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Partager Partager Temps de lecture estimé : 19minsJusqu’au 18 février 2024, la Maison Robert Doisneau (Gentilly 94) présente « Et nos morts ? », une exposition qui s’attaque à un sujet délicat. La photographie et la mort ont toujours partagé un espace visuel commun, mais dans nos sociétés modernes, la représentation de la mort est devenue taboue. Cette exposition est donc l’occasion d’une nouvelle rencontre. Parmi les photographes exposés on retrouve Christine Delory-Momberger, dans le cadre de cette exposition, Valentin Bardawil – réalisateur, auteur et co-fondateur de Photo Doc – s’est entretenu avec la photographe autour de quatre clichés que l’on vous propose de découvrir aujourd’hui. Valentin Bardawil : Trois photographies significatives dans ton parcours de vie figurent actuellement à la Maison de la Photographie Robert Doisneau à Gentilly dans l’exposition Et nos morts ?(1) La photographie postmortem aujourd’hui en Europe. Pourrait-on dire qu’elles sont également à la charnière de trois étapes essentielles de ton travail photographique ? Christine Delory-Momberger : Il y a la photographie de Joseph que j’ai nommée « L’Alliance », celle de ma mère, intitulée « Le Passage » et enfin celle de mon compagnon représenté en compagnie de ma fille, ayant comme légende « Le Baiser ». Elles forment toutes trois un triptyque qu’on pourrait voir comme traçant un chemin de résurrection à la vie… Pour rappeler brièvement l’histoire : la photographie de Joseph est en lien avec le « Le Cycle mémoriel », mon premier grand travail photographique mené pendant une vingtaine d’années et qui s’est clos avec la parution récente de LUNE NOIRE, un livre images et textes (2). C’est la fin d’un travail de fouille photographique, de recherche et de quête d’une histoire familiale intergénérationnelle italienne de migrations remontant jusqu’au 19ème siècle et d’exils à travers plusieurs pays d’Europe traversés par les guerres et les déplacements de populations. Il est composé de différents ensembles d’images reliant passé, présent, imaginaire et réminiscences qui m’ont permis de me constituer une famille imaginaire et de donner assise à une configuration identitaire. J’ai beaucoup raconté comment ce travail mémoriel était né d’un hasard photographique. J’avais retrouvé une petite photographie crantée de famille que j’ai voulu scruter et faute de loupe, j’ai vissé un objectif macro sur mon appareil et je suis restée stupéfaite par l’apparition soudaine en gros plan des personnages figurant sur la photographie, d’une certaine façon, ils me semblaient prendre vie. Ils m’arrivaient dans un mouvement de travelling, ils étaient tout proches et prenaient tout à coup une consistance et une existence imprévue. J’ai appuyé sur le déclencheur pour en garder la trace sans avoir de velléités artistiques mais quelques mois plus tard, j’ai repris de la même manière d’autres photographies de famille et j’en ai fait mon geste photographique. J’ai montré ces images à ma mère en lui adressant une fois de plus la requête de me raconter son histoire et de me parler de ma famille italienne. Elle s’est tue cette fois encore mais elle m’a orienté vers Joseph, son cousin germain qui figurait sur une des photographies que je lui présentais, il pourrait lui, sans doute ou peut-être, me dire toutes ces choses que je voulais savoir. Je l’ai retrouvé, il habitait toujours en Lorraine et je suis allée le rencontrer quelques mois avant sa mort. VB : C’était une rencontre déterminante… CDM : Absolument, parce que cet homme va non seulement me raconter des histoires sur la famille mais surtout me donner une enveloppe de papier kraft contenant le dossier que ma mère, alors de nationalité italienne, avait constitué pour obtenir son autorisation de mariage avec mon père qui était français. La famille de ma mère s’était installée en Lorraine et pendant la période d’Occupation allemande, mon père avait été envoyé en STO (Service Travail Obligatoire) dans cette province et c’est ainsi qu’ils se sont connus et aimés. Avec ces documents, j’ai pu commencer