souviens de l’intérieur du magasin, du stock de films dans les étagères en losanges derrière le comptoir, et du studio de prise de vue, sombre, à droite dans la boutique. En recherchant sur internet, j’apprends qu’il a ouvert en 1961 et fermé en 2009. Il doit toujours habiter là. J’avais fait un portrait de lui quand j’étais étudiante en photo, il faudrait que je le retrouve.
Studio Jacolot, Le Relecq-Kerhuon, 29 octobre 2019

La classe de CE2 de François Le Rouzic, école Jean Moulin, Le Relecq-Kerhuon, 1981-82. (je suis au 2è rang tout à droite, mon compagnon Sébastien est au premier rang, 3è à partir de la gauche !) Photographie Jean-Yves Jacolot

A la suite de ce post sur FB, l’historien de la photographie Xavier Martel me signale son avis de décès en 2015. Il était né en 1948, il n’avait donc que 13 ans en 1961, c’est donc peut-être son père qui avait ouvert ce studio ?

Ma mère précise qu’il avait en effet seulement 67 ans à son décès en 2015, que c’était un très agréable personnage connu de tous dans la commune, il était de tous les événements, mariages, communions 

Xavier ajoute que sauvegarder ses archives semble une priorité : le cœur et la mémoire d’une commune sont ses photographes. 

Qu’est-ce qui s’échappe alors ?

Photographie Jean-Philippe Millot/Archives départementales d’Ille-et-Vilaine

Desceller le ruban de fermeture d’un daguerréotype, comme on ouvrirait un tombeau.
La micro-atmosphère à l’intérieur est celle de 1842 et va, à l’instant où je vais soulever le verre, se dissoudre dans celle de 2021.
Qu’est-ce qui s’échappe alors ?
Même remonté à l’identique après le traitement qui était nécessaire (la plaque daguerrienne avait glissé dans sa fenêtre), dans son paquet à présent inerte et à nouveau étanche à l’air, cet objet ne sera plus jamais tout à fait le même.
Je me sens ce jour à la fois chirurgienne et sacrilège, mais aussi privilégiée d’être la personne à qui l’on confie, un peu tremblant, cette tâche d’aller fouiller dans les entrailles de la photographie.
Intervention de stabilisation sur le premier daguerréotype entré aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine cette année ; portrait de Catherine Pitre épouse de Noël Gouindard, entourée de ses enfants Thérèse, Natalys et Euphrosine, en 1842-43. La famille est lyonnaise (et sans doute aussi le photographe, qui demeure anonyme) mais Natalys deviendra évêque de Rennes, ce qui explique sa présence dans ces collections. On sait également que Thérèse se mariera avec un dénommé Charles Gourdiat, et qu’Euphrosine (quel prénom !) deviendra ursuline.

On dirait que quelque chose est vivant

De passage à Lyon, la semaine dernière, pour le travail ; plongée dans les archives photographiques du journal Le Progrès. Ce sont surtout des négatifs souples produits sur la période 1940-2000, et c’est sur ce corpus que porte mon étude de conservation, mais une caisse en carton retient mon attention : il y est inscrit au feutre « plaques en verre ». Un petit vrac de tirages anciens et de négatifs sur verre en effet, dont celui-ci, glissé dans une enveloppe en plastique anachronique et délétère.

La dégradation de la plaque au contact du plastique a transformé le négatif en positif, par la magie du miroir d’argent qui s’est formé au centre. Il n’y a pas de légende, mais on distingue bien des militaires, des camions militaires, un défilé peut-être : la guerre ?

On dirait que quelque chose est vivant dans cette image. Au fond de ce carton qui n’a probablement pas été ouvert depuis très longtemps, tout à coup, voici un surgissement de l’Histoire, comme un message qui m’est adressé, vibrant et lumineux.

Un peu plus tard, chez mes amis lyonnais chez qui je loge, je parle encore et encore de mon travail sur le patrimoine photographique. Didier, avec qui j’ai fait mes études de photographie à Arles, me pose la question à laquelle je ne sais pas répondre : « Qu’est-ce que tu as donc avec ces images, à vouloir les sauver à tout prix ? »

 

Pour consulter le blog de Gwenola, rendez-vous à cette adresse :
https://photographiematiereapenser.blogspot.com/

https://gwenola-furic.jimdofree.com/

La Rédaction
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