à reconstituer des bouts de l’histoire familiale et je vois maintenant Joseph comme un transmetteur, un passeur. Il m’ouvre les portes d’une mémoire familiale murée et je commence à construire des liens avec une famille que je ne pourrais jamais connaître mais qui par la force de mon imaginaire est devenue présente dans mon histoire. J’ai découvert dans ce dossier que mes grands-parents italiens s’étaient mariés à Stuttgart en Allemagne, pays où j’avais décidé de m’installer à l’âge de vingt ans. J’avais pris la nationalité allemande, sans savoir évidemment ce qui se cachait derrière mon choix et je comprends maintenant, des années plus tard qu’ainsi j’accomplissais l’installation en Allemagne que mes grands-parents n’avaient pas réussi à faire, ayant dû repartir en Italie aux premiers jours de la déclaration de guerre, en 1914. Dans la même période, j’ai obtenu après en avoir fait la demande, une fiche familiale d’état civil me révélant que mes grands-parents avaient eu dix enfants alors que n’en connaissais que quatre : ma mère, ses deux sœurs et son frère. Ma mère ne m’avait jamais parlé de ces enfants disparus, je n’ai jamais su si elle connaissait l’existence de ceux décédés avant sa naissance, pour une petite sœur morte à neuf ans d’une méningite, elle l’avait évoquée en très peu de mots mais j’avais perçu de l’émotion. Sur le document figuraient à côté de chaque prénom les dates de naissance et de décès pour les six disparus. J’ai pu ainsi reconstituer une première cartographie de migrations familiales à travers certains pays d’Europe. Il y avait parmi ces enfants, une petite fille mort-née en Suisse alémanique et restée sans prénom qui me hante toujours. Tous ces enfants, décédés pour la plupart du temps en bas âge sont devenus à partir de ce moment-là des « petits fantômes », doués d’une puissance de revendication d’existence que j’ai accueillie et qui anime en creux « Le Cycle mémoriel ». « L’ALLIANCE » © Christine Delory Momberger / Agence Révélateur VB : Que représente Joseph au-delà d’être un passeur d’histoire ? CDM : Il est comme un grand-oncle de ces petits fantômes et d’ailleurs sur la photographie exposée à la Maison de la Photographie Robert Doisneau, il a l’air lui-même d’un fantôme, ce qui n’est pas le cas des personnages des deux autres images qui sont eux, photographiés frontalement dans le présent des situations. J’adhérais à l’époque complètement à mon geste de fouille photographique et j’avais repris une des images de Joseph que j’avais réalisées pendant la veillée mortuaire pour la rephotographier plusieurs fois. Sur l’image exposée, il apparaît les yeux encavés, comme face à un au-delà dont il tente de mesurer l’immensité et sa bouche est largement ouverte – mais c’est à mon avis l’effet d’un blow up peut-être trop abusif – comme happant la toute fin d’une vie. Son visage n’est pas très reconnaissable avec des traits un peu exaltés et des yeux ressemblant à des trous noirs. Cette photographie est très impressionnante et je me suis étonnée qu’elle ait été justement choisie pour le dossier de presse de l’exposition. J’ai titré cette photographie « L’Alliance » car Joseph, en me faisant un pont entre la mémoire et l’oubli, m’a sortie de la violence d’un silence familial et a commencé à me relier à mon histoire. « LE PASSAGE » © Christine Delory Momberger / Agence Révélateur VB : Qu’en est-il de la deuxième photographie, celle de ta mère. CDM : J’ai photographié ma mère au lendemain de sa mort. J’appréhendais beaucoup de la retrouver dans sa chambre de la maison médicalisée où elle reposait et lorsque je l’ai vue, j’ai été frappée par son visage qui m’a semblé être comme en apesanteur. La bouche était ouverte, le personnel soignant l’avait probablement trouvée morte trop tard pour la refermer, les muscles de sa mâchoire étaient restés raidis. Mon geste immédiat a été de la photographier, l’appareil protégeait mon approche de ce corps inerte. Des rideaux de tulle voilaient la lumière extérieure et assombrissait la pièce et dans mon trouble, je n’ai pas fait le bon réglage, ce qui explique l’aspect tremblé de l’image. J’ai titré cette photographie « Le Passage » car ma mère semble être prise dans une élévation, encore sur terre et m’attendant pour une dernière rencontre mais déjà en partance vers un au-delà pour lequel elle éprouvait une grande frayeur. Là pourtant, elle semble apaisée. Cette image ouvre la seconde partie de LUNE NOIRE qui raconte en images et en mots ma sortie vers la lumière après la traversée du gouffre creusé par la disparition de ma mère. J’associe donc aussi pour moi cette image à un passage, le mien. « LE BAISER » © Christine Delory Momberger / Agence Révélateur VB : Et la troisième photographie ? CDM : Cette image, légendée « Le Baiser » a été un déclencheur puissant et inattendu. Elle représente mon compagnon quelques heures après sa mort avec ma fille qui l’étreint dans un ultime adieu. Il est mort en milieu d’après-midi mais elle n’arrivait en train d’Allemagne où elle vit qu’en début de soirée. J’ai murmuré à mon compagnon de l’attendre. Il reposait le visage doux de paix et son corps n’a rien perdu de sa chaleur jusqu’à l’arrivée de ma fille. Elle l’a tenu tendrement dans ses bras et c’est à ce moment-là que j’ai fait la photo. Vers minuit, j’ai annoncé à mon compagnon qu’on allait reprendre toutes les deux le chemin de la maison et son corps s’est soudainement refroidi. Il avait attendu ma fille et maintenant, lui aussi devait partir vers ses nouvelles terres. VB : Ces trois photographies présentent des procédés comme l’argentique, le numérique et des styles différents, le noir et blanc ou la couleur… Ce sont également des approches photographiques contrastées : la fouille qui induit un retour vers le passé ou la photographie au présent qui se tourne vers l’avenir. Peux-tu nous parler de ce cheminement photographique ? CDM : Les trois images de l’exposition « Et nos morts ? » posent les jalons d’une traversée photographique sur une vingtaine d’années animée par la reconquête d’une mémoire et d’une histoire. La photographie de Joseph amorce la quête que je poursuis ensuite dans « Le Cycle mémoriel », celle de ma mère la clôt et la photographie de mon compagnon avec ma fille me projette avec force hors du déni dans lequel je me trouvais. Nous avions déjà commencé cet été à explorer tous les deux dans une conversation publique aux Rencontres d’Arles (3), cette zone sensible et frappée de turbulences où je m’avance depuis la disparition de mon compagnon mais le déni avait résisté. Ce déni m’aidait certainement à traverser le vide de l’absence et, tout en ayant acté factuellement la mort de mon compagnon, je n’avais pas entamé l’essentiel travail d’acceptation. Au point de vue photographique, je suis passée en 2021 avec « L’Année de l’éclipse » de l’argentique au numérique, du noir et blanc à la couleur, de la fouille du passé à la rencontre du vivant sous toutes ses formes, humaines, animales et végétales. Un passage visible s’accomplissait dans ce saut de formes et de styles mais il s’est passé quelque chose de décisif en septembre au vernissage de l’exposition à la Maison de la Photographie Robert Doisneau qui m’a totalement renversée. La vue de mes trois images accrochées aux cimaises a brutalement griffé d’affects et d’émotions une histoire qui s’écartait à mon insu de son cours, j’ai ressenti un véritable soulèvement et je me suis sentie projetée dans un état d’égarement. Je me suis retrouvée dans une présence-absence au monde avec le sentiment d’une perte de repères et le lendemain, j’en ai même oublié mon sac à main dans un restaurant où je déjeunais. Je ne m’en suis aperçue que trois heures plus tard, ce qui m’est encore aujourd’hui difficilement concevable. Je n’avais tout à coup plus rien, ni papiers d’identité, ni cartes bancaires, ni téléphone, ni clés de mon domicile, ni agenda, j’étais dépouillée de tout, dans une nudité originelle. Heureusement, le sac avait été déposé au bar par le client qui l’avait trouvé et je l’ai récupéré mais ces moments de panique m’ont fait prendre conscience du déni que j’opposais à la perte de mon compagnon. VB : Peux-tu nous en dire davantage ? CDM : Je ne m’attendais pas à cette réaction qui s’est avant tout manifestée corporellement, j’ai été saisie d’une grande fébrilité que je ne maîtrisais plus. J’étais affectée au-delà de tout entendement. Je vois maintenant comment tout faisait sens, je devais accomplir le passage et faire entrer la mort de mon compagnon dans mon histoire. J’avais bien conscience de sa disparition et j’en souffrais terriblement mais d’une certaine façon, sa mort demeurait comme extérieure à moi. Nous nous étions tellement défendus contre l’issue fatale que je restais dans cette énergie de lutte et je ne m’étais pas encore aventurée dans la relation nouvelle qu’ouvrait son départ. L’image « Le Baiser » est la dernière de la série « L’Année de l’éclipse », en partie exposée actuellement à la galerie Rachel Hardoin(4) et c’est cette image qui m’a permis de poser toutes les autres photographies de la série dans un ordre narratif. Au moment où j’ai vu son tirage, j’ai compris ce que j’avais voulu raconter. J’avais commencé ce travail deux ans auparavant à l’annonce du cancer de mon compagnon et j’avais voulu capter la réalité que nous vivions. Il ne s’agissait pas de raconter l’évolution d’une maladie à l’issue incertaine mais d’aller au-devant du vivant que, sans doute, nous percevions maintenant avec beaucoup plus d’acuité. Tout ce travail est empreint d’un défi, nous saurions contrer la mort dans une alliance nouvelle avec le monde des vivants. La couleur a peu à peu prédominé sur le noir et blanc. Il y avait certainement quelque chose de la pensée magique dans cette création qui nous portait, les images restaient étalées et offertes à la vue de tout le monde dans l’appartement. Elles ont continué à me porter après la mort de mon compagnon, j’étais dans une sorte d’état d’exaltation, de transe presque qui alimentait mon déni de sa mort. En fait, ma création me protégeait contre la dévastation intérieure et le chagrin mais cela ne pouvait durer, il me fallait reprendre pied avec un réel. VB : C’est ce qui s’est passé au vernissage avec la photographie « Le Baiser », elle t’a mis face à la réelle et physique disparition de ton compagnon ? CDM : Cette image ponctue un travail mené sur/et avec quelqu’un qui allait disparaître et avec cette disparition, c’était aussi notre monde intime qui se défaisait. J’ai mis toutes mes forces à repousser cette échéance. Le choc reçu au vernissage violentait un état qui ne pouvait durer. Il fallait me confronter au réel de la situation pour passer à une nouvelle étape de ma vie. J’acceptais la réalité de cette mort en l’intériorisant et ce faisant, je pourrai m’en libérais. Cela ne veut pas dire que tout se résout en un jour, je ressens maintenant une grande complexité de sentiments et d’émotions et à certains moments, une infinie tristesse mais la « capsule » du déni a sauté. Je suis sur le chemin. VB : Ce que je vois dans ces trois photographies, c’est qu’elles sont finalement toutes en lien avec ce que tu appelles les petits fantômes. Celle de Joseph marque le commencement de ton travail de fouille qui va te mener à l’apparition des fantômes qui t’accompagneront pendant des années dans la quête de l’histoire familiale d’exils et de migrations dont on t’a privée. Ta mère va elle aussi rejoindre les petits fantômes avec son image tremblée. Elle sera présente dans la performance théâtrale réalisée quelques jours après sa mort au Vent se Lève ! avec les jeunes migrants réfugiés sans papiers du Good Chance Théâtre. Mais avec la série « L’Année de l’éclipse », tu n’as plus eu besoin de l’accompagnement des petits fantômes, la fouille est terminée et tu t’installes dans une photographie du vivant, au présent. Ne pourrait-on pas dire que l’image du baiser scelle la transmission que tu n’as pas reçue mais que tu t’es donnée à travers ton travail de création et que maintenant, tu transmets à ta fille. CDM : Tout mon travail photographique du « Cycle mémoriel » œuvre à restaurer cette transmission familiale qui ne s’est pas opérée et je comprends maintenant le silence de ma mère. Ce n’était pas simple d’être une émigrée italienne dans les années 1930 en France et, tout en restant attachée à sa famille, elle s’est coupée de ses origines italiennes. Cette histoire, je me la suis transmise et je la transmets à ma fille. Les « petits fantômes » ont rejoint eux l’histoire et ils sont dorénavant quiets dans une présence subtile. VB : C’est donc par la photographie que tu es arrivée à traverser le miroir et à regarder la mort en face, comme si tu n’avais enfin plus besoin de « petits fantômes » pour te reconstituer une histoire familiale qui ne t’avait pas été transmise ? CDM : Je vois ces deux expositions, celle à la Maison de la Photographie Robert Doisneau et celle de la galerie Rachel Hardoin comme un ensemble et elles m’ont aidée chacune et ensemble à franchir un pas. De l’interrogation photographique autour de la mort à la jubilation de l’éblouissement, elles proposent une délicate passerelle entre la mort et la vie. En allant maintenant rencontrer photographiquement le vivant et en m’en émerveillant, je me tourne résolument vers la vie même si cet élan reste encore nuancé. La couleur arrive maintenant comme une évidence. La vie continue de soudre même lorsque l’on n’y croit plus, il faut juste être à son écoute pour capter ses vibrations et entendre le message qu’elle nous transmet. Les morts ne sont alors plus des fantômes, ils font partie intégrante de nos vies dans une présence subtile et c’est à chacun de trouver sa relation avec ses morts et sa manière de faire « commerce » avec eux, comme le dit Vinciane Despret. Quelque chose de cet ordre s’instaure pour moi en ce moment « Gratitude » © Christine Delory Momberger / Agence Révélateur Christine Delory-Momberger est universitaire, anthropologue du vivant et auteure photographe. Elle relie recherche et photographie et ses projets s’inscrivent dans les nouvelles écritures de la photographie documentaire. Elle explore les formes identitaires que prennent les figures de soi construites dans leur relation à l’intime, la mémoire, l’histoire personnelle et collective. Son intérêt pour l’histoire collective la conduit dans des lieux où s’est produit l’irreprésentable en inhumanité et qui ont durablement marqué l’Europe. Elle se tourne maintenant vers une photographie du vivant dans la conscience qu’être de ce monde, c’est partager avec les vivants et les non vivants, les humains et les non humains une communauté de destin et une vulnérabilité mutuelle. Elle est l’auteure de plusieurs livres de photographie ainsi que de monographies, essais et livres d’entretiens avec des photographes qu’on retrouve présentés sur son site photographe. https://www.christinedeloryphotography.com Elle est fondatrice avec Valentin Bardawil de l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire PHOTO DOC. https://photodocparis.com/observatoire Elle est représentée par l’agence révélateur. https://www.agencerevelateur.fr Valentin Bardawil est réalisateur, auteur, co-fondateur de Photo Doc. et sz l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire. Après un DEA en économétrie à Dauphine et L’ENSAE, il devient réalisateur de films et de séries pour la télévision. En parallèle, il travaille pendant quatre ans pour Les Rencontres Photographiques d’Arles à la création de leur première mémoire filmée. En 2015, il accompagne Charlotte Flossaut dans la création de Photo Doc. Il fonde en 2019, l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire Photo Doc, avec Christine Delory-Momberger et en partenariat avec le GIS LE SUJET DANS LA CITÉ Sorbonne Paris Nord – Campus Condorcet. Dans ce cadre, ils co-écrivent deux livres, Le Pouvoir de l’intime dans la photographie documentaire (2020, Arnaud Bizalion éditeur) et Insurrection créatrice et photographie documentaire (2020, Arnaud Bizalion éditeur). Il organise et participe à de nombreux événements alliant recherche et photographie documentaire, comme des symposiums, des colloques, des séries d’entretiens filmés ou écrits, creusant toujours plus profondément la construction intime et politique que porte tout travail documentaire. https://photodocparis.com/observatoire INFORMATIONS PRATIQUES Maison de la Photographie Robert Doisneau1, rue de la Division Général Leclerc 94250 Gentilly ven22sep(sep 22)13 h 30 min2024dim18fev(fev 18)18 h 30 minEt nos morts ?La photographie post mortem aujourd'hui en EuropeMaison de la Photographie Robert Doisneau, 1, rue de la Division Général Leclerc 94250 Gentilly Détail de l'événementPourquoi un tel projet ? L’initiative de ce projet visant à montrer des photographies de corps morts puise ses origines dans le cahier des charges de la Maison Doisneau consacré à Détail de l'événement Pourquoi un tel projet ? L’initiative de ce projet visant à montrer des photographies de corps morts puise ses origines dans le cahier des charges de la Maison Doisneau consacré à la photographie dite « humaniste » dont le projet est de questionner l’Homme, son histoire moderne et contemporaine mais aussi les conditions de son existence. Il était donc temps, plus de vingt années après son inauguration, que la Maison Doisneau aborde enfin un chapitre consacré aux morts. L’objet ici n’est pas la mort dans un absolu. Il n’est pas question de s’interroger sur les diverses façons dont la photographie peut, de manière plus ou moins réaliste ou métaphorique, s’emparer de la mort en tant que notion ou abstraction. Car ce sont bien les morts eux-mêmes et l’image de leurs dépouilles en Europe (en France en particulier) qui font l’objet de notre réflexion. Les morts et la photographie partagent de longue date un espace visuel commun, à la fois intime, institutionnel et médiatique : dans les ateliers de portraits jusqu’au milieu du 20ème siècle mais aussi dans la presse, les archives familiales ou encore les archives scientifiques ou médico-légales. Le portrait post mortem réalisé par des auteurs ou autrices a longtemps répondu à des contraintes techniques (éclairage, angle de prise de vue d’un corps le plus souvent allongé ou semi couché) et des codes funéraires immuables. On ne distingue que peu de variantes dans les portraits et les mises en scènes et aucune autre finalité que la présentation du corps à un entourage plus ou moins proche. Il faut donc attendre les années 1970, lorsque la photographie fait clairement reconnaître sa qualité de medium artistique, pour voir apparaître quelques oeuvres revendiquées comme telles s’intéressant aux visages et aux corps des morts. Afin de dresser notre panorama de la photographie post mortem aujourd’hui en Europe, nous avons privilégié des oeuvres récentes et, pour la plupart, peu connues, en les introduisant toutefois par une lection d’images réalisées au milieu du 20ème siècle (Jacques Henri Lartigue, Laure Albin Guillot, Robert Doisneau, Raymond Voinquel). Ces oeuvres et images sont celles d’autrices et d’auteurs : reporters, illustratrices et illustrateurs, plasticiennes et plasticiens. Ainsi nous observons le cadre programmatique de la Maison Doisneau qui est essentiellement dédiée aux photographes utilisant le médium dans une volonté d’expression ou de création. En rassemblant des démarches relativement homogènes nous facilitons par ailleurs les comparaisons et les analyses : bien que résultantes d’intentions précises, ces oeuvres traduisent aussi des comportements vis-à-vis des morts propres à des époques et des contextes. Michaël Houlette Directeur de la Maison Doisneau / Lavoir Numérique Photographier nos morts Les morts dont il s’agit ici sont les morts individuels mais aussi, comme nous l’avons hélas éprouvé lors de la pandémie de COVID-19, les morts multiples. Ce sont nos propres morts qui, vivants, ont partagé notre contemporanéité, ceux que nous avons côtoyés et dont la disparation nous affecte ou nous concerne. Ce sont les morts du « quotidien », celles et ceux qui meurent « dans leurs lits de morts » et qui représentent la majorité des décédés dans nos sociétés en paix (selon le site Santé Publique France, entre 1993 et 2008 en France, 57% des décès sont survenus à l’hôpital, 27% à domicile, 11% en maison de retraite et 5% dans d’autres lieux). Mais justement, où sont nos morts ? Les pays de l’Europe occidentale ont connu une histoire des pratiques funéraires et liée la représentation de la mort sensiblement similaires et présentent aujourd’hui la particularité de ne pas montrer leurs morts ni leurs images. Ce qui relevait du visible et d’une certaine tradition, au moins jusqu’au milieu du 20ème siècle, a de toute évidence évolué ou semble désormais révolu. Les morts européens ont par exemple disparu de la sphère médiatique. Quotidiens et magazines imprimés, journaux télévisés ou sites internet d’informations ne diffusent par exemple plus les portraits post mortem de nos célébrités trépassées comme cela se faisait jusque dans les années 1960. Et ils ne montrent qu’en d’exceptionnelles occasions les corps morts de nos concitoyens. La photographie, qui a presque deux siècles d’existence, est un indicateur riche d’enseignements sur nos sociétés, sur ce qui les caractérise. L’essayiste Susan Sontag a écrit que les photographies diffusées ou montrées nous indiquent ce que nous pouvons voir, ce que nous devons voir et, par défaut, ce qui nous est socialement interdit. Les images véhiculées par la presse mais aussi par les médias sociaux européens sont soumises au droit mais aussi à un certain nombre de règles et de censures plus ou moins établies. Les photographies post mortem que nous réalisons de nos proches ne sortent généralement pas de la sphère intime. Les images montrant des corps occidentaux trépassés, ne paraissent quasiment pas dans les médias. Quant aux photographies réalisées à des fins de documentation ou d’expression quelquefois montrées dans des lieux dédiés (musées, centres d’arts ou festivals), celles-ci font systématiquement débat. Avons-nous donc à faire à un tabou lorsqu’il s’agit de photographier nos défunts ou de montrer un portrait post mortem ? Pouvons-nous parler d’une nouvelle forme de pornographie comme l’avait envisagé, dès le début des années 1950, l’anthropologue Geoffrey Gorer (Pornography of Death, publié en 1955) à propos de la mort et des morts ? Est-il vrai comme l’avait affirmé l’historien français Philippe Ariès dans son sillage que nos enfants sont très tôt initiés à la physiologie de l’amour mais qu’ils ne savent pas comment mourir et si peu à propos de la mort ? De notre point de vue, l’invisibilité des photographies post mortem dans notre espace médiatique parle d’elle-même et reflète tout simplement notre rapport à la mort : ces photographies « n’existent pas» aujourd’hui (en France en tous cas) dans le sens où elles ne sont pas diffusées pour des questions d’ordre légales mais aussi morales, faisant l’objet d’autocensures, de suppressions ou de bannissements quand elles ne sont pas, pour ce qui concerne les médias sociaux, soumises aux filtres des modérations technologiques et humaines. La photographie post mortem se confronte à notre sensibilité contemporaine. Dans un contexte où l’espérance de vie est élevée (en moyenne 80 ans par exemple en France, en Belgique et en Allemagne), où l’accès aux soins est théoriquement assuré et où les individus ont accès à une certaine qualité de vie, la confrontation avec la mort peut rester épisodique jusqu’à un âge avancé ; le deuil ne s’affichant plus au grand jour, la perte d’un proche peut d’ailleurs paraître totalement inaperçu. La mort est aujourd’hui perçue comme un intolérable terme à une vie qui se doit d’être riche et remplie. Le devoir de bonheur vécu comme une valeur positive dans nos sociétés de consommation aurait d’ailleurs tendance à brider les émotions supposées négatives comme le chagrin lié au deuil, la peur ou l’angoisse de la mort. Le rapport que nous entretenons avec nos morts, le traitement que nous réservons aux dépouilles de nos défunts, décrivent nos sociétés et notre manière de nous penser. Or que devons-nous penser d’une société qui dissimule ses morts ? Aussi le but de notre exposition et de la présente publication, de ce bref séjour parmi les morts, est offrir une visibilité à ce qui, aujourd’hui, ne se voit pas. C’est offrir, le temps d’une visite ou d’une lecture, un espace au flux de pensées et d’émotions (peur, sidération, répulsion, fascination, chagrin, empathie, etc.) qui accompagne la vision du corps mort. C’est peut-être aussi ressusciter, pour un instant, la tradition baroque des vanités qui visaient à rappeler la fugacité du temps qui passe et la fragilité de notre existence. Le parcours de l’exposition, respectent une sorte de chronologie des morts. Après un préambule consacré aux rituels photographiques qui prévalaient jusqu’au milieu du 20ème siècle nous abordons successivement le trépas, puis la gestion et, enfin, l’éloignement physique des corps trépassés. Après décès, les morts sont en effet soumis à un protocole ritualisé mais aussi réglementaire et technique de soins puis d’obsèques. S’ensuit une manipulation ultime du corps pour la crémation ou l’inhumation. Les photographies réunies ici illustrent ces différentes étapes de « la vie des morts » interrogeant à chaque fois ce qui est à portée de regard des vivants et ce qui demeure habituellement invisible, ce qui est permit de voir ou ce qui est interdit mais aussi ce qui de l’ordre de la fracture ou de la réconciliation avec les morts. Michaël Houlette Exposition collective rassemblant 20 auteurs et autrices, accompagnée d’une publication, éditée par la Maison Doisneau Laure Albin Guillot, Philippe Bazin, Goran Bertok, Patrik Budenz, Christine Delory-Momberger, Eric Dexheimer, Robert Doisneau, Odhràn Dunne, Laurence Geai, Steeve Iuncker, Irène Jonas, Beate Lakotta et Walter Schels, Franck Landron, Jacques Henri Lartigue, Frédéric Pauwels, Bruno Réquillart, Rudolf Schäfer, Raymond Voinquel et Sophie Zénon Commissariat : Michaël Houlette assisté de Camille Lebossé Photo : © Eric Dexheimer / Signatures. In Fine. Tirages jet d’encre réalisés pour l’exposition, 2011 DatesSeptembre 22 (Vendredi) 0 h 30 min - Février 18 (Dimanche) 5 h 30 min(GMT-11:00) LieuMaison de la Photographie Robert Doisneau1, rue de la Division Général Leclerc 94250 Gentilly Maison de la Photographie Robert Doisneau1, rue de la Division Général Leclerc 94250 GentillyEntrée Libre. Ouvert du mercredi au vendredi : 13h30 - 18h30 et le samedi et dimanche : 13h30 - 19h Dermée les jours fériés Get Directions CalendrierGoogleCal (1) « Et nos morts ? La photographie postmortem aujourd’hui en Europe ». Exposition collective du 22 septembre au 18 février 2023 à la Maison de la Photographie Robert Doisneau / Gentilly, rassemblant 20 auteurs et autrices, accompagnée d’une publication, éditée par la Maison Doisneau. Commissariat : Michaël Houlette assisté de Camille Lebossé (2) Christine Delory-Momberger. LUNE NOIRE. Arnaud Bizalion Éditeur, 2023. (3) « De Lune noire à L’année de l’éclipse ». Christine Delory-Momberger en conversation avec Valentin Bardawil. 3 juillet 2023. https://youtu.be/8s_Mt3MupzU Cette conversation publique a eu lieu dans le cadre de l’exposition collective de l’agence révélateur « … et s’éblouir… » dans une Carte blanche de la FONTAINE OBSCURE à l’agence révélateur où j’ai exposé des premières images de « L’Année de l’éclipse ». LA GALERIE / FONTAINE OBSCURE aux Rencontres photographiques d’Arles. (4) Exposition collective de l’agence révélateur « … et s’éblouir… » dans le cadre des Rencontres photographique du 10è à la Galerie Rachel Hardoin – 15 Martel, Curiosity + Expérience, du 13 octobre au 18 novembre 2023. Commissariat : Rachel Hardoin & Olivier Bourgoin. (5) « quand des histoires d’exils se rencontrent ». Performance Good Chance Theater (Théâtre du possible), scène itinérante de création pour et par les migrants, en interaction avec les images du triptyque « exils / réminiscences ». Images Christine Delory-Momberger, textes et voix Christine Delory-Momberger, Salah Al Hamdani, Christine Kotschi. Mise en scène Jack Ellis et Valentin Bardawil, Le Vent se lève. Zone libre d’art et de cultures, éthique et solidaire, Paris http://www.christinedeloryphotography.com/-/galleries/videos/performances/quand-des-histoires-dexils-se-rencontrent-good-c/-/medias/3a4be6c1-4391-42f4-bc29-b0c39c578acf Voir également le livre issu de cette performance : Christine Delory-Momberger & Valentin Bardawil. Insurrection créatrice et photographie documentaire. Arnaud Bizalion Éditeur, 2020. Favori1
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